Compte rendu : la nouvelle Tosca de l’Opéra Bastille. Tosca, l’opéra de l’opéra et une des pièces les plus aimées du public mélomane du siècle précédent, et peut-être là-encore, revient à l’Opéra National de Paris après seulement deux ans d’absence dans une nouvelle production signée Pierre Audi. Une des œuvres les plus populaires du répertoire lyrique, le rôle-titre d’une diva d’opéra a été notamment immortalisé par Maria Callas, et jusqu’à il y a peu de temps revigoré par Angela Gheorghiu. L’histoire adaptée de la pièce de théâtre de Sardou « La Tosca » (1887), aborde l’amour du peintre Cavaradossi pour la soprano vedette Floria Tosca, dont le Baron Scarpia, chef de la police, est très fortement et morbidement épris, ceci dans le contexte de la Rome catholique et crispée par l’avancée de Napoléon.
Nouvelle Tosca où personne ne tremble, jamais
Aux antipodes du lyrisme sentimental et intimiste de La Bohème, Puccini fait avec Tosca une incursion dans le vérisme musical, avec une insistance sur les détails réalistes, une recherche d’effets théâtraux marqués, une exagération des aspects cruels et glauques. Il s’approche aussi d’une certaine manière du ton héroïque et tragique du grand-opéra avec sa puissance dramatique incontestable. Dans ce sens, l’orchestre maison sous la baguette attentive de Daniel Oren, ne déçoit pas vraiment. Certes, on pourrait toujours vouloir, avec raison, davantage de nuances, surtout en rapport avec chaque profil si diversement caractérisé du trio des protagonistes. Mais l’orchestre de Puccini évite la sophistication, malgré son usage, modeste, de quelque procédés thématiques « wagnériens ». Au final, les instrumentistes dirigés par Oren accompagnent les personnages dans leurs péripéties avec caractère, ma non troppo ! Distinguons particulièrement les vents, excellents.
Le trio de vedettes est composé de Martina Serafin, Marcelo Alvarez et Ludovic Tézier, dans les rôles de Tosca, Caravadossi et Scarpia (ce dernier est annoncé souffrant au début de la représentation mais se présente quand-même, pour notre grande bonheur). En peintre amoureux, Marcllo Alvarez interprète les tubes telles que Recondita armonia au premier acte ou encore E lucevan le stelle au dernier avec un timbre à l’allure particulièrement jeune et alléchante, mais avec quelques soucis techniques qui nous ont laissé perplexes. La Tosca bellissima de « La Serafin », arrive à toucher les âmes et donner des frissons par la force de la voix, surtout, pendant la célèbre prièr : Vissi d’arte au deuxième acte. Enfin Ludovic Tézier pourtant souffrant campe une performance exemplaire, avec l’ampleur vocale et la prestance qui lui sont propres. Son chant est souvent angoissant mais jamais caricatural ou ouvertement grotesque. Au contraire, c’est le vilain le plus digne qu’on ait pu voir dernièrement.
Et pourtant le drame vocalement si brûlant devient … tristement tiède par la mise en scène spartiate et de surcroît pragmatique de Pierre Audi. Visuellement imposante (les décors de Christof Hetzer y contribuent nettement, surtout la croix noire géante polyvalente, omniprésente et mobile), le travail d’acteur se fait remarquer par l’absence d’intention. Ce qui suscite par conséquent la monotonie gestuelle trop affectée des chanteurs, comme s’ils se demandaient peut-être comment les créateurs ont interprété les rôles à la première mondiale plutôt décriée en 1900. S’ajoutent et s’enchaînent donc gestes et postures les plus mélodramatiques et les plus tristement clichées. Sans une conception théâtrale développée, chose fondamentale pour Puccini, cette Tosca si bien réalisée d’un point de vue plastique refroidit tout enthousiasme. Le deuxième acte est en principe le moment fort de la partition ; l’image de la diva meurtrière déclamant devant le cadavre de Scarpia qui faisait trembler tout Rome, a marqué la conscience collective dès la création. Or, dans cette douce soirée d’automne, devant cette nouvelle production si jolie, personne ne tremble à l’opéra. En dépit du te Deum impressionnant et rugissant qui convoque de façon spectaculaire toute la Sainte hiérarchie de l’église, vraie réussite visuelle, la réalisation scénographique de cette nouvelle Tosca à Paris nous laisse réservés. Vocalement, la production reste convaincante.
Encore à l’affiche à l’Opéra Bastille les 13, 16, 19, 22, 24, 26, 27 et 29 octobre ainsi que les 1er, 4, 8, 10, 12, 13, 15, 17, 21, 25 et 28 novembre 2014.
Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 10 octobre 2014. Puccini : Tosca. Martina Serafin, Marcelo Alvarez, Ludovic Tézier… Orchestre et chœurs de l’Opéra National de Paris. Daniel Oren, direction. Pierre Audi, mise en scène.
Illustration : © C.Duprat 2014 – Opéra national de Paris