mardi 16 avril 2024

Nicola Montenz: Parsifal et l’Enchanteur Editions JC Lattès

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Printemps 1864, surendetté, au bord du suicide, souffrant de sa relation désastreuse avec son épouse Minna, Richard Wagner désespère aussi de n’être jamais compris ni reconnu pour son art.
Le fugitif est au fond du gouffre quand le destin, miraculeusement lui tend la main et apaise toutes ses désillusions…


Eté 1864 : les miracles d’une rencontre

Le miracle s’incarne dans la personne d’un Lohengrin des temps modernes, venu le sauver: le jeune Louis II de Wittelsbach, alors âgé de dix-huit ans, tout juste couronné roi de Bavière.
Louis reste fasciné par les opéras chevaleresques et romantiques de Wagner: Tannhäuser, Lohengrin ont bercé l’imaginaire de son enfance et atténué l’éducation très spartiate imposé par son père. La musique si prenante de Richard a soudainement mis en branle les fresques héroïques du château royal de Hohenschwangau où la famille passe chaque été… Pour les deux âmes, l’homme de 50 ans et le jeune homme de 19 ans, la rencontre relève du mystère et du magnétisme le plus inouï.

Le souverain lui alloue une pension à vie, efface ses dettes, met à disposition la somptueuse villa du lac de Starnberg où le compositeur peut enfin s’installer bourgeoisement… curieux bouleversement pour l’ex révolutionnaire.
Mais comptant sur ce mécène imprévu, Wagner retrouve dès l’été 1864, Cosima von Bulow, la fille de Liszt, dont il tombe amoureux. Cosima qu’il connaissait déjà est alors mariée au chef d’orchestre Hans von Bulow, lui-même partisan depuis le début des opéras de Wagner. Cosima est la seconde personne miraculeusement placée dans le vie de Wagner en 1864… Elle restera comme Louis II, à ses côtés, coûte que coûte, dans une adoration totale. L’année 1864 est donc celle d’une renaissance pour Wagner: richesse, soutien, protection et amour sont les ingrédients d’une période miraculeuse où il ne manque que l’inspiration pour prolonger son œuvre lyrique, riche déjà des premières légendes romantiques, Tannhäuser, Lohengrin, Tristan… le grand œuvre ne tardera pas à venir avec L’Anneau du Nibelungen dont l’achèvement et le lieu pour le créer idéalement (le futur théâtre de Bayreuth) seront réalisés grâce à l’appui indéfectible de Louis II.

L’auteur, citant ses sources, dans un style raffiné et précis retrace les épisodes d’une aventure humaine, spirituelle et artistique dont l’originalité et le caractère miraculeux dépassent l’imagination. Wagner eut bien du génie, mais il ne manqua pas non plus de chance. C’est peut-être surtout à l’essence même de sa musique, et l’impact des forces psychiques qu’elle produit sur ceux qui la reçoivent, que le compositeur doit sa résurrection financière, humaine, artistique à 50 ans.

Plume impeccable, faits scrupuleusement restitués, le texte est captivant et dévoile ce qui est au cœur même de l’univers wagnérien: l’humain, les déchirements, les angoisses, les attractions troubles. Si son théâtre peint la désillusion, l’impuissance, la malédiction mais aussi le désenchantement collectif (avec les appels à la compassion et à la fraternité), l’homme même s’il a souffert, aura vécu une existence hors normes, de la dépression suicidaire au dénuement le plus total jusqu’à la gloire et au soutien le plus entier de ses proches.
En intitulant son récit biographique, au final très peu romancé,  » Parsifal et l’Enchanteur « , l’écrivain italien Nicola Montenz (né en 1976) célèbre le plus vibrant hommage au miracle d’une rencontre humaine improbable dont allait sortir le cycle lyrique le plus décisif de l’histoire du genre: le Ring. Pour autant, l’écriture sait rester distante vis à vis de son sujet, appliquant un examen souvent objectif quant aux dérapages multiples d’ordre matériel, pécuniaire, affectif de l’homme Richard Wagner… Au fil des pages que l’on dévore, un théâtre des passions se déploie, dépassant souvent les scénarios les plus délirants… Wagner et Louis II, ce sont aussi les ressentiments de Liszt, Cosima, Hans, le destin parfois tragique des chanteurs wagnériens, sans compter la galerie des amants de Louis II et le cercle des ministres du souverain, tous ligués contre l’artiste musicien à la voracité pécuniaire inextinguible… Passionnant.

Nicola Montenz: Parsifal et l’Enchanteur. Louis II et Wagner. Editions JC Lattès. Parution: janvier 2013. 300 pages. ISBN: 978 2 7096 3950 7.

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