On lui doit d’avoir rétabli de l’Opéra Royal de Versailles, son lustre d’antan ; précisément, la riche activité musicale qui s’est affirmée depuis la création de la salle que l’on connaît depuis le XVIIIè ; Laurent Brunner dirige depuis 2007, la société Château de Versailles Spectacles qui produit et réalise tous les événements et spectacles au Château de Versailles. C’est désormais le prestige et l’éclat de la musique à Versailles qui ont ressuscité comme jamais, comptant à présent opéras évidemment, mais aussi récitals, ballets, musique orchestrale… (sans omettre les nombreux divertissements dans le Domaine) qui en affichant les œuvres du XVIIè au XXè, ont affirmé Versailles sur la scène nationale et internationale. Fleuron d’une renaissance réussie, l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, créé en 2019, a gagné en quelques années, une indiscutable identité sonore ; à travers la très grande diversité des réalisations, et sous divers chefs, la phalange ne cesse de convaincre. D’autant que la liberté et l’exigence arbitrant les choix artistiques, s’accomplissent souvent au service d’œuvres méconnues voire oubliées. Fonctionnement de l’Orchestre, répertoire et ligne artistique, ouvrages clés, résurrections majeures, projets à venir… Entretien avec LAURENT BRUNNER, directeur de l’Opéra de Versailles et de Château de Versailles Spectacles.
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CLASSIQUENEWS : Qu’est-ce qui fait la singularité de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles ?
LAURENT BRUNNER : C’est d’abord un ensemble de musiciens intermittents, qui jouent sur instruments d’époque et qui respectent la pratique historiquement informée. A la différence d’autres ensembles, il n’y a pas ici de chef fondateur qui incarne l’orchestre ; il n’y a pas une personnalité désignée autour de laquelle l’orchestre s’est constitué, comme par exemple, c’est le cas des Arts Florissants et William Christie, ou de Pygmalion et Raphaël Pichon… Dans le cas de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles, l’ensemble des musiciens se constitue selon les projets, selon les besoins de chaque production.
Sur le plan de son fonctionnement, quelques « constantes » se sont plus ou moins établies selon la typologie musicale : pour les œuvres italiennes et Haendel, c’est le chef et violoniste Stefan Plewniak qui dirige les musiciens ; concernant le répertoire français et Mozart, c’est plutôt Gaétan Jarry qui assure la direction. Mais voyez, pour notre concert Beethoven, c’est s’agissant d’une œuvre romantique, Victor Jacob qui est à la baguette (Concerto l’Empereur avec Hyuk Lee, piano, le 18 mars 2024 : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/beethoven-lempereur/). Il s’agit donc d’une phalange à géométrie variable qui, pour chaque programme, réalise la cohésion musicale requise.
En résumé, l’Orchestre de l’Opéra Royal est étroitement associé à chaque production et à chaque programme ; il est tout autant lié au lieu dont il porte le nom.
L’Orchestre de la Opéra Royal de Versailles en répétition © Pascal Le Mée
CLASSIQUENEWS : De quelle façon les chefs principaux enrichissent-ils la saison de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles ?
LAURENT BRUNNER : Les deux chefs « principaux » apportent chacun leur personnalité à l’aventure. Stefan Plewniak est violoniste et chef. Il peut donc jouer tout en dirigeant. Il pilote la plupart de nos programmes instrumentaux, en particulier italiens ; mais il a aussi dirigé certains opéras comme Scylla et Glaucus de Leclair. Vous voyez, les choses ne sont pas aussi figées que cela. En outre, Stefan dirige souvent les récitals de chanteurs.
Gaétan Jarry pour sa part, est claviériste. Il est depuis ses débuts particulièrement respectueux de l’interprétation historiquement informée. C’est surtout un chef lyrique qui s’est illustré dans Lully, Mozart, la musique française baroque en général mais aussi chez Haendel.
De la même façon et dans une approche mobile, nous avons fait appel à un autre instrumentiste comme chef, Théotime Langlois de Swarte ; il a déjà présenté un programme Bach où il jouait comme violoniste, et un second, dédié au Chevalier de Saint-Georges.
