vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, récital. GSTAAD NEW YEAR MUSIC FESTIVAL, Eglise de Saanen, le 30 décembre 2023. SONYA YONCHEVA (soprano) / Malcolm Martineau (piano).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Trois jours après l’ouverture de la 18ème édition du Gstaad New Year Music Festival, débutée par un récital de l’époustouflant ténor chilo-américain Jonathan Tetelman, c’est avec l’une des plus merveilleuses étoiles du chant lyrique actuel que se poursuivait la manifestation suisse : Sonya Yoncheva !

 

 

Et c’est par un retour “aux sources” que débute la soirée, sise dans la magnifique Eglise de Saanen (avec ses fresques renaissance de toute beauté), avec ce répertoire baroque qui l’a propulsée vers les plus grandes salles de la planète. Elle se chauffe d’abord la voix avec des airs anglais de Gibbons, Dowland et Purcell – dont le sublime air de déploration “When i am laid in earth” (extrait de Didon et Enée), qui nous vaut la première gorge serrée de la soirée. Puis ce sont trois airs de Haendel qui viennent enchanter et transporter le public (les tubes haendélien que sont “Ombra mai fu”, “Lascia ch’io pianga” et “Non disperar, chi sa ?” extrait de Giulio Cesare). Chacun agit comme un sortilège que la diva nous lancerait : la puissance, la grâce, la sensualité de sa voix onctueuse, longue et au souffle infini, ces phrasés qui vous tiennent en lévitation, un arc-en-ciel de couleurs et de nuances, l’émotion toujours juste, des traits et vocalises impressionnants de virtuosité et de précision, bref ce qui fait la marque de la chanteuse bulgare depuis ces débuts ! S’exprimant dans une français impeccable, c’est ensuite l’air de déploration de Télaïre “Tristes apprêts” (dans Castor et Pollux de Rameau) qu’elle interprète – avec un chant très « physique », tel qu’on le lui connaît !

 

Dans une seconde partie qui s’enchaîne à la première après un court précipité qui permet à la coquette diva de troquer sa magnifique robe bleu clair contre une autre d’un blanc immaculé, c’est un répertoire 100 % italien auquel elle convie son public, avec d’abord des Canzone italiennes, puis des airs opératiques de Puccini. Sonya Yoncheva séduit sans peine dans les premières, où son timbre unique et riche, ainsi que la douceur de ses inflexions de voix, lui permettent de toucher directement au cœur. Ce sont ici les variations du souffle qui colorent les notes, tels les airs “Ad una stella” de Verdi et “L’ultimo baccio” de Tosti, qui bénéficient de son émission parfaite de verticalité et de sa volupté ardente. Les quatre dernières arias de la soirée sont toutes de la main de Puccini, dont certains sont en fait des « reprises » de ses plus célèbres opéras : « Sole e amore » n’est rien d’autre qu’une variation du duo du IIIe acte de La Bohème tandis que « Mentia l’avviso » ne fait qu’un avec l’aria de Des Grieux dans Manon Lescaut : « Donna non vidi mai ». Deux airs qui lui permettent d’exhaler les superbes couleurs lunaires qui ont fait sa légende, avec ce grain si attachant, sombre et moiré, le tout sur une ligne vocale construite avec un art affirmé. Mais c’est surtout dans les deux airs qui suivent que le public manifeste le plus bruyamment le voluptueux plaisir que lui insuffle l’art du chant de La Yoncheva : dans l’air “Donde lieta usci” extrait de La Bohème et plus encore dans “Un bel di vedremo” tiré de Madame Buttterfly. La soprano bulgare y déploie tout son savoir-faire vériste, et une voix aux reflets tout « callassiens » : la longueur du souffle et la puissance sont ici aussi savamment maîtrisés que calculés, pour déclencher une vive émotion dans l’âme des auditeurs. Et elle livre chacun de ses airs d’opéras avec son intensité dramatique et/ou émotionnelle habituelle, en incarnant viscéralement chacun des personnages qu’elle interprète, aidé en cela par son fidèle accompagnateur Malcolm Martineau qui fait preuve d’une attention de tous les instants et d’une superbe complicité avec l’artiste.

 

On s’attendait à des bis, mais c’était sans compter sur la goujaterie sans nom d’une partie du public qui a commencé à courir vers la sortie (à priori pressée d’aller dîner…) à peine la diva partie en coulisse après son dernier air… Elle ne reviendra donc pas saluer et les aficionados resteront sur leur faim ! Bien que regrettable, c’est un détail face aux délices que la voix de Sonya Yoncheva a su distiller une grosse heure durant dans les veines des auditeurs… en tout cas dans les nôtres !

 

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CRITIQUE, récital. GSTAAD NEW YEAR MUSIC FESTIVAL, Eglise de Saanen, le 30 décembre 2023. SONYA YONCHEVA (soprano) / Malcolm MARTINEAU (piano). Photos (c) Patricia Dietzi.

 

VIDEO : Sonya Yoncheva chante « Un bel di vedremo » tiré de Madame Butterfly de Puccini

 

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