Pour son Concert du Nouvel an, le Grand-Théâtre de Genève a choisi non pas le jour J, mais le soir de la Saint-Sylvestre (qui se poursuivait par un dîner de gala sous les ors du Grand Foyer…), et a invité le fameux TOBS (l’Orchestre de l’Opéra de Bienne/Soleure), l’Orchestre de la Suisse Romande se produisant de son côté dans la très chic station alpine de Crans-Montana. C’est son chef principal Yannis Pouspourikas qui le dirige, avec comme guest star, la soprano finlandaise Camilla Nylund venue interpréter les plus célèbres airs et Czardas des opérettes de Franz Lehar et Emmerich Kalman – pour mieux célébrer le passage vers l’an 2025.
Toute la première partie du concert leur est dédié, tandis que la seconde sera exclusivement réservée au Roi de la valse, Johann Strauss II, d’autant que cette nouvelle année marque le 200ème anniversaire de sa naissance. Et quoi de plus indiqué en effet – pour fêter l’entrée dans le deuxième quart du 21ème siècle – que les airs charmants et entêtants, élégants et inoxydables d’une Vienne légendaire ? À Genève, Camilla Nylund avait marqué les esprits dans Rusalka. Partout dans le monde entier, la soprano est à son aise chez Richard Strauss et Richard Wagner, mais elle excelle aussi à chanter la magie de la tradition autrichienne : n’a-t-elle pas été nommée « Kammersängerin » à l’Opéra de Vienne en 2019 ? Un couronnement mérité pour la soprano dramatique qui fait un sort, avec une voix plus charnue et puissante que de coutume dans ce répertoire, aux airs d’Emmerich Kalman (“Heai, Heai in der Bergen” extrait de “Die Csardasfürstin”, et “Höre ich Zigeunergeigen” tiré de “Gräfin Mariza”), ainsi qu’ à ceux du non moins célèbre Franz Léhar (“Einer Wird Kommen” extrait de “Der Zarewitsch” ou encore le fameux “Meine Lippen” tiré de sa “Giuditta”). Elle y offre sa voix mordorée et chaude, avec des aigus aussi assurés que puissants, et ce “chien” dont ce répertoire ne saurait faire l’économie. Les pièces chantées sont entrecoupées par des valses d’auteurs méconnus tels que Joseph Hellmesberger II ou du suisse Julien-François Zbinden.
En seconde partie de soirée, place aux valses de Johann Strauss II, dont on entend les principaux tubes, du Beau Danube bleu à Sang viennois, de l’Ouverture de La Chauve-Souris à la Tik Tak Polka… A la tête de sa phalange suisse allemande, le chef d’origine grecque Yannis Pouspourikas offre à toutes ces valses et épisodes symphoniques de Strauss fils, cet esprit léger et ce caractère spécifique entre abandon et allusion, suggestion et subtilité, qu’appelle cette musique. C’est bien évidemment, et comme de coutume, Le Beau Danube bleu qui clôt la soirée. Le chef en amorce les premières mesures pianissimo, puis en livre une lecture efficace et nerveuse, dans plus pure tradition viennoise. Mais la véritable interaction avec le public se réalise ensuite dans la célébrissime Marche de Radetski, de Strauss père, qui permet au public de frapper dans ses mains simultanément aux reprises de l’orchestre… clôturant le concert de la plus festive des façons !
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CRITIQUE, concert. GENEVE. Concert du Nouvel An, Grand-Théâtre, le 31 décembre 2024. Camilla Nylund (soprano), TOBS, Yannis Pouspourikas (direction). Toutes les photos (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Camilla Nylund chante « Vilja » extrait de La Veuve joyeuse de Franz Léhar