Il y a différentes manières, on le sait, d’interpréter les célébrissimes Vêpres de la Vierge (1610) de Claudio Monteverdi. Pour ce concert donné à la Cité musicale de Metz et son magnifique écrin de bois clair qu’est la Grande Salle de l’Arsenal (signée par Riccardo Bofill), à la magnifique acoustique pour combler notre bonheur, Leonardo Garcia Alarcon et son ensemble Cappella Mediterranea (épaulé ici par l’extraordinaire Choeur de Chambre de Namur, préparé par Thibaut Leenaerts), opte pour un style résolument grandiloquent et théâtral, avec sa vingtaine d’instrumentistes et de choristes, les deux ensembles (surtout le second, et les cuivres et bois du premier) prenant possession de tout l’espace de la vaste salle de l’Arsenal, depuis les travées au beau milieu du public, les coursives latérales, ou encore la tribune ou l’entrée (haute) de l’auditorium – pour créer de saisissants effets de spatialisation du son.
Un événement véritablement jouissif !
Dans cette impressionnante “représentation” liturgique, tout est admirable : la direction puissamment inspirée de Leonardo Garcia Alarcon, la qualité irréprochable de son ensemble instrumental comme du Chœur de chambre de Namur (l’un des meilleurs d’Europe dans ce répertoire !), la virtuosité et l’intensité des solistes. Inoubliable, par exemple, le duo formé par Matthias Vidal et Valerio Contaldo dans le “Duo Seraphim”, postés l’un dans la tribune derrière le plateau et l’autre à l’opposé derrière le dernier rang des spectateurs. Poussant l’expressivité jusqu’à son paroxysme, osant des tensions presque insoutenables dans le haut de la tessiture, les deux artistes laissent l’auditeur bouche-bée, les interventions du ténor portugais Frederico Projecto leur offrant un juste contrepoint. Parmi les voix aigües, on retrouve les fidèles Mariana Flores et Deborah Cachet (soutenues par le contre-ténor espagnol David Sagastume), qui savent s’effacer derrière le génie montéverdien sans rien renier de leur personnalité. Leurs différences de timbre et de sensibilité servent admirablement le propos d’un Garcia Alarcon soucieux d’accentuer au maximum les contrastes. Le deux basses – Andreas Wolf et Rafael Galaz Ramirez – possèdent des voix sonores et parfaitement rompues aux exigences de cette musique. Une représentation des Vêpres de la Vierge de Monteverdi est toujours un événement véritablement jouissif, et ce soir-là à Metz – comme on l’imagine dans l’autre somptueux écrin qu’est la Chapelle Royale de Versailles où les artistes se produisaient le lendemain – l’optimisme rayonnant de cet étourdissant festival vocal à immanquablement contaminé un public messin qui ne s’y est pas trompé en venant en masse – et en faisant surtout un retentissant triomphe (debout) à l’ensemble de tous ces merveilleux artistes !
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CRITIQUE, concert. METZ, Grande Salle de l’Arsenal, le 21 janvier 2024. MONTEVERDI : Les Vêpres de la Vierge. Choeur de Chambre de Namur / Cappella Mediterranea / Leonardo Garcia Alarcon (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu.
VIDEO : Leonardo Garcia Alarcon dirige (le début) des « Vêpres de la Vierge » à la tête de sa Cappella Mediterranea et du Choeur de Chambre de Namur