vendredi 19 avril 2024

Francesc Valls : Misa Scala Aretina à 11 voix (A. Recasens, juin 2014, 1 cd Lauda)

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valls francesc - missa aretina LAU014CD. Francesc Valls : Misa scala Aretina à 11 voix (A. Recasens, juin 2014, 1 cd Lauda). Albert Recasens a le don du défrichement : voici une messe inédite d’un compositeur ibérique ente le XVIIè et le XVIIIè d’une valeur indiscutable, actif à Barcelone dans le premier quart du XVIIIè : Francesc Valls. Formé à Valence, Valls devient maître de chapelle de la cathédrale de Barcelone en 1706. Proche du cercle des lettrés et modernes amateurs dont l’Academia Desconfiada créée en 1700, Valls se distingue très vite, livrant la musique des grandes célébrations de l’heure, dont les événements en liaison avec la guerre de Succession, à la demande  du Conseil des Cent, du Diputacio de Catalogne, des deux souverains en conflit. Ainsi les villancicos polychoraux (dont Sombras couardes ici enregistré); des messes spectaculaires débutant sur l’hymne à st Jean-Baptiste. Proche de l’Archiduc, Valls doit payer ses accointances politiques : il renonce à sa charge à Barcelone en 1719. Jusqu’en 1735, Valls occupe sa retraite par la rédaction de son fameux traité musical où il explique la composition, le contrepoint, surtout l’alchimie délicate du style concertant des voix et des instruments, exemples (ses œuvres principalement) à l’appui. Valls synthétise les recherches les plus pointues à son époque révélant une connaissance universelle, assimilant Zarlino, Kircher, Rameau, Pedro de Ulloa…

CLIC_macaron_20dec13En liaison avec la présence de Philippe V à Barcelone pour les Cortes catalanes, la Missa Scala Aretina se distingue et date de 1701 ou plus probablement de janvier 1702. La majesté et le spectaculaire le disputent au raffinement et à la séduction de l’écriture liturgique, révélant la maîtrise de Valls. La messe a été ensuite réutilisée selon les besoins et les occurrences d’une période compliquée quand Philippe V s’opposa à l’Archiduc Charles III d’Autriche, soutenu par aragonais, catalans, valenciennes. Charles installe sa cour à Barcelone regroupant trompettes et timbales (si présents dans la Missa Aretina a 11); il est possible que la Missa fut encore donnée pour célébrer la victoire d’Almenara, portée par Charles contre Philippe en 1710 (de cette reprise remonte la doublure des violons par la bonda – hautbois et bassons- propre à l’archiduchesse). L’œuvre prend un caractère polémique jusqu’en 1717, quand elle est vivement décriée par des théoriciens compositeurs à charge (Albors de la cathédrale de Grenade, un proche des Bourbons) : il reproche à Valls l’usage d’une dissonance  dans le Qui tollis du Gloria sur les mots « miserere nobis », de quoi renouveler les querelles d’un Artusi et d’un Monteverdi au siècle précédent. La licence poétique de Valls démontre un génie théoricien, véritable dramaturge même en contexte liturgique. Procès politique moins esthétique car les détracteurs de Valls, jaloux par son talent, lui reprochent d’avoir servi le félon Charles contre les intérêts Bourbon.

Dans les faits, Albert Recasens a bien raison de ressusciter une œuvre fondamentale du baroque ibérique : majestueuse et profonde, composée pour 3 choeurs, un orchestre de violons, hautbois, trompettes (formant quatrième choeur) avec accompagnement de violone, harpe et orgue. Les 2 premiers choeurs sont dévolus aux solistes auxquels sont destinés de nombreux solos. La cellule de base – échelle des six notes de do à la (hexacorde) qui donne son titre à la partition, produit le sentiment d’élévation, de crescendo, de grandeur solennelle et majestueuse continue. La grandiose double fugue à 11 parties et l’écriture globale montrent combien Valls maîtrise le contrepoint le plus complexe mais aussi le style concertant à l’italienne.

