CLASSIQUENEWS : Pouvez-vous nous expliquer l’évolution des instruments, de l’Ophicléide au Saxhorn / petite tuba ?
Quelles sont pour chacun, les spécificités sonores et techniques ?
Corentin MORVAN : L’ophicléide est un instrument inventé en 1821 par Halary. C’est une évolution du serpent d’église fabriqué en cuivre avec des clefs (comme le futur saxophone). Son son est très caractéristique car il fait la synthèse entre les cuivres et les bois. Il a été particulièrement mis en valeur par Berlioz qui lui a donné son solo le plus célèbre dans le Dies Irae de la Symphonie Fantastique.
Le saxhorn basse est une invention d’Adolphe Sax. Il crée cet instrument pour répondre à un concours organisé en 1845 par le ministère de la guerre, qui cherche à remplacer les instruments vieillissants des musiques militaires. Sax remporte ce concours haut la main et ses instruments sont imposés dans toutes les musiques protocolaires.
La grande différence avec l’ophicléide est que le saxhorn utilise un système de pistons. Cela le rend plus puissant, plus véloce et lui donne un ambigus plus important. Ce saxhorn va rapidement séduire les musiciens d’orchestre et va être utilisé à l’opéra de Paris à partir des années 1880 et prendre le nom de « tuba français ». La musique de Ravel, Debussy ou même Stravinsky, pour ses créations parisiennes, est donc pensée pour cet instrument. En 1956, le saxhorn commence à être enseigné au conservatoire de Paris et son répertoire soliste va se développer considérablement.
CLASSIQUENEWS : Comment avez-vous sélectionné les partitions et pièces de ce programme ?
Corentin MORVAN : Ce programme est pensé comme un cheminement à travers l’histoire du saxhorn : des premières pièces, comme la fantaisie de Demersseman, à l’influence du répertoire vocal avec Fauré, aux commandes du conservatoire avec Bitsch et jusqu’à la création avec Raphaël Sévère.
Corentin Morvan (DR)
CLASSIQUENEWS : Quelles qualités du saxhorn, les partitions mettent-elles en avant justement ?
Corentin MORVAN : Les différentes pièces montres les qualités lyriques et expressives de l’instrument, mais aussi sa grande virtuosité et ses possibilités techniques très étendues.
CLASSIQUENEWS : Savons-nous ce qu’apporte le saxhorn dans l’orchestre moderne ?
Corentin MORVAN : Aujourd’hui le saxhorn est utilisé ponctuellement à l’orchestre pour des solos spécifiques du répertoire comme le Bydlo des « Tableaux d’une exposition » de Moussorgski orchestré par Ravel, la 7ème symphonie de Mahler, Don Quichotte de Strauss ou les planètes de Holst.
CLASSIQUENEWS : Et dans l’Orchestre Les Siècles, quel instrument jouez-vous ?
Corentin MORVAN : Je ne joue que très ponctuellement dans l’orchestre Les Siècles, mais principalement à l’ophicléide. Je suis en revanche membre d’autres ensembles sur instruments d’époque, comme « Les Musiciens du Louvre » de Marc Minkowski ou « Le Concert des Nations » de Jordi Savall avec lesquels je joue l’ophicléide, le tuba français ou le tuba viennois.
CLASSIQUENEWS : Quel enrichissement personnel puisez-vous en jouant l’un et l’autre instrument ?
Corentin MORVAN : Je pense que pratiquer différents instruments et s’intéresser à leur histoire permet d’élargir le champ des possibles et dans mon cas d’élargir le répertoire que je peux interpréter.
CLASSIQUENEWS : Une anecdote, un souvenir pendant les sessions d’enregistrement de ce disque ?
Corentin MORVAN : Le moment le plus fort de ce disque a été l’enregistrement des pièces en duo avec Stéphane Labeyrie. Stéphane est tuba solo à l’orchestre de Paris et fait partie des musiciens qui m’ont beaucoup inspiré et influencé pendant mes études. C’était donc une immense chance et un grand honneur de pouvoir partager ce moment musical avec lui.
Propos recueillis en octobre 2023
CD
Corentin Morvan vient de publier l’album « En racines » – CLIC de CLASSIQUENEWS : parcours personnel autour du saxhorn et sélection de pièces méconnues qui témoignent des possibilités expressives et techniques de l’instrument du XIXè…
CONCERTS
Jeudi 19 octobre 2023 à Paris au 360 Musique Factory, Paris 18e ;
Vendredi 3 novembre 2023, salle Victor Hugo, Lyon – Réservations et informations : https://www.helloasso.com/associations/chapeau-l-artiste/evenements/corentin-morvan-enracines
LIRE aussi notre présentation du programme / cd En Racines : https://www.classiquenews.com/paris-lyon-en-racine-corentin-morvan-saxhorn-les-20-oct-a-paris-3-nov-2023-a-lyon/ – À travers les 8 pièces du programme, Corentin Morvan, soliste éclairé autant qu’inspiré, souligne les qualités expressives et délectables du nouvel instrument inventé par le facteur Adolphe Sax, le saxhorn basse au XIXè lequel remplace l’ophicléide dans l’orchestre français.
PARIS, LYON. EN RACINES – Corentin MORVAN, saxhorn (les 19 oct à Paris, 3 nov 2023 à Lyon)
critique du cd » en racines «
CRITIQUE CD. CORENTIN MORVAN, cor. EN RACINES (1 cd Chapeau l’Artiste) – Très beau programme à la fois éclectique (dans la succession diversement caractérisée de l’approche des paysages musicaux, du romantisme au contemporain) ; surtout d’une flexibilité habile et habitée, propre à exprimer et à séduire dans chaque épisode et chaque écriture. Le corniste Corentin Morvan, tout en suggérant la fabuleuse histoire de son instrument, réalise ici une déclaration d’amour au cor.
éloquence, virtuosité, éclectisme
La Sonate de Saint-Saëns, (comme les deux duos de Fauré transcrits par le soliste), est une excellente entrée en matière, pleine de sensualité mesurée ; elle permet au cor de faire valoir sa virtuosité brillante, feutrée et tendre, onirique et même rêveuse (Lento). Les 4 séquences de la pièce de Raphaël Sévère (Non Mudera) renforcent davantage l’acuité dialoguée entre le piano (Lucie Sansen), complice toute en nuances et le cor dont les qualités expressives, vocales, dramatiques sont exposées avec une délicatesse mordante, une volubilité comme amusée aussi de la part l’interprète.
Berlioz qui augurait au début des années 1840, de l’essor du saxhorn basse inventé par Adolphe Sax n’aurait certainement pas été insensible au chant profond de Corentin Morvan. Tel un aria d’opéra, la Fantaisie sur le Désir de Beethoven de Jules Demersseman fait vibrer et rayonner la puissance amoureuse du cor, son chant de plénitude et de sérénité heureuse.
Riche complément, plusieurs épisodes éclairent chacun la formidable séduction, la vitalité éloquente du cor : langueur presque secrète (Intermezzo de Bitch), prière éperdue dans une transcription très réussie de Bizet (harpe et cordes de Corenton Morvan également), sans omettre la « Carmen fantaisie », excellent résumé de l’opéra, où le timbre chaud et rond, cuivré et profond apporte sa somptueuse vélocité et même transe finale, entre sensualité et humour (gravité sépulcrale aussi dans l’air des cartes)… Bravo au corniste ! En somme, une réalisation dont le titre du label (« Chapeau l’Artiste ») porte excellemment son nom. CLIC de CLASSIQUENEWS
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