Pour marquer le centenaire de la disparition de Giacomo Puccini, l’Opéra d’Anvers a choisi de lui rendre hommage avec une version de Madama Butterfly expurgée de tout japonisme “exotisant”. Dans cette nouvelle production, le cadre se veut le plus intemporel possible : le drame se joue au sein d’un dispositif scénique sobre et épuré – mais que le metteur en scène argentin Mariano Pensotti inscrit dans un véritable jeu « borgésien » de mise en abîme et de miroirs déformants.
Explications…
Avant même l’ouverture, nous nous retrouvons confrontés sous la forme d’intertitres et de séquences vidéos – qui seront projetés à divers moments de l’opéra – à l’histoire tragique de Maiko Nakamura, metteuse en scène fictive d’origine japonaise installée en Occident. À l’instar de l’héroïne dont elle est amenée à mettre en scène le drame, elle est originaire de Nagasaki. Durant les répétitions, elle est confrontée à la question de ses origines, qu’elle finit par partir chercher au Japon – pays qu’elle a quitté il y a de nombreuses années. Arrivée là-bas, elle découvre la maison de ses parents détruite, ce qui l’amènera d’abord à la dépression, puis au suicide.
Le récit, tout fictif qu’il soit, n’a rien d’anecdotique et entend faire écho au drame vécu par l’héroïne, la jeune et naïve geisha Cio-Cio-san, magistralement incarnée ici par la soprano irlandaise Celine Byrne. L’idée semble être d’inscrire le drame dans une temporalité qui n’est plus celle du XIXe siècle colonial et de démontrer comme le pensait Puccini que « tous les drames sont universels ». Ainsi la maison détruite de Maiko Nakamura est présente sur la scène au cours des trois actes : d’abord sous forme tridimensionnelle et recouverte de miroirs, puis sous forme de cloisons transparentes superposées où se dessinent un arbre, et pour ne trouver finalement, sur les derniers moments du drame, qu’une pyramide inversée et noire. En réalité, nous fait comprendre Pensotti, par l’entremise de l’histoire de Maiko Nakamura, Madama Butterfly n’est pas une histoire d’amour, c’est un drame, le drame que vit toute personne qui tente de devenir ce qu’elle n’est pas et qui projette en l’autre un miroir déformant de soi-même.
C’est un public conquis qui s’est levé pour acclamer le casting et l’orchestre, dirigé avec maestria par la cheffe italienne Daniela Candellari. Notons également les performances particulièrement applaudies de Lotte Verstaen, attachante Suzuki aux graves profonds, et de Vincenzo Neri, élégant Sharpless à l’impeccable ligne de chant. Las, le roumain Ovidiu Purcel (Pinkerton) ne suscite pas le même enthousiasme, notamment à cause d’un timbre nasal peu agréable à l’oreille…
______________________________________________
CRITIQUE, opéra. ANVERS, Opera Ballet Vlaanderen, le 14 septembre 2024. PUCCINI : Madama Butterfly. C. Byrne, L. Verstaen, O. Purcel, V. Neri… Mariano Pensotti / Daniela Candellari. Photos © Annemie Augustijns.