vendredi 19 avril 2024

Nantes. Théâtre Graslin, le 15 mars 2013. Mozart : l’Enlèvement au sérail, Elena Gorshunova, Beate Ritter… Sascha Goetzel, direction. Alfredo Arias, mise en scène.

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Première de l’Enlèvement au Sérail de Mozart à Nantes au Théâtre Graslin. La coproduction d’Angers Nantes Opéra avec l’Opéra de Montpellier et l’Opéra Royal de Wallonie – Liège est signée Alfredo Arias pour la mise en scène, et la direction musicale de l’Orchestre National des Pays de la Loire assurée par le chef autrichien Sascha Goetzel.

Le premier singspiel ou opéra allemand de la maturité de Mozart, est en fait une commande de l’Empereur Joseph II crée en 1782. Il représente un véritable élargissement du genre, ouvrant la voie à la Flûte Enchantée, à Fidelio, au Freischütz. Voilà le premier grand opéra allemand et le plus grand succès des opéras du vivant du maître salzbourgeois. Comme c’est le cas pour Idomeneo, s’y glissent les germes de toute la musique de l’avenir de Mozart. L’amour y triomphe sur toutes les forces hostiles qui s’y opposent. Cest aussi une partition d’une grande difficulté interprétative, l’Empereur s’exprima en ce sens : « Trop beau pour nos oreilles, et beaucoup trop de notes ». Phrase souvent paraphrasée, à présent archicélèbre.

le retour d’ Alfredo Arias à l’opéra
Comique Enlèvement plein d’humanité

Le couple noble de Constance et Belmonte est interprété par Elena Gorshunova et Frédéric Antoun. La soprano a une allure altière qui s’accorde très bien avec son rôle, même si parfois la mise en scène paraît l’emporter vers la folie plus qu’à la rage, à l’angoisse romantique plus qu’à une certaine sévérité stoïque : bel effort dans ses airs d’une extrême difficulté… la cantatrice monte progressivement vers un sommet d’expression qu’elle achève dans la romance finale où elle est davantage maestosa voire sublime. De son côté le ténor a une voix puissante, d’une belle couleur. Son souffle et son sostenuto sont impressionnants, il maîtrise les difficiles passages de coloratura, mais ce qu’il a en technique lui manque en tendresse; l’intellect prévaut sur le naturel. Frédéric Antoun arrive cependant à émouvoir dans la romance du dernier acte avec un chant maitrisé, et finalement avec du sentiment sincère.

Le couple populaire de Blondine et Pedrillo est assuré par Beate Ritter et François Piolino. Excellents comédiens, la mise en scène met en valeur leur présence scénique. Elle est une ravissante Blondine au chant aérien, d’une agilité pétillante. Beate Ritter ne semble pas avoir de difficulté avec les acrobaties vocales et ajoute des ornements à la partition qui sont heureusement très réussis, éclatants même. Sa présence est caractéristique et son jeu d’actrice très sympathique. Agréable aux yeux comme aux oreilles. François Piolino est un excellent chanteur et comédien. Parfois trop affecté et comique pour l’oeuvre, son dynamisme demeure enthousiasmant. Jan Steva est un Osmin implacable. Il est aussi un excellent comédien et gère les difficiles passages de coloratura (pour voix de basse!) avec éclat. L’acteur suisse Markus Merz est un Pacha à la belle allure et avec une certaine prestance, mais sa noblesse est atténuée par les options de la mise en scène qui favorise la percée comique de l’œuvre.

Dans la fosse, le chef insiste lui aussi sur la comédie. L’Orchestre National des Pays de la Loire est plus à l’aise dans la turquerie que dans le lyrisme. Dès l’ouverture, il a un rythme endiablé et un entrain qui rappelle l’opéra comique. Les cordes et les percussions sont en général très vives. Malheureusement la force de l’orchestre sous la baguette de Goetzel paraît souvent vulgaire (cors vulgaires). La mise en scène d’Alfredo Arias, pourtant économe, s’écarte de la noble simplicité et reste souvent confuse et maladroite. Parfois l’aspect comique n’est pas dépourvu de poésie. Quand Constance touche l’eau le reflet des ondes dans le décors a été presque fascinant. Mais nous n’avons pas eu droit à plus que cela… Quand bien même cela suffirait à faire un spectacle. Le choeur d’Angers Nantes Opéra dirigé par Sandrine Abello est comme d’habitude éclatant, plein d’esprit, plûtot empêtré dans un mise en scène qui n’a absolument rien fait pour eux.

A la fin de la représentation, quelques spectateurs étaient émus, en larmes même, par la beauté de l’oeuvre. Mozart l’amoureux ne peut pas inspirer de sentiments méchants, mais il est aussi souvent incompris. Ce n’est qu’en l’écoutant et l’explorant à plusieurs reprises qu’on arrive peut-être à comprendre sa complexité. Ce soir Mozart a été plus compliqué que complexe, et si la focalisation sur l’aspect comique de l’œuvre, tant de la part du chef comme du metteur en scène, ne nous convainc pas, nous reconnaissons cependant l’immense humanité de la production. Prochaines représentations le 22 et 24 mars à Nantes, puis le 3, 5 et 7 avril 2013 à Angers.

Nantes. Théâtre Graslin, le 15 mars 2013. Wolfgang Amadeus Mozart :
l’Enlèvement au sérail, singspiel en 3 actes. Elena Gorshunova, Beate
Ritter… Orchestre National des Pays de la Loire. Sascha Goetzel,
direction.
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