samedi 8 février 2025

CRITIQUE, opéra. LILLE, Nouveau Siècle, le 5 juillet 2024. PUCCINI : La Bohème, 1896. Nicole Car, Pene Pati, Magali Simard-Galdès, Thomas Dolié… ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE, Philharmonia Chorus, Jeune Chœur des Hauts de France / Alexandre BLOCH, direction. 

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Dans un dispositif à la fois économe et poétique [décors animés projetés de Grégoire Pont], Alexandre Bloch offre une lecture vivante et même touchante des amours trop fragiles de Mimi et Rodolfo, produisant un Puccini à la fois puissant et détaillé, juste et idéalement sentimental, misérabiliste et vériste, grâce à l’Orchestre national de Lille, généreux en accents et contrastes nuancés….

 

Pour son dernier concert comme directeur musical de L’ON LILLE, Alexandre  Bloch a vu grand et large, et c’est une production cinématographique qui s’affirme ce soir en particulier pour la tableau parisien du Café Momus (acte II). Une fanfare, un riche chœur d’enfants [et d’adultes : le Jeune Chœur des Hauts de France dirigé par Pascale Dieval-Wils, et le Philharmonia Chorus] participent à cette fresque haute en couleurs et dont l’ampleur des effets, l’expressivité et l’énergie justifient pleinement cette spatialisation qui occupe balcons, circulations de toute la salle du Nouveau Siècle ; l’effet est spectaculaire au sens plein du terme, submergeant littéralement les spectateurs [faisant salle comble] ; il souligne encore la pensée visionnaire d’un Puccini dramaturge et compositeur taillé de fait pour le… cinéma.

Pour son dernier concert,
Alexandre Bloch réalise
une BOHÈME tendre,
puissante, bouleversante

 

La Bohème de Puccini par l’Orchestre National de Lille et Alexandre Bloch – toutes les photos © Ugo Ponte / ON LILLE 2024

 

Côté solistes, le plateau est plus que convaincant, d’une impeccable homogénéité : les deux couples protagonistes  Rodolfo / Mimi et Marcello /Musetta, sont vocalement séduisants avec palmes spéciales pour le Marcello de Thomas Dolié [articulation, présence, richesse du timbre bien projeté], qui forme un couple impétueux avec l’évidente Musetta de Magali Simard Galdès [timbre clair, idéalement flûté, capricieuse et piquante avec Alcindoro], que l’on avait tant appréciée ici même en Agnès dans l’extraordinaire Written on skin de George Benjamin, en janvier dernier [voir notre reportage vidéo dédié : Written on skin de Benjamin, avec Evan Hugues, Magali Simard-Galdès...].

Très réussis les duos avec Rodolfo, en particulier celui de la Barrière d’enfer de l’ acte III [le tableau le plus bouleversant] où Nicole Car puis Pene Pati exprime chacun le désarroi amoureux, leur souffrance qui loin de les séparer, scellera leur union. Fragiles et intenses jusque dans le final suspendu qui s’achève dans l’extase [une relecture vériste que Puccini propose en pensant au Tristan und Isolde de Wagner]. L’écriture de l’épisode impressionne tant elle annonce le meilleur du Puccini à venir [par son intensité dramatique et tragique à la fois Tosca et Butterfly].
À ce titre le timbre solaire et la technique si naturelle du ténor samoan Pene Pati éblouit précisément dans le duo avec Mimi à la Barrière d’enfer : justesse de phrasés ciselés qui enivre littéralement, jeu sobre et timbre pavarottien, son Rodolfo convainc par sa juvenilité, sa tendresse amoureuse, sa fragilité… D’autant que sa partenaire l’australienne Nicole Car affirme vocalement une ardeur, une ferveur vocale, elle aussi douée de somptueux phrasés dans cette articulation si proche du théâtre au début du tableau de la Barrière d’enfer où la malade dépressive, condamnée à une mort prochaine, sans analyser vraiment ce qu’elle pense être l’échec de sa liaison avec Rodolfo, confesse alors à Marcello, tous les ressentiments d’un cœur en souffrance. Le style, l’intensité, les accents d’un abattage textuel maîtrisé, affirment un authentique tempérament destiné aux grands emplois tragiques.

 

 

Puis s’affirme tout autant  le duo entre Marcello et Rodolfo qui ouvre le dernier tableau [retour aux combles mansardées] : là aussi la magie des deux timbres associés, Thomas Doliè et Pene Pati, s’impose clairement et offre de réestimer ce passage où c’est à nouveau cette jeunesse de la bohème parisienne qui est portraiturée avec feu et réalisme [la misère s’accroche aux jeunes artistes fauchés].
La sincérité des solistes, la cohésion générale des ensembles éclairent ce qui intéresse manifestement Puccini dans une œuvre puissante qui préfigure les opéras à venir, Tosca [1900], Butterfly [1904] déjà cités … La force des sentiments, les rebonds de la Psyché, les contrastes voire le vertige émotionnel de situations qui, enchaînées soigneusement par le compositeur, touchent au cœur.

Impliqué, soignant les détails, suractif même et hautement dramatique, le chef veille à l’équilibre global surtout dans la mise en place des chœurs chez Momus ; d’autant plus dans cette configurarion atypique où l’Orchestre est placé sur scène [pas de fosse au Nouveau Siècle], et les solistes placés derrière.
Somptueuse soirée lyrique devant un parterre aussi nombreux que finalement transporté. Il est vrai que l’événement qui clôt ainsi l’activité de la saison 23 – 24 de l’Orchestre national de Lille, avait tout pour séduire :  c’était l’ultime concert du maestro Alexandre Bloch comme directeur musical de l’Orchestre ; preuve était faite aussi que les « Nuits d’été » ont toute leur légitimité à une période [début d’été] où l’Opéra de Lille a fermé bien que les mélomanes n’aient pas quitté la cité, et restent pourtant encore attentifs aux propositions lyriques.
Un bien beau spectacle en guise d’au-revoir de la part d’Alexandre Bloch. En repensant aux réalisations précédentes qu’il a ici même dirigées [les Pêcheurs de Perles de Bizet, Tosca de Puccini, Carmen du même Bizet, sans omettre en janvier dernier, l’inoubliable Written on skin de George Benjamin, ce dernier présent et impliqué au moment des répétitions de l’Orchestre ,…] cette Bohème s’inscrit au nombre des accomplissements majeurs pilotés par Alexandre Bloch à Lille. Bravo maestro !

 

Nicole CAR et Pene PATI © Ugo Ponte

 

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CRITIQUE, opéra. LILLE, Nouveau Siècle, le 5 juillet 2024. PUCCINI : La Bohème, 1896. Nicole Car, Pene Pati, Magali Simard-Galdè, Thomas DolièORCHESTRE NATIONAL DE LILLE, Philharmonia Chorus, Jeune Chœur des Hauts de France / Alexandre BLOCH, direction. Toutes les photos © Ugo Ponte

 

 

nouvelle saison 2024 – 2025

Retrouvez à la rentrée dès septembre prochain, la nouvelle saison 2024 – 2025 de l’ON LILLE ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE – Lire notre présentation complète, temps forts, concerts dirigés par le nouveau directeur musical JOSHUA WEILERSTEIN : https://www.classiquenews.com/orchestre-national-de-lille-nouvelle-saison-2024-2025-joshua-weilerstein-nouveau-directeur-musical-mahler-chostakovitch-schoenberg-ives-rachmaninov/

 

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