DVD, critique. PUCCINI : Madama Butterfly. Jaho, DeShong, Puente, … Pappano / Caurier Leiser / ROH, 1 DVD Opus Arte, 2017). A Covent Garden, la Butterfly du duo de metteurs en scène, Patrice Caurier et Moshe Leiser, passionnément suivis à Angers Nantes opéra sous la direction de Jean-Paul Davois, offre une apparente simplicité qui du reste, sainte vertu de nos jours, demeure lisible, laissant la part belle à la sublime musique puccinienne.
ROH Covent Garden, 2017
Un Puccini rageur et dépressif
grâce à l’équation JAHO / PAPPANO
Les metteurs ajoutent en filigrane une réflexion sur la fragilité du rêve de Cio Cio San qui croit au simulacre de ce mariage arangé auquel sa jeunesse naïve s’accroche comme à une vocation. Les noces de Butterfly sont en pacotilles pour tous, sauf dans le cœur de ce papillon trop délicat. Rêve éperdu de la geisha (de 17 ans), exercice exotique de l’officier américain… l’écart est bien souligné et la carte postale japonisante de Puccini a parfaitement creusé son lit cynique et ironique jusqu’à la tragédie du suicide qui clôt ce drame domestique.
Les metteurs en scène n’en rajoutent pas : ils restent à hauteur d’yeux de Cio-Cio-San, humble servante d’une parodie nuptiale à moindres frais.
Car l’intensité et la vérité se concentrent assurément dans le jeu tout en nuances et incarnation profonde de la soprano albanaise Ermonela Jaho ; la cantatrice est actuellement une somptueuse et déchirante Traviata, et sa Butterfly britannique de 2017, frappe elle aussi par ce jeu intime, cette caractérisation qui surgit de l’intérieur, exprimant tous les replis d’une psyché en traumatisme, déchirée par la douleur et l’abandon. L’expressivité et le relief d’un chant pas toujours très juste saisissent cependant par leur justesse et l’intelligence de l’intonation.
Et son falot de faux mari Pinkerton ? Marcelo Puente es techniquement trop juste (aigus serrés et vibrato systématisé) : le ténor sait cependant exprimer un léger trouble car il se prend au jeu de cette mascarade des plus cyniques. Le jeu de dupe n’en est que plus amer quand la pauvre fille comprend qu’elle a été trompée, abandonnée.
Rien à dire à la Suzuki moelleuse et maternelle, d’Elizabeth
DeShong : la mezzo partage avec Jaho, une intelligence dramatique qui éblouit de bout en bout, elle éclaire leur duo, immense dignité et sincérité dans la solitude, le dénuement, et la misère. Saluons enfin Carlo Bosi, Goro impeccable et lui aussi très juste. Enfin dans la fosse, Antonio Pappano, maître des troupes du Covent Garden, sait foudroyer, nuancer quand il faut, par saccades millimétrés : on sait que le chef affectionne la direction éruptive et expressionniste ; ses Puccini sont de ce point de vue toujours très efficaces. Il fait parler et crier l’orchestre avec une rare intensité. Voici donc une production loin d’ennuyer. Bien au contraire. A voir indiscutablement.
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DVD, critique. PUCCINI : Madama Butterfly. Jaho, DeShong, Puente, … Pappano / Caurier Leiser / ROH Covent Garden, 1 DVD Opus Arte, 2017
PUCCINI : Madama Butterfly
Tragédie japonaise en trois actes, livret de Giuseppe et Giacosa et Luigi Illica – Création, Scala de MIlan, le 17 février 1904
Mise en scène: Moshe Leiser et Patrice Caurier
Cio-Cio-San : Ermonela Jaho
Pinkerton: Marcelo Puente
Sharpless: Scott Hendricks
Suzuki: Elizabeth DeShong
Goro: Carlo Bosi
Le Bonze : Jeremy White
Yamadori: Yuriy Yurchuk
Kate Pinkerton : Emily Edmonds
Le commissaire impérial : Gyula Nagy
Royal Opera Chorus
Orchestra of the Royal Opera House
Antonio Pappano, direction
Enregistrement réalisé au ROH, Covent Garden le 30 mars 2017
1 DVD Opus Arte OA 1268 D – 2h8mn + bonus : 11 mn