L’important est d’assurer une activité régulière à notre Orchestre afin qu’il cultive toujours la cohésion, la pâte et l’identité sonore qui font sens aujourd’hui. Souplesse, adaptabilité, constance… il est vrai aussi que chaque chef apporte son métier, son expérience et aussi son continuo, c’est à dire un noyau d’instrumentistes avec lesquels il a l’habitude de jouer, et grâce auxquels la complicité est immédiate. A chaque fois, il s’agit pour tous les instrumentistes, d’acquérir et de retrouver des réflexes communs. Aujourd’hui l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles compte une soixantaine de dates par an ; son nom prestigieux, associé au Château de Versailles, suscite partout une curiosité et une adhésion immédiates.
L’Orchestre de la Opéra Royal de Versailles dans son écrin versaillais © Pascal Le Mée
CLASSIQUENEWS : Quel est le répertoire de l’Opéra Royal de Versailles ?
LAURENT BRUNNER : Le répertoire de l’Orchestre est vaste ; s’agissant des instruments historiques, le spectre va du XVIIè au XIXè ; précisément de Monteverdi à Mozart et en réalité, jusqu’au contemporain, puisque nos musiciens jouent sur instruments historiques mais aussi modernes. Évidemment, en raison même de l’Histoire de l’Opéra Royal, notre cœur de répertoire demeure les XVIIè et XVIIIè siècles. Avec pour ma part, une affection particulière pour 3 œuvres majeures et qui forment comme une trilogie parfaite : Alceste, Atys, Armide de Lully. Outre l’excellence de la musique et la cohérence de leur construction, ses 3 chefs d’œuvres absolus bénéficient chacun d’un livret clair, facilement compréhensible. Ce qui est moins vrai des opéras de Rameau au siècle suivant, excepté ses opéras comiques comme Platée ou Les Paladins…
Il ne s’agit pas de jouer toutes les œuvres. Nous invitons à l’Opéra Royal de nombreux ensembles et leur chef en particulier quand ils ont déjà « en stock » un ouvrage concerné. C’est le cas par exemple des Talens Lyriques et de Christophe Rousset qui ont donné à l’Opéra Royal, Proserpine, Atys de Lully. C’est encore vrai de l’Orphée et Eurydice de Gluck que nous donnons au moment où nous faisons cet entretien : l’orchestre est celui de Václav Luks, Collegium 1704. A l’origine, c’est Pygmalion et Raphaël Pichon qui devaient assurer les représentations, mais une série de péripéties et d’indisponibilités en ont décidé autrement. Par ailleurs, quand notre orchestre ne peut pas participer, je veille à choisir des ensembles français.
CLASSIQUENEWS : Qu’apporte le fait de constituer votre propre orchestre ?
LAURENT BRUNNER : Pouvoir constituer un orchestre spécifique pour chaque besoin offre une totale liberté artistique, pour les instrumentistes évidement mais aussi s’agissant des chanteurs. Car souvent les ensembles invités et leur chef respectif imposent leur propre distribution vocale comme ils imposent aussi le metteur en scène. A contrario, en concertation ou dans un contrôle total, j’ai pu réaliser plusieurs ouvrages emblématiques comme La Servante Maîtresse de Pergolèse (couplé avec Bastien et Bastienne de Mozart, également en français), ou encore des ouvrages tout autant peu enregistrés ou totalement oubliés, comme La Caravane du Caire, Richard Cœur de lion … mais aussi Roméo et Juliette de Zingarelli, ou les Antiennes du Couronnement de Haendel et Purcell, et La Senna Festeggiante de Vivaldi (pour le mariage de Louis XV !)…
J’ai bien d’autres ouvrages en tête ; je vous ai parlé de la trilogie Lully qui me tient à cœur ; mais je pense aussi à une œuvre aussi rare que Marie-Victoire de Respighi, un ouvrage qui se passe pendant la Révolution française et composé en français ; tôt ou tard, je tiens absolument à la ressusciter…
