lundi 9 décembre 2024

CRITIQUE CD événement. MINIMALIST : Glass, Nehring, Górecki, Holt, Kancheli, Pärt, Kilar. SZYMON NEHRING, piano. Polish Radio Orchestra. Michal Klauza, direction (1 cd IBS classical)

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Le jeu très investi du pianiste polonais Szymon NEHRING (né en 1995) s’affirme ici dans un programme particulièrement bien construit qui sait habilement mesurer les tensions et les détentes, dans un crépitement rythmiquement maîtrisé, entre fougue et précision (superbe Étude n°4 de Philip Glass, jouée en ouverture), à laquelle succède sa propre composition « Bridge », qui semble faire la synthèse du Glass initial et prépare idéalement au premier mouvement du Concerto de Górecki

 

l’énergie impérieuse de ce dernier, joue la répétition d’une série harmonique, dense, profuse, au caractère obsessionnel, soudain, résolue, libérée par la joie insouciante du second (« vivace marcantissimo »), une indication que suivent avec caractère et facétie, pianiste et orchestre (le Polish Radio Orchestra, sous la direction de Michal Klauza). Les interprètes en expriment le délire mécanique lié à la répétition obstinée, retirant toute idée de respiration ou de geste, dans une série là encore d’accords millimétrés d’une impeccable coupe. On retrouve cette même construction dans le Concerto ultime signé Wojciech Kilar. Beau contraste avec le Canto ostinato de Simeon Ten Holt dont la chanson rompt la tension et tel principe répétitif strict qui a prévalu dans les 3 précédentes séquences. Mais ici la répétition sait varier et changer à chaque reprise sa carrure rythmique en laissant librement respirer l’idée de la variation finale.

 

D’une immatérialité flottante, Valse Boston de Kancheli explore un monde tout à l’opposé de ce qui a précédé ; autant Glass et Gorecki inscrivent la trace musicale dans une urgence de l’instant que renforce l’idée de répétition qu’elle soit obsessionnelle ou heureuse (Holt), autant Kancheli évoque, suggère, brosse en demi teinte des surgissements furtifs qui vont crescendo comme la construction progressive d’un souvenir, … lequel qui affirme très vite sa propre urgence. Précis, évocateur, le pianiste fusionne avec l’énergie de l’orchestre, dans la fureur, le cri ou… le mystère. Chez Arvo Pärt, le jeu solo du pianiste,- dans la série égrenée, répétée (Variations Arinushka), n’assène en rien, mais convoque l’imaginaire, la divagation suspendue, jouant sur la résonance que suscite chaque hauteur de son, faisant émerger le chant de l’intime. Le pendant final de ce premier tabelau, « Für Anna Maria » dans son épure recomposée, superbement équilibrée, atteint la sobriété signifiante des airs les plus dépouillés de JS Bach. Le moins peut le plus : minimalisme mais puissance de l’essentiel. La pièce très courte, aussi badine et faussement légère, rentre exactement dans la thématique du cd.

 

Enfin le pianiste polonais conclut ce récital avec orchestre, en jouant le Concerto de son compatriote Wojciech Kilar : l’andante con moto, répétitif, dense, hypnotique produit un état de suspension, que reprend aussi le mouvement central (Corale), plus épuré encore, où les cordes à la fois unies et denses, répondent au piano dans une série de tutti opulents, comme embrasés exprimant l’épiphanie d’un moment de révélation.
Le parcours de ce programme est orignal, puissant, personnel ; il dévoile la pensée d’un jeune interprète que le thème de la répétition épurée, inspire, en complicité avec l’orchestre, en particulier, conclusion plus recueillie qu’exclamative, dans l’ultime mouvement du Concerto de Kilar, dont le pianiste se fait guide d’une succession de visions hallucinées, particulièrement intenses voire frénétique (Toccata), dont la finalité martèle le triomphe là encore du principe de répétition, dans une rythmique débridée (qui pour le coup ne suit pas le sens d’un dépouillement sonore, bien au contraire) : le dernier tutti met fin à une transe portée par tout l’orchestre, incandescent et trépidant. Belle révélation.

 

 

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CRITIQUE CD événement. MINIMALIST : GLass, Hehring, Górecki, Holt,Kancheli, Pärt, Kilar. SZYMON NEHRING, piano. Polish Radio Orchestra. Michal Klauza, direction (1 cd IBS classical) enregistré en janvier et février 2024 – durée : 1h19 mn. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2024.

 

 

 

 

 

LIRE aussi notre présentation du concert de Szymon Nehring à la Seine musicale, sam 23 nov 2024 : Brahms, Concerto pour piano n°1 (Marzena Diakun, direction) : https://www.classiquenews.com/la-seine-musicale-sam-23-nov-2024-szymon-nehring-piano-brahms-concerto-pour-piano-n1-symphonie-n4-orchestre-pasdeloup-marzena-diakun-direction/

 

LA SEINE MUSICALE, Sam 23 nov 2024. SZYMON NEHRING, piano. BRAHMS : Concerto pour piano n°1. / Symphonie n°4. Orchestre Pasdeloup, Marzena Diakun (direction)

 

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