France Musique. Dimanche 22 mars 2015, 20h30. Impromptus D 899 de Franz Schubert. Véritable hymne à la nuit, appel au songe le plus enivrant, le livre D899 opus 90 des Impromptus schubertiens (1827) est pure immersion dans le rêve, où dans la réitération du souvenir se mêlent la force des instants vécus ou supposés, et l’intensité toute autant prenante du désir qui les convoque. Tel est cette magie particulière de la Sehnsucht schubertienne (spleen, élan, désir, action, rétrospection… comme on voudra), qui doit être exprimée et clarifiée comme une caresse par le jeu des pianistes enchantés.
Rêverie et songe schubertiens… Dans la dernière séquence de sa vie trop courte (il meurt à Vienne en novembre 1828), Schubert comme libéré de la figure écrasante du Titan également viennois, Beethoven (qui meurt en cette année décisive), compose avec une nouvelle frénésie : il en découle les 4 Impromptus pour piano dont le livre D 899, composé en septembre 1827 pendant son séjour chez son ami Jenger à Graz. La rêverie traverse chaque séquence comme la réitération d’un souvenir secret dont l’énoncé rappelle aussi les landier ; la rusticité et la simplicité y évoquent les soirées ou Schubertiades où le compositeur aimait jouer ses œuvres entourés de ses amis. Schubert n’innove pas véritablement mais le filtre émotionnel auquel il soumet toutes ses œuvres atteint ici à des climats intérieurs inexplorés avant lui : l’alternance mineur / majeur, la réexposition particulièrement affinée des thèmes, le jeu liquide, mouvant du chant et du contrechant, dessinent autant de paysages d’une infinie suggestion, perspectives où l’âme errante semble se perdre, mais retrouve en définitive les ferments les plus intimes de sa propre identité.
Quels interprètes savent exprimer les chants intérieurs d’un Schubert rêveur mais aussi lucide voire sarcastique dont le génie mélodique porte la quête du Voyageur, entre errance, solitude, pleine conscience… Dès le premier épisode de l’opus 90, le compositeur fait entendre vertiges et déflagrations, comme il exprime au plus profond des replis de l’âme, cette notion de Sehnsucht si typique de la sensibilité romantique allemande…
France Musique. Dimanche 22 mars 2015, 20h30. Impromptus D 899 de Franz Schubert. Magazine La tribune des critiques