Propos recueillis en mars 2024
Agenda saison 2023 – 2024
TEMPS FORTS de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles d’ici l‘été 2024
L’Orchestre de la Opéra Royal de Versailles © Pascal Le Mée
MARS 2024 : Cycle de concerts pour la SEMAINE SAINTE (Pâques). Chaque année, nous donnons des concerts pour Noël et Pâques en particulier à la Chapelle Royale qui est l’écrin désigné pour les séries de concerts. 3 programmes sont à ne pas manquer : d’abord le 27 mars, les leçons des Ténèbres de François Couperin, chef d’œuvre absolu de la musique sacrée française ; l’œuvre plaît beaucoup au public en raison de son caractère mondain et aussi dans le dispositif des bougies que l’on éteint au fur et à mesure de la réalisation (avec Marie Perbost et Gwendoline Blondeel) ; puis le Stabat Mater de Pergolèse, dans une version proche de celle donnée à Versailles au XVIIIè ; ce sont deux castrats membres de la Chapelle royale de Louis XV, qui ont rapporté la partition pour la jouer (alors à Paris au Concert Spirituel). Nous la donnons pour la première fois avec deux contre ténors (29 mars avec Théo Imart et Filippo Mineccia : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/stabat-mater-pour-deux-castrats/) ; enfin, les 30 et 31 mars, la Passion selon Saint-Jean de Jean-Sébastien Bach, sous la direction de Gaétan Jarry avec plusieurs solistes très prometteurs et surtout le Tölzer Knabenchor qui est le meilleur chœur germanique actuellement pour l’œuvre. Il y a 5 ans, le chœur était venu pour une Saint-Mathieu sous la direction de Raphaël Pichon ; leur prestation avait été totalement convaincante : il était naturel qu’il revienne pour la Saint-Jean.
AVRIL 2024 : Tournée en CHINE – Nous avons fait en sorte que les dates de la tournée en Chine de l’Orchestre de l’Opéra Royal (préparée de longue date) coïncident avec celles de l’exposition du Château de Versailles à la Cité Interdite à Pékin – Au programme : les Quatre Saisons de Vivaldi. Lire ici l’Orchestre de l’Opéra Royal en tournée : https://www.operaroyal-versailles.fr/non-classe/lorchestre-de-lopera-royal-en-tournee/
MAI 2024 (22-26 mai 2024) : Mozart : l’Enlèvement au sérail (avec Florie Valiquette, Mathias Vidal, Enguerrand de Hys…). Donner l’ouvrage de Mozart en français a du sens, car au XVIIIè, tout le monde parlait français à la Cour impériale de Vienne, où l’opéra a été créé en 1782. La coutume était de jouer les opéras en italien (opéras sérias essentiellement) ; tandis que les autres drames lyriques étaient joués dans leur langue d’origine. C’est Gaétan Jarry qui dirige l’Orchestre de l’Opéra Royal ; il a déjà assuré la réalisation des opéras de Mozart que nous avons précédemment donnés : Les Noces de Figaro et plus récemment Don Giovanni (LIRE ici notre critique de Don Giovanni à l’Opéra Royal de Versailles, nov 2023). La mise en scène est signée Michel Fau qui assure le rôle parlé de Selim Bassa. Infos & Réservations : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/mozart-lenlevement-au-serail/
LA BOHEME 2050. Nous avons aussi un projet à l’initiative du ténor Sébastien Guèze : il a imaginé La Bohème de Puccini, dans une version futuriste qui se passe en 2050, où le prénom de Mimi s’écrit « Mim IA », claire référence à l’Intelligence artificielle (IA). C’est une réalisation destinée à être télévisée. L’Orchestre enregistrera sa partie séparément des chanteurs. Ces derniers auront leur propre session puis seront incrustés à l’image sur un fond spécifique. Voilà un champs expérimental et technologique auquel l’Orchestre de l’Opéra Royal a à cœur de participer.
