CRITIQUE, CD événement. HANS ROTT : Symph n°1 – Bamberger Symphoniker – Jakub Hrůša (Deutsche Grammophon). La figure de HANS ROTT (1858–1884) proche de Bruckner et de Mahler, dépressif et mort à.. 25 ans (!), reste une légende inclassable ; l’âge et un destin fauché empêcheraient une estimation objective ? ; du fait de sa seule symphonie, en l’absence d’un corpus symphonique qui promettait bien d’autres développements, le compositeur disparu trop tôt est banni d’une estimation à la mesur de son talent réel : dans bien des cas, Rott est taxé de suiveur inabouti entre les deux compositeurs précités ; or sa Première Symphonie (composée en 1880 – découverte en 1989) démontre tout l’inverse ; l’activité maîtrisée d’une puissante créativité douée d’un profondeur manifeste ; c’est toute l’approche de Hrusa que de révéler le génie de Rott, dans son originalité spécifique : la puissance de Bruckner dont l’aspérité entre blocs serait polie, résolue par une texture enveloppante à la fois wagnérienne (et brahmsienne), sans omettre une énergie franche souvent enivrée à la Mahler.
Somptueuse éloquence des Bamberger Sinfoniker
HANS ROTT
génie oublié, brucknérien, prémalhérien
mort à 25 ans
L’écriture classique et postromantique de Rott s’accomplit ici dès le premier mouvement qui sonne comme un finale d’une majesté éperdue, solennelle, mais transparente et vive grâce à a finesse de son du Bamberger Symphoniker et le souci de clarté détaillée du chef Jakub Hrusa. Capté à Bamberg, Salle Joseph Keilberth en sept et oct 2021, l’enregistrement rétablit avec une belle acuité, un son oxygéné, des timbres spécifiquement restitués, l’imagination ardente d’un Rott que l’on sent très connaisseur de … Wagner. Et sa maîtrise des cuivres cite aussi Bruckner. L’inspiration va croissante à mesure du développement : chacun des 4 mouvements s’allongeant en durer comparé au précédent.
Alors qu’il approfondit sa connaissance de la 4è de Bruckner dont il prépare la réalisation pour un concert (2018), Jakub Hrusa découvre alors parmi les admirateurs et élèves de Bruckner, Hans Rott ; ce génie oublié, mésestimé, ressuscite ici dans le premier mouvement, condensé assumé de Wagner et Bruckner dont le sens de la texture exprime la volonté de faire sonner l’orchestre dans tous les registres avec une idée très précise de la sonorité. La Symphonie n°1 impose un maître orchestrateur et un symphoniste accompli dont le sens de l’équilibre structurel reste manifeste (d’où ce goût dans chaque épisode pour d’amples portiques conciliant majesté et hédonisme sonore).
Hrusa veille et à la beauté plastique de la texture et l’allant dramatique du développement (séquences subtilement contrastées du 2è mouvement : Sehr langsam) ; soulignant sans enflure ni pathos, la couleur sombre en liaison avec une existence « particulièrement malheureuse » où l’exploration dans la composition est comme Bruckner (et plus tard Mahler), un dérivatif salvateur, un accomplissement cathartique, une transcendance apte à tout surmonter de l’existence terrestre.
Le Scherzo dans ses battues syncopées, son panache enivré proche de la parodie est le plus mahlérien (expliquant que les premiers auditeurs de la symphonie en attribuèrent la paternité à Gustav lui-même) – la musicologie respectueuse de la chronologie a depuis démontré que la symphonie n°1 de Mahler et quelques suivantes, s’inspirèrent étroitement de l’opus de Rott. Une source qu’il est légitime comme ici de réhabiliter définitivement.
Belle idée de contextualiser l’écriture de Rott en la rapprochant de ses deux figures tutélaires, Bruckner (Prélude symphonique qui est un condensé de la forge brucknérienne, plutôt fatale et densément wagnérienne) et Mahler (« Blumine »: version originale pour la Symph n°1) – autant dans Bruckner que dans Mahler, chef et instrumentistes de Bamberg maîtrisent la clarté voluptueuse des étagements, entre bois et cuivres, scintillement des cordes, ivresse des vents… ; terribilità spectaculaire et rugissements du dragon chez Bruckner ; rêve nocturne aux cuivres amples, profonds, souples et idéalement rêveurs chez Mahler… Du bien bel ouvrage servant idéalement le grand bain symphonique germanique postromantique. Hans Rott est parfaitement réévalué à la lumière de cet enregistrement plutôt convaincant.
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CRITIQUE CD, événement. Hans ROTT : Symph N°1 – Bamberger Symphoniker, Jakub Hrůša (1 cd Deutsche Grammophon – CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2022
Tracklist:
HANS ROTT (1858–1884)
Symphony No. 1 in E major
1. I Alla breve
2. II Sehr langsam
3. III Scherzo. Frisch und lebhaft – Trio
4. IV Sehr langsam – Die Halben wie die früheren Viertel. Belebt – Noch ein wenig belebter. Fuge – Tempo der Einleitung, die Viertel wie die früheren Halben
GUSTAV MAHLER (1860–1911)
5. Andante allegretto ‘Blumine’
ANTON BRUCKNER (1824–1896)
6. Symphonic Prelude in C minor
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