dimanche 19 janvier 2025

CRITIQUE, opéra en version de concert. VERSAILLES, Salon d’Hercule, le 25 novembre 2024. MONTEVERDI : L’Orfeo. J. Prégardien, J. Mey, I. Druet, L. De Donato… Ensemble Les Épopées / Stéphane Fuget (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

L’Orfeo, créé en 1607, considéré comme le premier opéra digne de ce nom de l’histoire musicale, impose un génie de la scène, un poète musicien. Créé dans un des Salons du Palais de Mantoue, c’est dans le superbe Salon d’Hercule du Château de Versailles que Les Épopées et leur chef Stéphane Fuget font retentir la sublime musique composée par Claudio Monteverdi – après Le Retour d’Ulysse en sa patrie en décembre 2021, et Le Couronnement de Poppée en décembre 2023 (nous y étions).

 

Comme à son habitude, le chef bourguignon, longtemps chef de chant avant d’être chef d’orchestre, se penche ce soir sur la moindre inflexion, tant orchestrale que vocale, réussissant l’exploit de rendre caduque l’écoute polie, en usage jusque là, de récitatifs à la (fausse) réputation de “pensum”. Du relativement sobre instrumentarium des vingt instrumentistes des Épopées, Stéphane Fuget (également au clavecin et à l’orgue) obtient un son plein et nourri. Le discours est sans cesse relancé, et l’impression générale est vraiment celle d’une mélodie continue, malgré l’entracte dont généralement on fait (pourtant) l’économie dans cet ouvrage d’une durée de deux heures environ. Rarement la musique de Monteverdi aura sonné avec une telle liberté et inventivité, un tel degré d’émotion dans les parties de déploration et avec autant d’expressivité dans les parties joyeuses ou dramatiques, avec un mention pour la harpe idyllique de Marina Bonetti

 

Malgré l’exiguïté de la scène, les solistes (retranchés côté cour quand il forment le choeur, et rejoints alors par la soprano Tanaquil Ollivier et la mezzo Céleste Ingrand), trouvent leur place et s’imposent chacun dans les parties qui leur sont dévolues. Triomphateur de la soirée, Julian Prégardien est le plus bel Orphée que nous ayons jamais entendu sur une scène, offrant un chant à la densité et d’une émotion sans pareille. Sa stature physique, son investissement scénique, son ténor velouté, son sens poétique et déclamatoire (allant du plus imperceptible pianissimo au cri de rage…), et ses réelles aptitudes à la virtuosité, font du ténor autrichien un titulaire d’exception pour ce rôle, pourtant si difficile à assumer. L’équipe qui l’entoure est cependant digne de lui, à commencer par l’incontournable jeune mezzo française Juliette Mey, dans le rôle très bref d’Eurydice (mais elle incarne aussi, pour notre plus grand bonheur, La Musica), qui lui laisse néanmoins le temps de prendre suffisamment d’assurance vocale pour nous transporter. La magnifique mezzo Isabelle Druet, tour à tour douce Speranza et sentencieuse Messagiera, captive elle aussi : son timbre généreux et rond, sa diction fine et fluide, son charisme tranquille libèrent une émotion palpable. Avec ses graves profonds, la basse italienne Luigi De Donato se montre d’une grande efficacité dans le double rôle de Caron et Pluton. Dans ceux de Proserpine et Ninfa, Claire Lefilliâtre tour à tour séduit ou émeut, avec son timbre chaud et rond, la voix se faisant caressante pour parvenir à ses fins auprès de Pluton. Le ténor espagnol Juan Sancho campe un Apollon au timbre superbement projeté, tandis que les Bergers du baryton Vlad Crosman et du contre-ténor Paul Figuier enthousiasment par leur engagement tant vocal que scénique. Enfin, le jeune baryton-basse Samuel Guibal complète dignement la distribution en tant qu’Esprit. 

 

Transporté, le public offre une standing ovation et hurle littéralement sa joie et son bonheur, conscient d’avoir vécu un concert mémorable, en même temps qu’un moment rare, et après de multiples rappels, la soirée se termine par un bis qui donne à (ré-)entendre le choeur “Vanne Orfeo, felice a pieno”… une “félicité entière” que nous éprouvons tous au sortir du sublime Salon d’Hercule versaillais !

 

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CRITIQUE, opéra en version de concert. VERSAILLES, Salon d’Hercule, le 25 novembre 2024. MONTEVERDI : L’Orfeo. J. Prégardien, J. Mey, I. Druet, L. De Donato… Ensemble Les Épopées / Stéphane Fuget (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu

 

AUDIO : Julian Prégardien chante l’air « Possente Spirito » dans L’Orfeo de Monteverdi sous la direction de Stéphane Fuget à la tête de son ensemble Les Epopées

 

 

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