vendredi 6 décembre 2024

CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs Elysées, le 3 novembre 2024. J. S. BACH : « La Passion selon Saint Jean ». V Contaldo, G. Nigl, C. Immler, S. Junker… Choeurs de Chambre de Namur et de l’Opéra de Dijon / Compagnie Sasha Waltz / Ensemble Cappella Mediterranea / Leonardo Garcia-Alarcon (direction)

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André Peyrègne
André Peyrègne
André PEYREGNE est Président d’honneur de la Fédération Française d’Enseignement Artistique, Chroniqueur en Histoire et Musique de Nice-Matin, Collaborateur de Radio France et France Télévision et Ecrivain (son dernier livre paru : « Petites histoires de la grande musique » / Editions Desclée de Brouwer)

Le spectacle de la « Passion selon saint Jean » de J. S. Bach présenté au Théâtre des Champs Elysées est à la fois dérangeant et fascinant. S’il était fait pour exalter la musique de Bach, c’est raté ! Le spectacle détourne l’attention de l’audition et nuit à la concentration de l’interprétation. S’il était fait pour fâcher les puristes, c’est réussi ! Une partie non négligeable de la salle l’a hué. Mais s’il était simplement fait pour présenter une création artistique moderne, déstructurante, dans l’air du temps, on ne peut que constater sa force chorégraphique. L’autre partie de la salle l’a acclamé…

 

Au début, on voit sur scène un atelier de couture. Ne se serait-on pas trompé d’adresse ? Les maisons de haute couture ne sont-elles pas situées plus loin sur l’avenue Montaigne ! Les danseurs se mettent à coudre des habits. Ils en ont urgemment besoin, étant arrivés tout nus ! Certains arriveront au bout de leur travail, d’autres non et continueront à danser nus au long de la soirée – en particulier la femme qui incarne le Christ. Car, oui, le Christ, ce soir-là, sera incarné par une femme !

La chorégraphe Sasha Walz, qui fait valser les principes, lance hardiment sa compagnie de danseurs au milieu de la sublime musique de Bach. Elle assaille ce chef-d’œuvre comme d’autres assaillent le Capitole. On comprend son intention : évoquer le calvaire du Christ et le cataclysme qu’il a entraîné sur le monde. Elle n’illustre pas la musique de Bach mais la commente à sa façon. La manière est parfois folle, violente, semble éloignée de la musique et du texte. La manière est parfois poétique. On voit alors quelques très beaux tableaux au milieu de l’hystérie chorégraphique. A un moment, la musique de Bach ne suffit plus à la chorégraphe. Alors, elle l’interrompt et fait frapper le sol par les danseurs avec des marteaux. Bach s’en remettra ! A la fin, une grande échelle métallique trouvée dans un salon du bricolage évoque l’ascension du Christ vers le ciel. Il y a plus poétique pour symboliser l’événement ! Au demeurant, nous l’avons dit, le spectacle a une vraie force chorégraphique. Il nous emporte comme une tornade.

Au milieu de tout cela, le chef d’orchestre Leonardo Garcia-Alarcon fait de son mieux pour diriger la musique. On le voit lever les bras en tous sens au milieu du cataclysme. Ce n’est pas pour appeler au secours mais pour rassembler les interventions de ses choristes… lesquels sont disséminés dans la salle (Chœurs de chambre Namur et de l’Opéra de Dijon). Ses musiciens de la Cappella Mediterranea, blottis dans un coin de la scène, eux, tiennent le coup. Ils sont excellents. Parmi les chanteurs solistes, trois sont solides comme des rocs : le ténor Valerio Contaldo qui est un remarquable Évangéliste, la basse Christian Immler qui incarne Jésus avec son timbre profond et le baryton Georg Nigl qui est un impressionnant Pilate. Les trois autres semblent déstabilisés par l’endroit d’où ils sont amenés à chanter. Le contre-ténor Benno Schachtner a attendu son air final « Es ist volbracht » pour nous émouvoir. Même chose pour le ténor Mark Milhofer qui s’est distingué dans son dernier air « Mein Herz ». Quant à la soprano Sophie Junker, elle nous a touché en interprétant son « Zerfliesse, mein Herze », (« Fonds en larmes, mon coeur ») allongée sur le sol, au milieu d’un amoncellement de corps de danseurs.

A la fin, un miracle s’accomplit. Dans le dernier choral, « Ruht wohl » (« Repose en paix »), tout le monde se retrouve sur scène dans une belle unité, dans un décor nocturne, sur la sublime musique de Bach. C’est la victoire finale de Bach ! C’est enfin la fête de la Saint-Jean !

 

Crédit photographique © Mirco Magliocca

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs Elysées, le 3 novembre 2024. J. S. BACH : « La Passion selon Saint Jean ». V Contaldo, G. Nigl, C. Immler, S. Junker… Choeurs de Chambre Namur et de l’Opéra de Dijon / Compagnie Sasha Waltz / Ensemble Cappella Mediterranea / Leonardo Garcia-Alarcon (direction). Crédit photographique © Mirco Magliocca

 

VIDEO : Trailer de « La Passion selon St Jean » de Bach par la Compagnie Sasha Waltz et sous la direction de Leonardo Garcia Alarcon

 

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