dimanche 27 avril 2025

CRITIQUE, opéra. BERGAME, Teatro Donizetti (les 14, 23 et 28 novembre 2024). DONIZETTI : Roberto Devereux. J. Osborn, J. Pratt, R. Luppinacci, S. Piazzola… Riccardo Frizza / Stephen Langridge

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

C’est avec une production de Roberto Devereux, l’un des ouvrages qui compose la “Trilogie Tudor”, que le Donizetti Opera Festival de Bergame a inauguré sa Dixième édition, dans une nouvelle mise en scène que Francesco Micheli, le directeur de la manifestation lombarde, a confié à son “collègue” Stephen Langridge, actuel directeur artistique du prestigieux Festival de Glyndebourne. Et le choix de la direction artistique s’est porté sur la version originale de la création napolitaine de 1837, une mouture qui fait l’impasse sur l’habituelle Ouverture, que Gaetano Donizetti ajoutera cependant l’année suivante, en 1838, pour le Théâtre des Italiens à Paris.

 

Le principal artisan de la réussite de la soirée (en coproduction avec le Teatro Sociale de Rovigo) est incontestablement le chef italien Riccardo Frizza, auteur d’un authentique tour de force, en imposant une lecture d’une virtuosité époustouflante, tour à tour ample et soucieuse du détail, expansive et intimiste, à la tête d’un Orchestre Donizetti Opera qui brille de 1000 feux. Sa marque se retrouve également dans l’impeccable préparation des solistes, les meilleures que l’on puisse trouver aujourd’hui dans ce répertoire.

 

A commencer par Jessica Pratt (Elisabetta) de bout en bout fascinante, au chant impeccablement contrôlé et à la présence vocale et dramatique plus féminine que ce qu’on a l’habitude de voir et d’entendre dans ce rôle, trop souvent transformé en dragon. Ses incroyables notes aiguës filées et autres pianissimi la rendent profondément humaine et totalement bouleversante ! A ses côtés, le ténor américain John Osborn a fière allure dans le rôle de son amant, le Comte d’essex, avec sa voix de ténor lyrique de tout premier ordre, son chant constamment séduisant, possédant toute l’étoffe et le métal nécessaires pour traduire la dimension pré-verdienne de la grande scène de la prison, à l’acte III.  Il ne brille pas moins dans son duo avec Sara (un des sommets de la soirée !), incarnée ici par la fabuleuse mezzo italienne Raffaella Lupinacci (applaudie l’an passé dans le même rôle dans la Trilogie Tudor donnée à La Monnaie de Bruxelles sous forme de “pasticcio”), aussi ardente vocalement que physiquement stupéfiante, et qui remporte un triomphe personnel méritée aux saluts. Las, l’excellent baryton italien Simone Piazzola, est en méforme ce soir (le fait de se pincer continuellement le donner et de mettre sa main devant son oreille gauche sont des signes qui ne trompent pas…), et il n’a malheureusement pu faire étalage de ses pourtant magnifiques et impressionnants moyens. Enfin, le ténor bien projeté de David Astorga (Cecil) et le beau timbre du baryton-basse lithuanien Ignas Melnikas (Gualtiero) ajoutent au bonheur distillé par la soirée.

 

Selon ses notes d’intention, le metteur en scène britannique signé unemise en scène contemporaine dans un monde élisabéthain fantasmé”. Stephen Langridge y parvient avec beaucoup de goût, même si celui-ci est volontiers macabre, avec la morte qui règne de toute part, à travers un squelette fantomatique, actionné par deux marionnettistes, qui suit la Reine dans ses pas, mais également ce crâne qui trône sur une grande table placée à jardin, aux côtés de divers autres objets symboliques qui rappellent les Natures Mortes du XVIIe siècle hollandais.

 

 

Des écrits du rôle éponyme, Robert Devereux (1565-1601), écrivain et poète à ses heures, sont projetés par moments sur les surfaces noires qui constitue l’essentiel de la scénographie lugubre imaginée par Katie Davenport (qui signe aussi les costumes, dont la robe d’Elisabetta qui reprend, en motif, le même crâne que celui posé sur la table). Unique autre élément de décor, le lit rouge vif de Sara suspendu à mi-hauteur, pendant le deuxième acte, ainsi que le trône d’Elisabetta, de la même couleur. Enfin, il faut saluer les superbes éclairages dramatiques de Peter Mumford, qui tiennent une place primordiale, notamment dans la scène conclusive, avec des projecteurs qui descendent des cintres pour se placer au niveau du sol, inondant la salle de leur lumière aveuglante.

C’est un triomphe qui est fait à l’ensemble de l’équipe artistique de la part d’un public survolté, et le Donizetti Opera Festival ne pouvait débuter sous de meilleurs augures !…

 

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CRITIQUE, opéra. BERGAME, Teatro Donizetti (les 15, 23 et 28 novembre 2024). DONIZETTI : Roberto Devereux. J. Osborn, J. Pratt, R. Luppinacci, S. Piazzola… Riccardo Frizza / Stephen Langridge. Toutes les photos © Gianfranco Rota

 

AUDIO : Jessica Pratt chante l’air « Vivi ingrato » dans Roberto Devereux au Festival Donizetti de Bergame 2024

 

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