DVD, compte rendu critique. Rossini : Guillaume Tell. Diego Florez, Rebeka, Alaimo (Pesaro 2013, 2 dvd Decca). Pesaro retrouve un ambassadeur de rêve en la personnage du ténor péruvien Juan Diego Florez, trésor national vivant dans son pays, et ici, nouveau héros toutes catégories en matière de beau chant rossinien. Les détracteurs ont boudé leur plaisir en lui reprochant une absence de medium charnu et une vrai assise virile dans un style rien que… idéalisé non incarné : or la vaillance et l’intonation sont continument époustouflants et le grand genre, celui du grand opéra à la française que Rossini inaugure ainsi sur la scène parisienne en 1829 marque évidemment l’histoire lyrique, grâce à l’éclat de cette voix unique à ce jour. Juan Diego Florez reste difficilement attaquable et les puristes déclarés qui brandissent les mannes d’Adolphe Nourrit (créateur du rôle) auront bien du mal à démontrer la légitimité de leur réserve.
A l’été 2013, le festival de Pesaro offre l’un de ses meilleurs spectacles…
Le superbe Tell de Pesaro 2013
Florez apporte la preuve que le rôle d’Arnold peut être incarné par un ténor di grazia non héroïque, tant l’intelligence de son jeu et de son chant donnent chair et âme au personnage de Rossini : d’autant que Pesaro n’a pas lésiné sur les moyens ni surtout la qualité artistique pour réussir manifestement l’une de ses plus belles réalisations. Aux côtés du solaire Florez, Arnold noble et lumineux, aux aigus ardents, la Mathilde de Marina Rebeka n’est que tendresse et miel vocal ; le baryton Nicola Alaimo affirme lui aussi une noblesse humaine totalement convaincante, d’autant plus méritoire que la mise en scène de Graham Vick est comme à son habitude claire et politique mais clinique et très glaciale. Vick transpose le drame suisse gothique dans l’Italie du Risorgimento où la soldatesque autrichienne humilie continument les paysans suisses, offrant de facto à la figure ignoble et abjecte du conquérant Gessler (le meurtrier du père d’Arnold), une rare perversité souvent insupportable. Le ballet du III (qui précède la fameuse épreuve de la pomme) est totalement restitué en une scène collective de soumission / oppression du petit peuple par les occupants arrogants. Alberghini fait un père d’Arnold très solide. Dommage que les répétiteurs du français pour les comprimari (seconds rôles) et les choeurs n’aient pas réussi totalement leur objectif : beaucoup de scènes échappent à la compréhension, le texte français étant inintelligible. De là à penser que le spectacle reste déséquilibré : rien de tel. Ce Tell comble les attentes, car le duo miraculeux (Arnold / Mathilde) et porté comme tous par la baguette fine et nerveuse du chef Michele Mariotti. Ce pourrait être même de mémoire de festivalier depuis l’après guerre, l’un des meilleurs spectacles rossiniens de Pesaro, festival italien qui semble avoir renoué avec les grands moments de son histoire.
Juan Diego FLorez et Nicola Alaimo (Arnold et Guillaume Tell)
Rossini : Guillaume Tell, 1829. Juan Diego Florez (Arnold Melcthall), Nicola alaimo (Guillaume Tell), Marina Rebeka (Mathilde)… Michele Mariotti, direction. Graham Vick, mise en scène. Enregistré en août 2013 au Festival Rossini de Pesaro (Italie). 2 dvd Decca.