
Barbier de Séville historique
Sir Roger Norrington est l’une des figures emblématiques du mouvement historiquement informé (méthode HIP pour « Historically informed performance » ou pratique historiquement informée), où chaque interprétation est précédée d’une recherche organologique et musicologique particulièrement poussée. C’est l’un des génies qui ont osé s’éloigner des standards post-romantiques de performance musicale au 20e siècle. Non seulement par l’utilisation des instruments d’époque, optionnelle, mais notamment par la façon de jouer la musique, même avec instruments modernes. La notion de style et de jeu sont donc au cœur d’une recherche captivante. En ce qui concerne la musique du 18e siècle et avant, la pratique est logique et cohérente. Mais il s’attaque également au répertoire du 19e et l’effet est, pour dire le moindre, rafraîchissant! Le vibrato excessif cède la place aux timbres contrastés et à une certaine clarté contrapuntique. Dans ce sens l’Orchestre de chambre de Paris se montre plus brillant que jamais, plein de gaîté et d’esprit, souvent spectaculaire, excellent toujours! Les vents souvent vedettes, sont suprêmes dans de l’orage au deuxième acte comme ils sont gracieux et vifs accompagnant le chant. Comme d’habitude, les musiciens sont fortement investis et leur enthousiasme est évident et … contagieux.
De même pour les chanteurs, très engagés et engageants malgré l’absence de mise en scène. Tous les rôles sont interprétés avec coeur. Roberto de Candia incarne Figaro avec panache. Il gère les acrobaties vocales peu fréquentes pour un baryton avec aisance et charisme. Il est toujours très présent et se projette brillamment en solo et dans les ensembles. Il n’éclipse pourtant pas le Comte de Cyrille Dubois (excellent Ferrando à Saint-Étienne), à la fois noble et drôle, ma non troppo. Si le public offre les plus chaleureux applaudissements pour leurs interventions, celle qui crée une plus grande excitation est sans doute la Rosina de la jeune soprano Julia Lezhneva. Quant elle chante « Una voce poco fa » au premier acte l’audience a du mal à arrêter les applaudissement. Ses aigus stratosphériques et insolents sont spectaculaires : ils inspirent la fureur d’un public très impressionné. Nous apprécions ses ornements réussis et la maîtrise incontestable qu’elle a de son instrument virtuose. C’est une voix puissante et pleine de caractère, qui se montre superbe technicienne. Cependant nous sommes de l’avis qu’elle peine à trouver un équilibre entre force et légèreté, et sa performance paraît plus démonstrative et concertante que sincère. Faute minuscule qu’elle améliorera sans doute avec l’expérience, et qui passe au second plan tant l’agilité de son instrument reste indiscutable.
Carlo Lepore et Giorgio Giuseppini interprètent Bartolo et Basilio respectivement. Ils sont tous les deux très présents, particulièrement le dernier : la voix et la prestance, magnifiques dans son air de la calomnie demeure mémorable. Une mention également pour la superbe Berta de Sophie Pondjiclis pétillante, très présente, démontrant qu’il n’y a pas de petits rôles mais de … petits chanteurs. Le choeur du Théâtre des Champs Elysées est de même investi et d’une grande vivacité. Nous rejoignons au final le public pour la formidable et brillante coproduction, à la fois historique et innovante sous la baguette du pétillant Sir Roger.
Illustration : Sir Roger Norrington (DR)