Sans emphase, articulés, et même palpitants sous la direction attentive de leur chef Albert Recasens, les chanteurs et instrumentistes de la Grande Chapelle poursuivent un travail de défrichement réellement passionnant : leur geste interprétatif rend hommage à l’inspiration sacrée d’un Valls audacieux, soucieux de clarté, efficace et réfléchi dans les options concertantes choisies. C’est évidemment plus qu’un petit maître. Un compositeur d’un souffle impérieux se dévoile pas à pas, dans son écriture italianisante, par ses accents dissonants (si décriés à son époque avec le retentissement politisé que l’os ait à présent).

francesc valls par solimena philippe V Charles IIIAux côtés de la Misa scala Aretina, Albert Recasens ajoute diverses partitions écrites au cours de la carrière de Valls : Motet Sancta et immacula en stile osservato, originellement répons de Noël; ou Lamentation de Jérémie aux mélismes séduisants et duos vocaux délectables.  Le psaume Lauda Ierusalem (avant 1705) est une partition concertante pour 3 choeurs vocaux et un quatrième composé de violons et trompette, selon un dispositif proche de la Missa Aretina. La virtuosité du motet Pascal, Surrexit castor bonus s’exprime dans le duo vertigineux violon et voix de soprano. Même le bref et saisissant motet Domine vim patior (texte d’Isaïe) sert dans son traité d’exemple de composition dans le genre chromatique : un modèle dans le genre et un aperçu foudroyant de la manière Valls. N’omettons pas non plus les deux villancicos (en particulier Sombras cobardes – lâches obscurités aux références politiques manifestes), genre familier de la créativité d’un Valls décidément très attachant, fécond, essentiel, profond, facétieux dans le contrôle des différents plans de lecture et de compréhension.  Tout cela compose un brillant réquisitoire pour l’œuvre d’un musicien de valeur dont le génie s’attacha au prestige de la Cour éphémère catalane de Charles III, rival finalement défait de Philippe V. Après ses précédentes gravures dédiées à Alonso Lobo et auparavant à une fête pascale place Navona à Rome (musiques de Tomas Luis de Victoria : coup de coeur de classiquenews), ce nouveau disque Lauda est une révélation.

Francesc Valls (ca 1671-1747) : Missa Aretina à 11 voix, motets, psaume, villancicos. La Grande Chapelle, Albert Recasens, enregistré en juin 2014. 1 cd Lauda LAU 014.

 

 

 

Francesc Valls
Missa Scala Aretina

La Grande Chapelle, Albert Recasens (direction)

• 1. Salmo: Lauda Ierusalem, a 10 06:37

• 2. Responsorio a la Virgen.: Sancta et immaculata, a 8* 05:26

• 3. Tono al Santísimo Sacramento: En el misterioso circo, a 4* 04:43

• 4. Lección: De lamentatione Ieremiae prophetae, a 8* 06:05

• 5. Motete para el día de Pascua: Surrexit Pastor bonus, a solo* 03:01

• 6. Motete: Plorans ploravit, a 4 01:59

• 7. Motete: Domine vim patior, a 4 02:12

• 8. Invitatorio a la Expectación de Nuestra Señora: Ave Maria, a 8* 03:30

• 9. Villancico a Santo Tomás de Aquino: Sombras cobardes, a 12* 06:55

• Misa «Scala Aretina», a 11

• Kyrie

• 10. Kyrie eleison, a 11 01:40

• 11. Christe eleison, a 7 01:38

• 12. Kyrie eleison, a 11 02:18

• Gloria

• 13. Gloria in excelsis Deo, a 11 01:50

• 14. Gratias agimus tibi, a 11 02:27

• 15. Qui tollis peccata mundi, a 7 02:12

• 16. Quoniam tu solus Sanctus 01:01

• 17. Cum Sancto Spiritu, a 11 01:19

• Credo

• 18. Credo in unum Deum, a 11 02:50

• 19. Et incarnatus est, a 4 01:01

• 20. Crucifixus, a 11 00:57

• 21. Et resurrexit, a 11 00:31

• 22. Et ascendit, a 11 01:46

• 23. Et in Spiritum Sanctum, a 11 03:34

• Sanctus

• 24. Sanctus, a 11 03:35

• 25. Agnus Dei, a 11 03:44

 

 

The Missa Scala Aretina by Francesc Valls is considered to be one of the most important works of Spanish music history. Written in the polychoral tradition and based on Guido d’Arezzo’s hexachord, and named after him, the work was composed for the cathedral of Barcelona, possibly to celebrate the closing of the Catalonian Parliament in January 1702. It owes its fame to the heated controversy over aesthetics which arose as a result of one of its passages. At one point the controversy involved over 50 musicians including Alessandro Scarlatti, and against the political backdrop of the Spanish War of Succession (1700-1714). La Grande Chapelle tackles the fascinating challenge of rediscovering this unique work in its original setting and presents us with a number of excellent unpublished pieces from Valls’ huge musical production.

1 cd Lauda LAU014

 

Visiter le site du label LAUDA, La Grande Chapelle, Albert Recasens

 

 

CD. Albert Recasens ressuscite Francesc Valls

 

Saint-Jean-Baptiste par Solimena, génie napolitain, actif à l’époque de Valls dont il laisse un portrait présumé (ci dessus reproduit)

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