La petite église de Collioure qui nécessite de vastes travaux de restauration est partenaire du Festival de Prades et cette collaboration rappelle combien Pablo Casals a œuvré dans toute la Catalogne non seulement comme musicien mais également comme homme bon et généreux. Le concert de ce soir est placé sous le sceau du charme et de la musicalité la plus délicate qui soit. Julien Martineau sur sa mandoline est un véritable magicien, nous le savons ; chaque concert, chaque enregistrement le prouve. Avec un complice particulièrement accordé ce soir, le guitariste Philippe Mouratoglou, il forme un accord parfait. Les deux amis offrent un véritable festival de beauté musicale dans une véritable recherche commune. Avec une grande simplicité et une écoute mutuelle totale la guitare et la mandoline en véritables sœurs d’âmes, mêlent leurs sonorités fraîches ou mélancoliques afin de créer un univers musical des plus subtils.
Julien Martineau, Philippe Mouratoglou
mandoline / guitare : un duo enchanteur
La pièce maîtresse du concert est cette inénarrable « histoire du Tango » d’Astor Piazzola. Les deux musiciens en offrent une version absolument virtuose et pleine de rythmes fous comme d’envolées lyriques. C’est véritablement grisant cette alliance de virtuosité la plus assumée, de chaloupé subtil et de musicalité chantante. De manière élégante et sympathique le virtuose de la mandoline nous offre des moments absolument incroyables dans des pièces de Paganini et Calace. Ces deux compositeurs étaient de fins mandolinistes et ont écrit des pages virtuoses et pleines de charme. Julien Martineau chante avec le charme d’un ténor italien et ce légato avec un instrument si peu capable de garder un son tient du miracle. La beauté du son est également incroyable. A la guitare Philippe Mouratoglou est un musicien sensible et virtuose qui dialogue toujours avec son partenaire. Ses sonorités très épurées, sont claires, lumineuses ; il est capable d’ombres quand il le faut. Sa vivacité rythmique dans Piazzolla est remarquable.
Dans l’église, il règne une chaleur éprouvante ; toutefois la beauté sonore, la fraicheur de l’interprétation, tout semblant toujours facile, restent un enchantement pour le public. Le concert étant affiché complet, une très discrète sonorisation aidait les spectateurs jusqu’au fond de l’église.
La finesse et la musicalité des deux artistes, l’intelligence de leur programme, tout a été un enchantement. Les applaudissements ont été généreux et deux bis ont prolongé ce bonheur partagé. D’abord un pot-pourri des musiques de Nino Rota dont un air du Parrain, délicieusement mélancolique ; puis en hommage à Pablo Casals, le chant des oiseaux dans la version peut être la plus aérienne du répertoire ; la délicatesse des deux musiciens évoquant clairement la gente ailée. Voilà du grand art et la preuve que la belle mélodie immortelle de Casals peut toujours nous mettre la larme à l’œil du moment que les musiciens l’interprètent avec leur cœur.
Il est incroyable d’entendre ainsi comme la mandoline et la guitare sont amies et peuvent offrir sous des doigts si habiles, tant de musique et de chant.
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CRITIQUE, concert. Festival de Prades, Église de Collioure, le 30 juillet 2023. Astor Piazzolla (1921-1992) : Histoire du Tango en quatre parties ; Nicolo Paganini (1782-1840) : Cantabile MS 109, Sonata per Rovene, Romanza, Serenata ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Adagio ma non troppo ; Raffaele Calace (1863-1934) : Mazurka VI op. 141, Saltarello op.79 ; Carlo Munier (1859-1911) : Capriccio spagnolo ; Philippe Mouratoglou, guitare ; Julien Martineau, mandoline. Photo : DR