par Raphaël Dor
La célébrité d’un artiste, de son vivant, n’assure malheureusement pas sa postérité. Celui que l’on surnommait le « Paganini du violoncelle », le belge François Servais, a vécu entre 1807 et 1866 laissant derrière lui une quarantaine d’œuvres pour son instrument. Soliste virtuose, il s’est donné en concert dans toute l’Europe et a joué notamment avec Liszt ou Mendelssohn. Didier Poskin a exhumé certaines œuvres de Servais restées jusqu’ici dans des tiroirs, comme son deuxième concerto pour violoncelle présenté dans ce disque.
En réalité, le Morceau de Concert Op.14 n’est pas un véritable concerto pour violoncelle, mais reste considéré comme tel malgré sa forme tout à fait originale. En un seul mouvement d’une quinzaine de minutes, il est structuré en quatre parties (dont les tempi sont semblables à ceux d’une symphonie) mais s’écarte très vite de la forme-sonate ou des schémas formels habituels. Il s’agit plutôt d’une forme en arche, avec une reprise finale du premier thème mouvementé et surprenant, encadrant des séquences plus lyriques. Le style est résolument encré dans le romantisme à la française du début du XIXe, mais des lignes mélodiques tortueuses et des harmonies audacieuses pimentent le discours. Le violoncelle soliste repousse quant à lui toutes ses limites de virtuosité et d’expressivité.
Plus légères, la Fantaisie burlesque sur le Carnaval de Venise, Op.9 et La Romanesca utilisent toutes deux des thèmes populaires. Celui du Carnaval de Venise avait déjà été employé par Paganini pour des variations, tandis que La Romanesca est une mélodie du XVIe siècle que Servais a arrangé pour violoncelle et orchestre. A chaque fois le soliste possède une ligne très vocale, dont on sent les influences des récitatifs et ariosos d’opéras, avant d’entamer des phrases très lyriques.
L’œuvre de jeunesse qu’est le Concerto pour violoncelle n°1 Op.5, composé en 1834, semble plus conventionnelle mais possède malgré tout quelques originalités. Ses trois mouvements s’enchaînent sans interruption, alternant encore deux mouvements rapides et virtuoses (où l’on sent que servais est plus plus inspiré) avec un mouvement lent à l’écriture très vocale.
Jamais la virtuosité n’est creuse dans toutes ces œuvres. François Servais fait preuve d’un sens du drame qui évoque Beethoven ou Berlioz.
L’interprétation du violoncelliste Didier Poskin impressionne tout d’abord par la grande maîtrise de son instrument, relevant haut la main tous les défis techniques. Le son est parfois rugueux ou aigre dans les registres les plus inhabituels, mais cela s’accompagne toujours d’une volonté expressive. L’Orchestre Symphonique de la Radio-Télévision Coréenne (KBS) sonne un peu opaque mais est dirigé par Patrick Davin avec énormément d’énergie et de précision.
François Servais: Concertos pour violoncelle n°1 & 2 ; Fantaisie Burlesque ; La Romanesca. Violoncelle, Didier Poskin ; KBS Symphony Orchestra ; Patrick Davin, direction. 1 cd Fuga Libera. Ref FUG593. Compte rendu rédigé par Raphaël Dor