lundi 17 mars 2025

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, les 18 & 19 mars 2024. CHARPENTIER : David et Jonathas. P. Nekoranec, G. Blondeel, J. C. Lanièce… Jean Bellorini / Sébastien Daucé.

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Le Théâtre des Champ-Elysées à Paris a accueilli les 18 et 19 mars 2024, David et Jonathas, « Tragédie biblique », ainsi qualifiée par son compositeur, Marc-Antoine Charpentier. Le livret, dû au Père François de Paule Bretonneau, est inspiré du « Livre de Samuel » de l’Ancien Testament et conte, à sa façon, l’histoire de David. Celui-ci a été chassé d’Israël par Saül, jaloux de son aura. Or, Jonathas est le fils de Saül et se trouve être l’ami de David, désormais réfugié chez les Philistins… Des intrigues, attisées notamment par le général Jobel, vont provoquer un conflit armé auquel s’est toujours refusé David, mais qu’il va devoir assumer. La fortune des armes va basculer au profit de David qui sera proclamé, in fine, Roi d’Israël. Mais cette guerre aura eu pour conséquence la mort de Jonathas.

 

 

Souvent représentée en version concert, l’oeuvre est décrite comme « hybride », en raison notamment du fait qu’à sa création en 1688 au Collège des Jésuites Louis Le Grand, elle fut associée à une tragédie intitulée Saül, aujourd’hui perdue.  Elle avait été écrite par un autre ecclésiastique, le Père Pierre Chemillard. Or, on sait que ladite tragédie contenait toute l’action, la musique de Charpentier étant destinée à la commenter. Dans la présente production, un texte original, dû à la plume de l’écrivain Wilfried N’Sondé, a été introduit au début de l’ouvrage et entre les actes. C’est donc ici, en quelque sorte, l’inverse de la démarche de la présente production « moderne », où le récit commente la musique…

 

Interprété par la comédienne Hélène Patatrot, inséré dans l’ouvrage de Charpentier et en contrepoint de sa musique, ce texte a une ambition poétique qui peine à convaincre, surtout quand on le confronte aux vers du Père Bretonneau. Ce récit se présente comme un commentaire de la musique. Il évoque à demi-mot les conflits qui déchirent notre actualité, évocation renforcée explicitement par la mise en scène de Jean Bellorini et surtout les costumes de Fanny Brouste où l’on pourra reconnaître des combattants, « belligérants » d’aujourd’hui. Ainsi la présente production « moderne » fait l’inverse de la création de 1688 où la musique commentait la tragédie… La dramaturgie propre de David et Jonathas et la mise en scène de Jean Bellorini offrent, par bonheur, quelques moments de grâce. Notamment dans les mises en présence des deux amis, ou dans les moments de solitude – douloureux ou violents – des protagonistes de ce drame antique ; mais, sans nul doute, actuel.

 

La musique de Charpentier, par son génie expressif, s’impose : souveraine tout au long de l’oeuvre, avec un paroxysme d’intensité, en particulier dans les deux derniers actes. Cette musique nous est donnée à entendre grâce à la parfaite maîtrise de l’esthétique de Charpentier par l’Ensemble Correspondances et, en premier lieu, par son chef, Sébastien Daucé, qui restituent avec magnificence sa fluidité et ses affects si caractéristiques.

 

Comme planant au-dessus du chant des cordes et du hautbois, surgit le chant émotif et délicat du ténor tchèque Petr Nekoranec, qui incarne ici un exceptionnel David. Le rôle de Jonathas est confié à une soprano. C’est Gwendoline Blondeel qui interprète l’ami de David, pourvue d’une belle présence scénique avec des aigus parfois un peu durs… Le reste de la distribution est à la hauteur de l’événement: qu’il s’agisse du baryton Jean-Christophe Lanièce qui dans le rôle de Saül, et avec sa voix puissante, nous fait partager les errements, la jalousie et les souffrances du personnage; du baryton Etienne Bazola dans le rôle du général Jobel, perfide à souhait, et dont le timbre fait merveille; de la basse Alex Rosen, tout à tour lOmbre de Samuel et Achis. Enfin, la mezzo soprano Lucile Richardot, elle aussi exceptionnelle. Timbre, puissance et jeu, dans Pythonisse, personnage quelque peu sorcière, consultée par Saül sur son destin dans le Prologue de l’opéra. Enfin, le Choeur de l’Ensemble Correspondances est merveilleux de justesse et d’implication.

 

 

CD … A noter la parution le 1er mars 2024 (« Aparté »), de l’enregistrement de David et Jonathas par Les Pages et les Chantres du CMBV, l‘Orchestre Les Temps présents, sous la direction d’Olivier Schneebeli. LIRE ici notre critique complète de David et Jonathas par Olivier Schnneebeli / CLIC de CLASSIQUENEWS : https://www.classiquenews.com/critique-cd-charpentier-david-jonathas-1688-les-pages-et-les-chantres-du-cmbv-orchestre-les-temps-presents-olivier-schneebeli-direction-2-cd-aparte/

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, les 18 & 19 mars 2024. CHARPENTIER : David et Jonathas. P. Nekoranec, G. Blondeel, J. C. Lanièce… Jean Bellorini / Sébastien Daucé.

 

VIDEO : TEASER de « David et Jonathas » de M. A. Charpentier par Jean Bellorini et Sébastien Daucé

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