vendredi 19 avril 2024

CRITIQUE, opéra. LIEGE, le 28 janv 2023. BELLINI : La Sonnambula. Pratt, Barbera, Mimica… Giampaolo Bisanti / Jaco van Dormael.  

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique et à l’opéra - et notamment avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

« Il ne faut pas avoir l’imprudence de lire le libretto », écrivait Stendhal à propos de L’Italiana in Algeri. En va-t-il de même pour La Sonnambula de Vincenzo Bellini ? Dérivé d’un genre français, la « pastorale », l’aimable vaudeville villageois d’Eugène Scribe doit à Felice Romani, le librettiste de Norma, des mots dont la couleur et la fluidité se prêtent à un essor de la voix, dérive flottante de pur bonheur de la mélodie. C’est exactement cette légèreté, ce plaisir simple, cette joie intrinsèque, que le metteur en scène / réalisateur belge Jaco van Dormael et sa femme chorégraphe Michèle Anne De Mey ont essayé de retranscrire scéniquement / chorégraphiquement à Liège. Si la première idée n’est pas nouvelle, doubler chaque chanteur par un danseur (et même deux pour Lisa et Teresa), ni même la deuxième, celle de les filmer en temps réel, la nouveauté réside dans leur conjugaison : alors qu’ils rampent sur le sol du podium sur lequel ils évoluent pendant toute la soirée, la captation vidéo (par en-dessus) et les images projetées entretiennent l’illusion qu’ils flottent dans les airs, détachés de toute contingence matérielle, pour un résultat aussi poétique qu’onirique. Une direction d’acteurs aux cordeaux, du côté des chanteurs, finit d’emporter l’adhésion du public, pour la partie scénique, à ce singulier spectacle.

 

 

Flottante Sonnambula à Liège
L’art de conjuguer la danse et la vidéo en temps réel

 

 

 

 

DIVINE JESSICA PRATT… Et Stefano Pace, le nouveau directeur de l’Opéra Royal de Wallonie, a mis les petits plats dans les grands de celle qui est pour nous la meilleure chanteuse belcantiste d’aujourd’hui, la soprano australienne Jessica Pratt !  Elle ne fait qu’une bouchée des difficiles vocalises dont est émaillée sa partie, qu’elle délivre de manière délicatement alanguie, sans jamais forcer le trait (le cristallin « Sovra il sen la man mi posa »). Son air final « Ah, non credea » tient du miracle par l’immatérielle ligne de chant, puis la pyrotechnie jubilatoire et jamais gratuite de « Ah ! Non giunge », avec la longue tenue sur l’ultime note de « Oh mio tesor » (un contre-ré !), qui signent là une interprétation tout simplement anthologique du rôle.
Son partenaire se situe sur les mêmes cimes, et c’est un chant tout aussi spectaculaire que délivre le ténor américain d’origine mexicaine René Barbera. Avec une voix plus corsée et puissante que les habituels tenorini auxquels sont dévolus généralement la partie d’Elvino, il stupéfie dans le rôle, par son époustouflante aisance, hissant son personnage souvent sacrifié au tout premier plan. On n’est pas près d’oublier ses superbes variations dans la reprise du fameux « Ah ! Perché non posso odiartti ». Les deux forment ainsi un couple tout simplement irrésistible, et leur apparition aux saluts fait souffler un vent d’hystérie parmi le public (debout). La basse croate Marko Mimica n’est pas en reste, dans le rôle de Rodolfo, avec une élégance dans la ligne et une profondeur dans le registre grave qui n’appellent également que des éloges. Quel luxe d’avoir la soprano espagnole Marina Monzo dans le rôle secondaire de Lisa, elle qui chante déjà les premiers sur les plus grandes scènes, en graine de prima donna qu’elle est ! Enfin, Julie Bailly (Teresa) et Ugo Rabec (Alessio) complètent avec bonheur cette distribution de rêve.

En fosse, le nouveau directeur musical de la maison, le chef italien Giampaolo Bisanti, donne à la géniale partition du cygne de Catane une énergie, des couleurs, et une vraie « voix » qui s’accorde parfaitement à celles des chanteurs, tout en garantissant, grâce à un Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège particulièrement à l’écoute et bien disposé, l’authenticité du style bellinien.

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. LIEGE, le 28 janvier 2023. Vincenzo Belllini : La Sonnambula. Pratt, Barbera, Mimica… Giampaolo Bisanti / Jaco van Dormael. Photos : (c) Jonathan Berger

 

 

TEASER vidéo
« La Sonnambula » à l’Opéra Royal de Wallonie :

 

 

 

PROCHAINE production lyrique à l’affiche de l’Opéra royal de Wallonie – Liège : HAMLET d’Ambroise Thomas à partir du 26 février 2023

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