samedi 26 avril 2025

CRITIQUE, opéra (en version de concert). VERSAILLES, Opéra Royal, le 27 avril 2024. RAMEAU : Platée. M. Vidal, M. Lys, Z. Wilder, A. Duhamel… La Chapelle Harmonique / Valentin Tournet (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Poursuivant son Intégrale des opéras de Jean-Philippe Rameau à l’Opéra Royal de Versailles, après avoir enregistré, dans ces mêmes murs (ou dans les Salles “des Batailles” ou “des Croisades” voisines) Les Indes galantes en 2019 (avec déjà Mathias Vidal aux côtés d’Ana Quintans et de Julie Roset, entre autres…) et Les Paladins en 2021 (avec encore Mathias Vidal, aux côtés de Sandrine Piau, Florian Sempey etc.), le jeune et brillant chef français Valentin Tournet poursuit (à la tête de son ensemble La Chapelle Harmonique) l’aventure que lui a confiée le maître des lieux, Laurent Brunner, avec cette fois un enregistrement “live” (et un Opéra Royal plein à craquer !) de la désopilante Platée, l’un des chefs d’œuvres absolus du Maître de Dijon. 

 

 

Pour commencer, comment ne pas souligner que Platée est totalement chez elle à Versailles, d’une part parce que l’ouvrage a été créé dans cette même ville en 1745 (au  Grand Manège), et parce que le cadre “intimiste” de l’Opéra Royal – aux dimensions si humaines que l’on est toujours proche autant de l’orchestre que des chanteurs – convient idéalement aux ouvrages de Rameau (comme pour tout le répertoire baroque…). Par ailleurs, Laurent Brunner a tablé sur une distribution de haut vol… et il a réussi son pari ! Tous (à une exception près) respectent ici le style, la diction, la déclamation, sans lesquels la partie ne peut être gagnée.

Grand habitué du rôle-titre, chacun sait que Mathias Vidal est LA Platée du moment, un rôle qui lui va comme un gant – et qu’il a interprété aux quatre coins de l’Europe (et au-delà). Même en simple version de concert, il se montre épatant et ne peut s’empêcher de « jouer » son personnage, à coup de force mimiques et coups de glottes fort à propos. Malgré certaines notes émises peut-être avec plus de puissance que nécessaire, tendant son instrument vers ses limites, le chant n’en demeure pas moins d’une rare élégance : éberlué ou blessé, il reste constamment touchant dans la cruelle farce que les Dieux lui inflige.

Comme l’on pouvait s’y attendre, la superbe soprano suisse Marie Lys – habillée d’une robe rouge passion et le visage poudré d’or – campe une Folie flamboyante, avec un aigu aussi insolent qu’un registre médian et grave qui, pour une fois dans ce rôle, se fait pleinement entendre. Elle récolte un triomphe personnel après son grand air « Aux langueurs d’Apollon ». Excellent aussi, le ténor étasunien Zachary Wilder, dont la voix s’élève vers l’aigu avec aisance : plus encore qu’en Thespis, il brille en composant Mercure virevoltant. En plus d’avoir les notes inférieures de sa partie, Alexandre Duhamel a de la tenue, même si le jeu outré et hilarant de Mathias Vidal lui fait parfois perdre le sérieux qui sied au Dieu des Dieux, le grand Jupiter ! La jeune Cécile Achille incarne un Amour et une Clarine délicats et touchants, à l’inverse de la Junon furibonde de l’excellente Juliette Mey (Lauréate dans la catégorie « Révélation lyrique de l’année » aux dernières « Victoires de la Musique classique »). Si David Witczak campe un Cithéron (et un Satyre) noble et paternel à souhait, très bien chantant, l’on n’en dira malheureusement pas autant de Cyril Constanzo (Momus) qui, malade (sans qu’aucune annonce n’ait été faite à ce sujet), n’a pas pu rendre justice à son personnage…

Grand ordonnateur de la soirée, le jeune Valentin Tournet savoure visiblement (et nous avec lui !) la géniale partition de Jean-Philippe Rameau, et ne craint pas, à l’occasion, de stimuler l’imagination des instrumentistes de sa Chapelle Harmonique par des gestes intempestifs, à l’image des trois “traits” de cordes qui parachèvent la soirée – vivement acclamée par un public enthousiaste multipliant des rappels hautement mérités !

En attendant la sortie du disque (en 2025), qui paraîtra bien sûr chez l’incontournable label “Château de Versailles Spectacles”, le lecteur peut déjà se procurer les deux premiers enregistrements ramistes précités (et dirigés par Valentin Tournet), mais le catalogue Rameau du label CVS  comprend d’autres pépites – à l’instar de la “Nouvelle Symphonie”, composée de parties orchestrales de ses nombreux opéras, et dirigée par Marc Minkowski à la tête de ses Musiciens du Louvre, sans oublier le récital de Mathias VidalRameau Triomphant” – avec Gaétan Jarry qui y dirige son ensemble Marguerite Louise

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CRITIQUE, opéra (en version de concert). VERSAILLES, Opéra Royal, le 27 avril 2024. RAMEAU : Platée. M. Vidal, M. Lys, Z. Wilder, A. Duhamel… La Chapelle Harmonique / Valentin Tournet (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDEO : Mathias Vidal chante l’air “Que ce séjour est agréable” extrait de Platée de Rameau (dans la mise en scène de Laurent Pelly à l’Opéra national de Paris)

 

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