vendredi 19 avril 2024

DOSSIER. Les 200 ans du Barbier de Séville de Rossini

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rossini_portraitDOSSIER. Bicentenaire du Barbier de Séville de Rossini : 20 février 1816 – 20 février 2016. La partition est l’une des plus enjouées et palpitantes du jeune Gioacchino ; certainement son chef d’oeuvre dans le genre buffa. Pourtant, l’on aurait tort d’y voir rien qu’un ouvrage comique de pure divertissement ; car le profil psychologique des caractères, leur évolution tout au long de l’action, révèle une profondeur et une cohérence globale… digne du Mozart des Nozze di Figaro / Noces de Figaro. D’ailleurs, Le Barbier de Séville se déroule précisément AVANT l’action de l’opéra mozartien. Rosine, jeune fille à marier, n’est pas encore la comtesse esseulée voire dépressive chez Mozart ; et Figaro a déjà tout d’un serviteur loyal mais épris de liberté et d’égalité, en somme un héros digne des Lumières. Une jeune beauté qu’on enferme, des classes sociales qui s’effacent pour que règne l’amour et l’émancipation d’une jeune femme (voir le duo entre le jeune comte, faux soldat, Lindoro le jeune comte et son « double » fraternel ici, le barbier Figaro), sans omettre l’air de la calomnie de Basilio (maître de musique)… Rossini signe en vérité, sous couvert d’un vaudeville léger, faussement badin, la critique en règle de la société. Ses rythmes trépidants, ses finales endiablés, se formules répétées qui semblent même trépigner, tout indique une nouvelle ambition qui élève l’opéra buffa en genre « noble », le miroir juste et vrai de la société contemporaine. En cela Rossini avait parfaitement compris dans sa musique, l’acidité déguisée, la charge satirique joliment troussée de Beaumarchais dont Les Noces de Figaro et le Barbir de Séville sont les enfants.

rossini opera buffa rossini barbier de seville turco in italiaCréé à Rome au Teatro Argentina, le 20 février 1816, Le Barbier de Séville est l’œuvre d’un génie précoce de 24 ans. Cette notoriété acquise très tôt lui permettra de devenir à Paris, en novembre 1823, le compositeur unanimement célébré, personnalité incontournable de la France de la Restauration (le compositeur écrit même une pièce tout autant délirante pour le Sacre du Souverain : Le Voyage à Reims de 1825). En 1816, Rossini incarne le nouvel âge d’or, de la comédie napolitaine. Celle magnifiée sublimée par ses prédécesseurs, Cimarosa et Paisiello. Avant Rossini, les deux musiciens italiens apportent au genre buffa, un raffinement inédit, une fraîcheur de ton qui renoue en fait avec les comédies irrésistibles des Napolitains du XVIIème (Vinci, Leo… remis à l’honneur par Antonio Florio dans les années 2000). Alors que l’Autriche et toute l’Europe se passionne pour l’opéra buffa, mieux apprécié que le seria qui s’asphyxie sous ses propres codes et règles musicales, Rossini élève la comédie en un genre aussi riche et profond grâce à de nouveaux éléments, pathétiques, héroïues voire tragiques. C’est un mélange des genres qui renoue de facto avec la pétillance des opéras baroques du XVIIè, quand sur la scène vénitienne par exemple avec Monteverdi, Cavalli et Cesti, tragique et comiques étaient fusionnés avec grâce.

VOCALITA. Des Baroques italiens, Rossini prolonge aussi la vocalità virtuose : l’ornementation, l’agilité sont des caractères du bel canto rossinien, avec cette élégance et cette subtilité du style qui écarte d’emblée la seule technicité mécanique. Le chant de Rossini suit un idéal expressif qui tranche directement avec la violence réaliste des Donizetti et Verdi à venir. En cela la leçon de Rossini sera pleinement cultivée par son cadet, Bellini, qui partage le même modèle d’élégance et de finesse, portant et favorisant un legato d’une souplesse agile exceptionnelle. Chez Rossini, toutes les tessitures (ténor et basses compris) doivent être d’une fluidité volubile ; puissantes mais flexibles. Ce sont les Callas, Sutherland, Caballe, Horne qui dans les années 1960 et 1970, au moment de la révolution baroqueuse, retrouvent les secrets d’un art vocal parmi les plus exigeants et difficiles au monde.

rossini-portrait-gioachino-rossini-bigINTRIGUE. Après les turqueries savamment exploitées que sont L’Italienne à Alger et le Turc en Italie, croisement Orient – Occident des plus cocasses, Rossini reprend l’intrigue sulfureuse du Barbier de Séville de Beaumarchais (1775), pour 40 ans plus tard, en produire sa propre version musicale. En cela il entend surpasser Le Barbier de Séville de son prédécesseur Giovanni Paisiello, créé en 1782 à Saint-¨étersbourg, et depuis considéré comme un ouvrage comique insurpassable. Quand Paisiello fait du vieux barbon obscène Bartolo, le pilier de l’intrigue, figure aussi délirante que ridicule (Donizetti allait bientôt s’en inspirer dans Don Pasquale, mais avec une nouvelle profondeur pathétique), Rossini préfère organiser son propre drame autour de Rosina, dont en en accentuant avec finesse la caractérisation, le compositeur faisait une nouvelle figure, ambivalente, séductrice et suave mais aussi malicieuse et ambitieuse : formant trio avec Figaro et Lindoro / Almaviva, la sémillante beauté crée une série de situations bondissantes, confrontations et quiproquos rocambolesques, dramatiquement savoureux comme l’intelligence de Rossini savait les cultiver. La caractérisation des personnages, la construction dramatique qui cultive des somptueux ensembles finaux, la saveur mélodique, le raffinement du chant et de l’écriture orchestrale (Rossini était en cela héritier des Viennois Haydn et Mozart) distinguent le génie rossinien, si naturel et diversifié dans le déroulement du Barbier de Séville de 1816.

Elsa Dreisig, la mezzo dont on parle

VOIR notre grand reportage vidéo dédié au 26è Concours international de Chant de Clermont-Ferrand où les épreuves de sélection comprenaient les rôles de Rosine et de Figaro pour une nouvelle production du Barbier de Séville pour la saison 2015 – 2016. Au terme du Concours d’octobre 2015, c’est la jeune mezzo Elsa Dresig qui remportait les sessions sélectives, incarnant une Rosine de rêve, palpitante, ardente, fraîche et pourtant volontaire comme déterminée, maîtrisant surtout l’écriture agile et virtuose de Rossini.

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