vendredi 25 avril 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs-Élysées, le 8 avril 2025. BERLIN / STAMITZ / KRAUS / MOZART. Orchestre de Chambre de Paris, Giovanni Antonini (direction)

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Nous sommes au fabuleux Théâtre des Champs-Élysées pour un nouveau concert de l’Orchestre de Chambre de Paris – dirigé par le maestro Giovanni Antonini – et avec un programme symphonique composé exclusivement d’œuvres du 18e siècle. 

 

Le concert commence avec la Sinfonia à cinq pour cornet à bouquin, cordes et continuo du compositeur méconnu Johan Daniel Berlin. Une belle œuvre courte et baroque à souhait, avec des contrastes thématiques très marqués. C’est l’occasion de (re)découvrir la sonorité particulière du cornet à bouquin, dont le timbre rappelle et les cuivres et les bois, grâce au talent virtuose du soliste Adrien Ramon. Immédiatement après, le Concerto pour violoncelle n° 3 en ut majeur du compositeur Carl Stamitz, figure emblématique de l’École de Mannheim, interprété par le violoncelliste Benoît Grenet. Une œuvre de style galant (pont stylistique entre le baroque tardif et le classicisme musical), véritable bijou d’élégance et de charme, d’une virtuosité remarquable mais pas exorbitante. Les mouvements extérieurs de l’opus, pleins d’esprit et de vivacité, entourent un Andante poco moderato central d’une grande expressivité et beauté lyrique au niveau de l’instrument solo, avec un accompagnement discret mais tout à fait excellent de l’ensemble orchestral. Après les nombreux applaudissements, les deux solistes reviennent sur scène pour offrir un magnifique bis : il s’agît de La Suave Melodia d’Andrea Falconieri. Cette œuvre sublime qui est la seule ce soir à ne pas avoir été composée au 18e siècle, présente une belle mélodie diaphane abordée de façon singulière par chaque soliste et accompagnée subtilement par la claveciniste Ayumi Nakagawa.

Avant l’entracte, l’une des deux pièces de résistance au programme : l’incroyable Symphonie en ut mineur VB 142 du compositeur Joseph Martin Kraus. Kraus, parfois nommé « le Mozart suédois », est né la même année que le génie autrichien, et meurt exactement un an après. La symphonie, écrite en 1783 et beaucoup trop injustement méconnue de nos jours, est impressionnante à plusieurs égards. Il s’agît d’un remaniement d’une symphonie préexistante du compositeur, la Symphonie en do dièse mineur VB 140 ; probablement réalisé avec l’intention de rendre l’opus plus accessible aux viennois (c’est lors de sa grande tournée européenne de 1782-1787 qu’il rencontre Haydn et Gluck, il rejoint la même loge maçonnique de Mozart !). L’œuvre en trois mouvements est dramatique par sa tonalité mineure et un superbe exemple de pré-romantisme musical. Le premier mouvement commence avec une introduction lente et sombre qui crée une atmosphère tendue, laissant rapidement place à un Allegro vigoureux. Il est marqué par des rythmes saccadés, des contrastes dynamiques audacieux et une énergie incessante. Les thèmes musicaux se déploient avec une urgence saisissante, et sont fièrement portés par les cordes et ponctués par les timbres sombres des cors et des hautbois. Le deuxième mouvement offre un répit lyrique avec sa mélodie tendre et chantante planant au-dessus d’un orchestre temporairement sobre et laissant transparaître une profondeur sentimentale sans affectation. L’Allegro assai qui clôt l’œuvre est une véritable explosion musicale, fougueuse et palpitante. Une conclusion compacte et fulgurante où la tension dramatique constante se métamorphose parfaitement en une résolution tout à fait triomphale !!!

Après l’entracte, et pour finir le concert  tout en grandeur et majesté, l’incomparable Symphonie n° 41 en ut majeur de W. A. Mozart. Nous remarquons immédiatement le choix d’un tempo rapide par le chef Antonini, en toute fidélité à la convention musicale de l’époque de Mozart, et loin des longueurs post-romantiques en vigueur depuis le début du 20e siècle. Ce parti pris que nous apprécions, rehausse curieusement les mouvements intérieurs : le deuxième toujours introspectif et tendre sans être écœurant, le troisième reste raffiné mais avec une certaine robustesse. Les musiciens sous la direction du maestro Giovanni Antonini semblent être tous habités par la magnifique musique de cette œuvre qu’ils interprètent de façon passionnante et passionnée. Dans le Molto Allegro final nous arrivons au plus haut sommet d’expressivité, de rigueur intellectuelle et d’exubérance jubilatoire de toute la soirée, avec sa forme unique de sonate-fuguée où tous les thèmes musicaux se réunissent en une apothéose inégalée.

Encore un magnifique concert de l’Orchestre de Chambre de Paris au Théâtre des Champs-Élysées. Leur prochain rendez-vous à l’Avenue Montaigne met en valeur le violoncelle à nouveau, dans un programme symphonique concertant autour d’Elgar et de Schubert. Il aura lieu le 19 juin 2025, alors  à vos agendas !

 

 

 

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CRITIQUE, concert. Paris, Théâtre des Champs-Élysées, le 8 avril 2025. BERLIN / STAMITZ / KRAUS / MOZART. Orchestre de Chambre de Paris, Giovanni Antonini (direction). Crédit photographique © David Blondin

 

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