vendredi 29 mars 2024

CRITIQUE, opéra. CLERMONT FERRAND le 20 janvier 2023. VERDI La Traviata / Erminie Blondel. B. Martin / Pierre Thirion-Vallet

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Sur les hautes portes du sobre (et efficace) décor signé Franck Aracil, s’énonce clair et foudroyant le verdict impitoyable qui résume le destin de la courtisane : « amore e morte » / amour et mort. En s’appuyant sur la tension structurante de cette équation éros / thanatos, l’itinéraire de Violetta Valery, jeune prostituée parisienne et phtisique, vit le temps qu’a chaque fleur, pour s’ouvrir et …. se flétrir. Si la jeune femme doit mourir, la grâce lui est consentie : aimer jusqu’à se sacrifier pour montrer sa valeur morale.

 

 

 

Pierre Thirion-Vallet nous offre assurément l’une de ses meilleures mises en scène d’autant plus appréciée qu’on ne compte plus le nombre de Traviatas vues à ce jour. La production de ce soir a été créée en oct 2022 à l’Opéra de Reims.
Ainsi, imaginer dès l’ouverture le double malade de Violetta est très juste ; c’est à la fois la figure du destin qui lui rappelle l’échéance finale ; et sa propre horloge biologique. Cette maladie qui la ronge, prend tout son sens quand elle avoue, touchée par la sincérité de Rodolfo : « il est venu quand j’étais malade et m’a transmis une nouvelle fièvre… Celle de l’amour ». Voilà qui exprime idéalement ce miracle qui embrase le duo bouleversant du I. Instant délectable quand ce que l’on voit sur scène intensifie d’un coup l’éclat du texte.

 

 

Clermont Auvergne Opéra

GRAND CORPS MALADE
Le temps compté de Violetta,
Pierre Thirion-Vallet signe l’une de ses meilleurs mises en scène d’opéra

 

 

Au II, même coup du destin. Si l’acte s’ouvre sur le solo extatique de Rodolfo, comblé, accompli, éperdu -évocation d’un bonheur fragile inattendu-, rien n’est épargné à la « dévoyée » ; impure, scandaleuse, Violetta doit payer sa dette.
Car la jeune courtisane est condamnée : son temps est donc compté [-Zeffirelli lui aussi, dans la même scène, avait rappelé ce point crucial dans son film avec le plan rapproché sur l’horloge…] ; ce qui souligné avec tact ici, ne rend que plus inepte l’apparition de Germont père qui ose lui parler de sa beauté, de sa jeunesse, « avec le temps »…. elle oubliera ; et l’amour qui la lie à son fils Rodolfo, …s’effacera » ; non justement : Violetta n’a plus de temps. Ce qui rend son sacrifice encore plus sublime…

Annoncée en début de spectacle souffrante mais présente, Erminie Blondel assure la force et l’intensité du personnage tragique, amoureuse éperdue qui sait accepter le sacrifice au nom de la morale bourgeoise. Sa silhouette est crédible, et le chant assumé avec probité tout au long d’acte en acte, avec une fin du I réussie sur le plan dramatique et son duo avec Germont père, déchirant. A ses côtés, les hommes ne déméritent guère : Matthieu Justine (Alfredo) place ses aigus avec aisance et prend une épaisseur croissante au fur et à mesure de l’action, quand Jiwon Song, chant noble et volontairement distancié, refuse à Violetta l’étreinte qu’elle lui réclame… Une pestiférée reste méprisable. Le baryton coréen est connu du public Clermontois car il est lauréat du concours de chant organisé par l’Opéra en 2017. L’opportunité est offerte de suivre son parcours depuis l’obtention de son prix.

 

D’une façon générale, le jeu d’acteurs est précis et sobre. Toujours étonnement juste. On reconnaît là une sensibilité qui rétablit la charge émotionnelle pour chaque acte.

En fosse, l’Orchestre Les Métamorphoses habite le drame verdien dans la souplesse, un sens du détail instrumental, et surtout l’équilibre avec les voix sur le plateau, ce en dépit d’une acoustique moins profitable que la salle habituelle de l’Opéra de Clermont-Ferrand.
Voilà une production convaincante et cohérente qui change fort opportunément des relectures et réécritures actuelles. Le spectacle sert au plus près la grandeur morale de l’héroïne ; son sens du sacrifice et toute la tendresse de VERDI pour Violetta gagne ainsi un éclairage inédit : la dévoyée est en réalité une femme admirable. On sait combien VERDI a lui-même souffert de l’hypocrisie bourgeoise ; son opéra clarifie la réalité : ceux qui se parent des vertus morales ne sont pas ceux qui les appliquent. Violetta a plus de sens moral que Germont. Renversement lumineux qui prend tout son sens dans cette mise en scène en tout point réussie, pertinente.

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. CLERMONT FERRAND le 20 janvier 2023. VERDI La Traviata. B. Martin / Pierre Thirion-Vallet. Avec Erminie Blondel, Matthieu Justine, Jiwon Song… Chœur Opera Nomade / orchestre Les Métamorphoses.Photos © Sébastien Gomez / Clermont Auvergne Opéra

 

 

 

LA TRAVIATA EN TOURNÉE
Jusqu’au 14 avril 2023
Prochaines dates de La Traviata par Pierre Thirion-Vallet :
Le 22 janvier 2023 à Clermont-Ferrand, maison de la culture.
Le 2 février, Neuilly sur Seine, théâtre des Sablons ;
Le 4 février, Poissy, théâtre
Le 8 février, Saint Quentin, th Jean Vilar
Le 26 février, Arcachon, Olympia
Le 12 mars, Perpignan, l’archipel
Le 4 avril, Montrouge, le Beffroi
Le 7 avril, Abbeville, théâtre municipal
Le 14 avril, Plaisir, théâtre Coluche

Plus dinfos ici
Opera nomade
https://www.operanomade.org/en-tournee

 

 

 

 

Prochains rvs lyriques programmés par Clermont Auvergne Opéra :

Haydn : l’isola disabitata, le 4 février 2023
Récital Sandrine Piau, le 20 février 2023
Renseignement & réservations ici,
Directement sur le site de Clermont Auvergne Opera :
https://clermont-auvergne-opera.com/la-saison/

 

 

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