Comme l’on pouvait s’y attendre, c’est une mise en scène à la fois classique et de bon goût de La Bohème de Giacomo Puccini que Paul-Emile Fourny a imaginée pour son fief de l’Opéra-Théâtre de Metz. Cela est dû, en grande partie aux très jolis décors de Valentina Bressan, dans un style industriel, avec de grandes vitres de type ateliers. L’ombre du moulin-rouge plane sans cesse, ses ailes tournoyant discrètement à l’arrière-plan des quatre actes. De même, les artistes féminines du Choeur de l’Opéra-Théâtre de Metz Eurométropole, qu’il faudra saluer pour leur entrain autant que leur cohésion, car ici habillées comme des danseuses de cancan, n’hésitant pas à soulever leurs jupons dans les derniers accords de l’acte II du Café Momus. C’est un spectacle qui se veut une ode à la jeunesse et à l’énergie vitale – quand bien même contrariées par les dures réalités de la vie !
La jeune soprano finlandaise Tuuli Takala n’a pas besoin de tousser à qui mieux mieux – ce qu’elle ne fait d’ailleurs à aucun moment ! – pour se montrer émouvante en Mimi. Son entrée en scène ressemble à celle d’une écolière sage et bien élevée, et sa mort est l’extinction timide d’une jeune fille fragile. Côté voix, son timbre pudique mais soutenu, d’une étoffe soyeuse, appuyé sur un souffle égal et malléable, épouse les exigences du chant puccinien. Las, son Rodolfo – le ténor franco-marocain Amadi Lagha – tranche radicalement avec une voix dont la robustesse et la puissance semblent sans limite, déparaillant le couple. Ce Calaf et Radamès d’exception se fourvoie dans un rôle qui appelle autrement plus de nuances et de délicatesse, et ses “Mimi” finaux percent plus les tympans qu’ils ne déchirent l’âme.
En grande forme, le baryton catalan Joan Martin-Royo est un Marcello lyrique, puissant, et surtout soucieux de faire vivre un personnage complexe. De son côté, la pétulante soprano lyonnaise Perrine Madoeuf joue Musetta avec beaucoup de chien, mais son éclat n’est pas seulement scénique, sa voix fraîche possédant toute la souplesse et tout le brillant requis par sa partie. Le bondissant baryton slovaque Csaba Koltar s’avère parfaitement distribué en Schaunard, ce qui est le cas aussi du Colline de la basse franco-biélorusse Alexey Birkus, dont le “Vecchia zimarra” est particulièrement applaudi. Enfin, le Chœur d’enfants et le chœur maison déploient toutes les vitamines requises dans leurs quelques apparitions à l’acte II.
En fosse, le directeur musical de l’Orchestre National de Metz Grand Est, le chef belge David Reiland, tient sa phalange (et son plateau) avec un dynamisme qui force l’admiration. Avec autant de précision que de rigueur, il veille à l’architecture générale de l’ouvrage, tout en respectant la couleur sonore particulière de chacun des actes.
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CRITIQUE, opéra. METZ, Opéra-Théâtre (du 1er au 7 octobre 2023). PUCCINI : La Bohème. T. Takala, A. Lagha, P. Madoeuf, J. Martin-Royo… Paul-Emile Fourny / David Reiland. Photos © Luc Bertau.
VIDEO : Trailer de « La Bohème » de Puccini selon Paul-Emile Fourny à l’Opéra-Théâtre de Metz