L’Orchestre Pasdeloup plonge dans le romantisme trouble et ambivalent de Brahms, entre tourments passionnés et tendresse enivrée. Szymon Nehring au piano et Marzena Diakun à la direction, abordent d’abord le premier Concerto pour piano, splendide portail concertant dont la puissance le dispute à la subtilité des sentiments les plus tenus.
Le pianiste polonais SZYMON NEHRING né à Cracovie en 1995, a remporté le Premier Prix de la Arthur Rubinstein International Piano Competition de Tel Aviv (2017). Il a également été finaliste au Concours Chopin de Varsovie [à 19 ans]. Puis Orchestre et cheffe aborderont la profondeur de la Symphonie n° 4 de Brahms ; la partition immerge d’autant plus dans la forge émotionnelle qu’il signe alors en 1885, son ultime cathédrale symphonique. Ce programme dresse un tableau riche en sentiments nostalgiques, très probablement autobiographiques. CD – En novembre 2024, le jeune pianiste polonais fait paraître son dernier enregistrement « MINIMALIST » / « Is less more ? » : au programme, plusieurs compositeurs du XXème siècle dont Philip Glass, Gorecki, Holt, Pärt, Giya Kancheli (Valse Boston pour piano et cordes) ; son compatriote Wojciech Kilar (Concerto pour piano et orchestre de 1997) et aussi une composition de son cru, « Bridge« … Avec le Polish Radio Orchestra in Warsaw, Michal Klauza (direction) – 1 cd IBS Classical
Photo Szymon Nehring © Bruno Fidrych
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BOULOGNE BILLANCOURT
LA SEINE MUSICALE – Samedi 23 novembre 2024, 16h
BRAHMS : Concerto pour piano n°1 – Szymon NEHRING, piano
Symphonie n°4
INFOS & RESERVATIONS :
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Distribution
Orchestre Pasdeloup
Marzena Diakun, direction
Szymon Nehring, piano
Photo Szymon Nehring © Bruno Fidrych
Programme
Johannes Brahms
Concerto pour piano n° 1 – 44’
Symphonie n° 4 – 39’
Photo Szymon Nehring © Bruno Fidrych
Enjeux et défis du Concerto pour piano n°1 de Brahms
La partition fusionne colossal symphonique et chant impétueux mais hypersensible du clavier ; Brahms y coule une lave riche en sédiments et caractères inestimables, ceux intérieurs et éloquents d’une expérience musicale parmi les plus impressionnantes aujourd’hui; il faut un jeu rond, clair, souverain, d’une absolue simplicité jouant la carte de la subtilité intérieure moins de la puissance virtuose… Surtout si l’Orchestre sait être élégant et suave, clairement hédoniste et magistralement ciselé… C’est pourquoi tous les grands chefs et les pianistes ambitieux se frottent tôt ou tard au massif brahmsien.
Le premier mouvement est le plus développé affichant un souffle épique, inscrivant d’emblée le chant du piano dans ce symphonisme rhapsodique, au souffle colossal et souvent vertigineux, dont chaque vague convoque le destin: coloration tragique et aussi épisodes si tendres (dessinés avec quelle finesse instrumentale) font une alliance parfaitement exprimée sans épaisseur, sans enflures ni déformation d’aucune sorte. La tentation du spectaculaire et du grandiloquent est toujours tenace (à l’origine la partition devait être une symphonie selon les plans de Brahms en 1854, qui avait aussi pensé à une Sonate pour 2 pianos… ). Le climat qui ouvre le II [Adagio] est d’une finesse toute brahmsienne, entre sérénité et pudeur, si proche de la ferveur d’Un Requiem Allemand.
Le pianiste SZYMON NEHRING saura-t-il répondre aux attentes, face à une partition aussi flamboyante qu’introspective… ? Qu’avant lui ont superbement sublimé Nelson Freire ou Maurizio Pollini entre autres, et plus récemment le si subtil Asam Laloum…
SYMPHONIE N°4 en mi mineur opus 98
Brahms dirige la création à Meiningen, le 25 octobre 1885. La chronologie est simple : Brahms compose en 1884, les deux premiers mouvements, et en 1885, les deux derniers. Le climat en est contrasté, même si l’on parle à son égard de teintes automnales, chaleureuses, crépusculaires. Sous un lyrisme engagé, Brahms exprime aussi le sentiment de profonde solitude, voire d’aspérité et de rudesse. C’est pourtant sur le plan de la forme, l’une des partitions les plus explicitement classiques, en particulier pour son mouvement final en forme de Chaconne (comme les opéras français baroques). Les premier et deuxième mouvements sont nettement inspirés par Dvorak, rencontré en 1878. En maints endroits, la Quatrième de Brahms annonce les accents de la Symphonie du « Nouveau Monde » du musicien Tchèque.
PLAN. Allegro non troppo. Les cordes portent la houle d’une vague haletante, entre héroïsme et intériorité. Le final très développé confirme le climat de grandeur libre mais sombre. Andante Moderato: son début distribué aux cors et aux bois annoncent directement le Concerto pour violoncelle de Dvorak. Marche, cantilène (violoncelles puis violons), la richesse des épisodes créée un surenchère poétique captivante. Allegro giocoso: exception dans toute l’oeuvre symphonique de Brahms, voici un troisième mouvement qui s’apparente au scherzo traditionnel, légué par Beethoven. Joie, frénésie marquée, entêtement même mais aussi indication dynamique oblige, lyrisme gracieux (violons). Les racines populaires du compositeur y paraissent sans masque avec une franche énergie. Amoureux des développements et des variations, Brahms dévoile une maîtrise formelle absolue dans l’Allegro energico e passionato. Le compositeur reprend le thème d’une cantate de Bach (huit mesures légèrement modifiées de la BWV150), afin d’édifier une construction encore supérieure à ses Variations sur un thème de Haydn (1873). Pas moins de 35 variations qui en découlent s’enchaînent sans impression artificielle. Du grand art. L’arche ainsi élaborée a fondé durablement l’estime et le succès réservée à la Quatrième Symphonie. C’est aussi une reconnaissance légitime de son immense génie symphonique.
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