vendredi 19 avril 2024

Haendel : Israel en Egypte, Israel in Egypt (Roy Goodman, 2014, 2 cd Etcetera)

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handel-roy-goodman-israel-in-egypt-etcetera-2-cdCD, compte rendu critique. Haendel : Israel en Egypte, Israel in Egypt (Roy Goodman, 2014, 2 cd Etcetera). Une impression de départ se précise immédiatement : la matière râpeuse souvent rugueuse de l’orchestre dès le début laisse prévoir un dramatisme à la fois resserré et précis, avare en échappée extatique et contemplative comme le réalise autrement William Christie sur le même sujet haendélien. Action et réflexion, voilà les deux composantes poétiques de l’oratorio de Haendel. Roy Goodman semble avoir tranché pour la retenue parfois extrême… La relative austérité douloureuse convient au sens même de la fable biblique concernée : les Iraéliens en Egypte ayant éprouvé les événements les plus éprouvants de leur histoire. Les tempi ralentis et l’articulation retenue du chœur dès le début affirment une lecture plus introspective que réellement dramatique. Il est vrai que la première partie (ici la musique exalte le tombeau des pleurs sur la mort de Joseph) est d’abord une ample et spectaculaire déploration collective… le chœur endeuillé pleure la chute des grands et donc souligne la vanité des gloires terrestres : pourtant il faut d’urgence se reporter à l’accomplissement des Arts Florissants saisissants ambassadeurs des Funérailles pour la Reine Caroline l’amie et protectrice de Haendel (cd récemment paru aux éditions Les Arts Florissants) ; car Haendel a repris du cycle pour Caroline, les mêmes paroles et les mêmes inflexions d’un pathétique irrésistible : How is the mightly fall’n ! (comme le puissant est tombé !)

Entre méditation et action

Mais ici à force de ralentir, le mordant du verbe se dilue et l’exclamation paniquée retombe sans muscles. Pourtant la section de glorification qui compose l’apothéose des bienfaits de Joseph ne manque pas de grandeur ni de solennité. De même l’introduction instrumentale du Quatuor :  » the righteous shall be had in everlasting remembrance … » / le juste sera éternellement gardé dans la mémoire…, manque d’ampleur, de chair : il sonne étriqué. Les solistes paraissent souvent exténués, et le chœur à la peine. La direction de Roy Goodman reste sage.
Et puis dans la troisième partie (Le cantique de Moïse), la tension de ce concert live portant peu à peu ses bénéfices, instrumentistes, choristes et solistes soudainement se lâchent davantage, offrant dans la tenue méditative et de réflexion, une caractérisation qui manquait jusque là. Les grands chœurs fugués qui semble récapituler toute la charge spirituelle accumulée, prennent acte de la présence divine, cultivent enfin un souffle épique que l’on attendait. Dans son air exalté, le ténor James Gilchrist trouve le ton d’une juste implication, idem pour tous les solistes de cette partie dont le soprano 1 (Julia Doyle) qui tout en louant la puissance divine, sait aussi évoquer les miracles de la Divinité généreuse et protectrice pour le peuple élu. Autant la première partie (Lamentation après la mort de Joseph) est marquée par l’affliction médusée, statique, autant la dernière partie, évoquant Moïse, redouble d’épisodes et séquences très dramatiques, portés par un engagement palpitant des interprètes : superbe chœur The people shall hear…, Handel et son librettiste n’hésitent pas à précipiter l’action : la noyade des troupes de Pharaon est « emportée » en quelques mesures par un récitatif dramatique alloué au ténor mais surligné ensuite par un chœur solennel et doxologique. Le Handel majestueux et narratif s’exprime idéalement dans la dernière séquence associant le soprano et le chœur dans une célébration collective, élan irrépressible après l’affirmation de l’anéantissement des cavaliers de Pharaon dans les eaux vengeresses.

Roy Goodman formé par Gardiner à l’école de Haendel, trouve finalement le ton juste entre fine caractérisation et profondeur méditative de la fresque biblique. Entre enseignement méditatif et drame narratif, le chef gagne en cours de performance à être écouté. Si Lamentation et Exode peinent parfois, la combinaison des troupes réunies sous sa direction s’électrise surtout dans la dernière partie (Cantique de Moïse). L’écoute est d’autant plus profitable qu’il s’agit ici de la version de la création (1739) où de facto le compositeur, convaincu par son matériau précédent, recycle la totalité de son Anthem pour les funérailles de sa protectrice la Reine Caroline (1737). Pas facile de réussir la première partie toute voilée par le deuil et la désolation. Dans sa globalité, le travail du chœur omniprésent, l’assiduité des solistes qui se bonifient en cours de cycle, le chef au début timoré, puis de plus en plus convaincant, composent une très honnête lecture de l’un des oratorios anglais de Haendel parmi les plus originaux et profonds, écrits à Londres.

Handel : Israel in Egypt (version originale 1739). Julia Doyle, Maria Valdmaa, David Allsopp, James Gilchrist, Roderick Williams, Peter Harvey. Nederlands Kmaerkoor. Le Concert Lorrain. Roy Goodman, direction. Enregistré en septembre 2014 à Brême,lors du festival Musikfest. 2 cd Etcetera KTC 1517.

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