jeudi 28 mars 2024

Francesco Cavalli (1602-1676), Giasone (Venise, 1649)

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Que savons-nous aujourd’hui de l’opéra le plus joué, le plus admiré au XVIIème : Giasone (Jason) mis en musique par Francesco Cavalli d’après un livret de Giacinto Andrea Cocignini et créé sur la scène du teatro San Cassiano à Venise pendant le Carnaval 1649 ?
Il faut le considérer comme un nouveau manifeste de la vitalité de l’opéra vénitien après la mort de Monteverdi, une continuation digne du maître dont Cavalli l’un des plus illustres disciples.
Les premiers commentateurs relève la réussite du livret de Cocignini qui ose marier tragédie et comédie, selon une formule pourtant portée à un premier degré d’excellence par Monteverdi au début de ces mêmes années 1640. En témoignent les 18 représentations qui suivent sa création vénitienne, d’autant plus méritantes dans un contexte où les œuvres dans la Sérénissime se pressent, où les amateurs de lyrique consomment et passent très vite à un nouvel ouvrage d’une saison à l’autre, d’un théâtre à l’autre ; en témoignent tout autant, les près de 12 manuscrits, copies d’époque d’après l’autographe de Cavalli. C’est dire le succès de la partition !
Cavalli déborde d’inventivité mélodique, et surtout d’immédiateté tonale et ryhtmique qui donne à la musique cette évidence immédiatement mémorisable. Mais le propre du musicien et de son librettiste est de jouer sur l’ambiguité psychologique des personnages, avec cette liberté propre au XVIIème : le personnage de Jason est emblématique de cette vision double et même triple, en tout cas déroutante donc fascinante pour les spectateurs : il est héroïque et bouffon, fantasque, imprévisible.
C’est aussi l’œuvre qui par son éloquente sobriété, aucun effet superflu, par cet équilibre pensé des moyens utilisés, s’avère être la plus fidèle à l’art de son maître Monteverdi dont le Couronnement de Poppée s’impose par ses fulgurances expressives, par ce sens supérieur de l’épure, de l’intensité, de la synthèse.
L’impertinence du livret a suscité certainement les plus vifs enthousiasmes car Cocignini semble doué d’une ironie mordante qui aime se jouer des canons mythologiques. Songeons par exemple à la scène où Oreste commente Jason victorieux, conquérant de la Toison d’or et enlaçant Médée : il « tient un mouton sur ses épaules, et la vache dans ses bras » !
Ici, le mythe du Jason glorieux et infidèle, et de Médée infanticide n’a pas lieu d’être. Car Cocignini aime à reprendre et recoudre le fil des épisodes mythologiques. La tragédie est écartée pour une peinture vive et cocasse des héros convoqués : Médée épouse le vieil Egée, et Jason convole avec la lugubre Hypsipyle. La charge comique et même délirante est incarnée par le personnage de Démo, confident d’Egée, bossu et bègue. Chacune de ses interventions donnent matière à un subtil jeu linguistique, d’onomatopée et de significations à double sens à peine masqués.

L’interprète moderne doit comprendre une œuvre plurielle, décomposée au travers de ses innombrables copies qui attestant d’une célébrité inouïe du vivant de Cavalli, -âgé de 47 ans-, certain de devoir rétablir une œuvre emblématique du goût vénitien au milieu du siècle, mais démuni dans la façon de l’aborder. D’autant que, évidemment, la partition originale de la création est toujours perdue à ce jour. Les chefs recréateurs ont fait œuvre d’inventeur comme René Jacobs dans son enregistrement paru chez HM, qui écrit l’air de la fureur de Médée (d’après un air de Stradella qui lui-même avait réarrangé une reprise du Giasone de Cavalli !).
Le soin des auteurs a dû comme c’était la règle alors, se focaliser sur la qualité des chanteurs qui doivent être aussi des acteurs accomplis. L’orchestre, fidèle aux conditions normales dans les petites salles des théâtres vénitiens, réduit au maximum. Deux violons et un continuo, pour l’essentiel. Ces indications qui rendent impossible une restitution de la création originelle du Giasone de Cavalli, nous laisse d’autant plus déconcertés face à un ouvrage qui fut l’un des plus grands succès de l’opéra vénitien au milieu du XVII ème siècle.

Intrigue

Prologue
Si Apollon se félicite de l’union de Jason et de Médée dont il est un ancêtre, Cupidon rappelle cependant que Jason fut auparavant l’époux de la reine Hypsipyle ! Le destin du héros créée une dispute entre les dieux.

Acte I
Ile de Colchide, château de Médée. La toison d’or y est gardée par un monstre. Mais le héros s’est alangui, préférant s’adonnant aux plaisirs voluptueux avec une inconnue qui lui a donné deux jumeaux, comme d’ailleurs marié à la reine Hypsipyle, il eut de cette dernière, sur l’île de Lemnos, deux précédents jumeaux. Médée de son côté quitte son amant Egée, roi d’Athènes.
Delfa, nourrice de Médée conseille à sa maîtresse d’épouser le noble Jason. Survient Hypsipyle venu reprendre son infidèle époux.
Magicienne, Médée invoque le dieu des enfers, Volano, et forge une bague qui redonne à Jason, sa puissance passée.

Acte II
Oreste, le confident d’Hypsipyle lui apprend l’infidélité de Jason. Lequel disposant d’une force reconquise, s’empare de la toison d’or. Il fuit l’île de Colchide pour rejoindre l’île de Lemnos où rencontrant son épouse Hypsipyle, la déclare folle. Entretemps, un nouveau couple, Besso/Alinda, serviteurs, se forment. Leur duo constitue le final.

Acte III
Médée paraît et jalouse d’Hypsipyle à laquelle Jason se montre à présent bien disposé, ordonne que l’on tue sa rivale. Mais victime d’un quiproquo, Médée se retrouve être la victime du complot : elle est jetée à la mer. Elle est sauvé par Egée alerté par ses cris, et accepte d’épouser son serviteur. Hypsipyle se présente enfin à Jason et parvient à l’émouvoir : le héros sent renaître son amour pour son ancienne épouse.

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