ACADÉMIE DE L’OPÉRA ROYAL. Nous avons fondé notre propre Académie dont la mission est de perpétuer la tradition du spectacle vivant au Château de Versailles ; pour se faire nous formons actuellement 12 jeunes artistes (en majorité des chanteurs) qui jouent ensuite dans plusieurs spectacles organisés dans le domaine du Château de Versailles, en particulier dans le cadre de la saison musicale à l’Opéra Royal, mais aussi pour les événements musicaux au Château comme « La Sérénade Royale » de la Galerie des Glaces, ou « Le Parcours du Roi »… Jouer ainsi tout au long de la saison permet aux jeunes « académiciens » de se perfectionner ; c’est un tremplin pour leur professionnalisation ; ils reçoivent un cachet et jouent jusqu’à 5 fois de suite, devant le public et les visiteurs à Versailles. (Lien vers la page « Académie » : https://www.operaroyal-versailles.fr/articles/academie-de-musique-et-de-chant/ )
AVRIL 2024 – Didon & Énée. Recrutée en mai 2023, la première promotion qui a joué lors des événements au Château dont je viens de parler, va proposer pour la première fois, son premier spectacle Didon et Énée dans la Galerie des Glaces, avec la complicité des instrumentistes de l’Orchestre de l’Opéra Royal (20 avril 2024). Nous avons aussi planifié des actions dans les EPAHD. Cette production sera reprise sous la Coupole de l’Institut à Paris le 24 avril suivant dans le cadre des événements liés à la Fondation de l’Opéra Royal. INFOS : https://www.operaroyal-versailles.fr/event/purcell-didon-et-enee/
approfondir
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PLUS D’INFOS sur l’Opéra Royal de Versailles, le plus bel opéra au monde : https://www.operaroyal-versailles.fr/room-event/opera-royal/
Voir ici tous les concerts à l’Opéra Royal de Versailles, dont les concerts de l’Orchestre de l’Opéra Royal : https://www.operaroyal-versailles.fr/programmation/
PLUS D’INFOS sur l’Académie de l’Opéra Royal de Versailles : https://www.operaroyal-versailles.fr/academie-de-lopera-royal/
(Académie de musique et de chant / Académie de danse baroque)
CONSULTEZ LA BOUTIQUE des enregistrements discographiques du label Château de Versailles Spectacles (dont les enregistrements par l’Orchestre de l’Opéra royal de Versailles) : https://www.operaroyal-versailles.fr/hp-or/
discographie : top 5 cd
5 CD à écouter en urgence pour (re)découvrir la sonorité de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles :
1 – The Crown, Haendel Purcell Coronation Anthems, – dir Gaétan Jarry
2 – Romeo et Juliette de Zingarelli – dir Stefan Plewniak
3 – Dis-moi Vénus – récital de Marie Perbost – dir Gaétan Jarry
4 – Vivaldi / Guido : Les 4 saisons – dir Sol Gabetta
5 – Haendel : Messie – dir Franco Fagioli
Photos : portrait de Laurent Brunner © François Berthier
L’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles © Pascal Le Mée
BIO EXPRESS
Laurent Brunner
Laurent Brunner dirige depuis 2007, « Château de Versailles Spectacles », filiale du Château de Versailles chargée de la création et de la production de tous les spectacles et événements qui ont lieu au Château et dans les Jardins.
Filiale privée de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, Château de Versailles Spectacles a pour mission de perpétuer la tradition du spectacle et des arts vivants à travers des événements d’exception. Regroupant la saison musicale de l’Opéra Royal, les immanquables Grandes Eaux Musicales, Jardins Musicaux et Grandes Eaux Nocturnes, les soirées costumées, les spectacles en plein air et les visites-spectacles, Château de Versailles Spectacles a une programmation riche de 400 représentations par an et accueillant plus de 3 millions de spectateurs en 2022.
L’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles
L’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles est né en décembre 2019 à Versailles pour les représentations de l’opéra de John Corigliano « Les Fantômes de Versailles ». De ce fait, l’Orchestre a pour but de s’adapter aux projets artistiques programmés à l’Opéra Royal et à leurs artistes invités.
PLUS D’INFOS ICI : https://www.operaroyal-versailles.fr/articles/lorchestre-de-lopera-royal/