vendredi 19 avril 2024

Compte rendu, opéra. Nancy. Opéra National de Lorraine, le 26 juin 2016. Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor. Erin Morley, Rame Lahaj, Jean-François Lapointe, Jean Teitgen. Corrado Rovaris, direction musicale. Jean-Louis Martinelli, mise en scène

A lire aussi

C’est avec le retour du chef d’œuvre gothique de Gaetano Donizetti, absent de l’affiche depuis plus de quatre décennies, que l’Opéra National de Lorraine referme sa saison 2016-2017.  Au rideau final, c’est un véritable triomphe, les bravi fusant, lancés par des spectateurs heureux de retrouver cet opéra dont ils avaient été trop longtemps privés et qu’ils attendaient avec impatience.

 

 

La Folie de retour à Nancy

 

lucia-di-lammermoor-opera-de-lorraine-compte-rendu-critique-spectacle-opera-concerts-CLASSIQUENEWS-thumbnail_Lucia-di-Lammermoor-22-@-Opéra-national-de-Lorraine

 

 

Passons rapidement sur la nouvelle production imaginée par Jean-Louis Martinelli, qui se fait rapidement oublier par son anonymat, plateau nu délimité par des murs ainsi qu’une cloison qui s’ouvre sur quelques vidéos – certes superbes – d’une mer charriant un cheval d’écume, les même eaux se teintant funestement de rouge à l’annonce de la mort de l’héroïne. Si la transposition dans les années 60 apparaît gratuite et jamais réellement justifiée, cette scénographie conserve néanmoins le mérite de ne jamais entraver la liberté du chant, et s’il y a bien un ouvrage où la voix et ses mélismes demeurent l’essence même du drame, c’est celui-ci.

Si le chœur, souvent statique, manque de flamme, l’orchestre nancéen donne le meilleur de lui-même, sous la direction efficace mais parfois un peu pesante de Corrado Rovaris, le chef conservant – et on l’en remercie – la scène de Wolf Craig opposant les deux ennemis, un moment d’une excitante tension dramatique.

Le plateau, très homogène, rend parfaitement justice à la partition. Aux côtés du Normanno insidieux d’Emanuele Giannino et de l’Alisa à la présence rassurante de Valeria Tornatore, Christophe Berry offre d’Arturo un portrait presque sympathique, inconscient du drame qui l’attend, et délivre une très belle prestation vocale.

Belle idée d’avoir confié l’ambigu Raimondo à la voix noire et rocailleuse de Jean Teitgen, l’une des plus belles basses françaises du moment. Le style demeure de bout en bout impeccable, la puissance de l’instrument remplit sans effort la salle et son grain particulier révèle un personnage plus complexe qu’il n’y parait, à la fois sincère dans sa tendresse pour la fragile Lucia et ferme dans ses intentions de prêter main-forte à son frère.

Un Enrico inflexible et mordant, superbement incarné par un Jean-François Lapointe aux aigus toujours plus impressionnants, d’une projection exceptionnelle qui n’a d’égale que la facilité avec laquelle ils paraissent émis. Le bas de la tessiture n’a pas toujours cette arrogance, mais le baryton québécois se donne sans compter et sa performance est à saluer.

Magnifique également, l’Edgardo enfiévré du ténor kosovar Rame Lahaj. Malgré une petite baisse de tension durant son premier duo avec Lucia, il peint un portrait bouleversant du jeune amoureux grâce à son engagement scénique d’une évidente justesse et aux couleurs sombres de son timbre, pourtant toujours superbement timbré. Sa scène finale restera durablement dans les mémoires par sa tendresse infinie et le désespoir si sincère qui achève sa prestation, douleur qu’éclaire l’espoir des retrouvailles dans les cieux.

Prise de rôle importante pour la soprano américaine Erin Morley, et étape essentielle dans une carrière de soprano que la première rencontre avec Lucia. Un défi relevé avec brio, bien que ce rôle demeure, selon nous, et pour l’instant du moins, la limite du répertoire que peut aborder sans dommages la jeune cantatrice. Si le timbre charme par sa vibration délicate et le suraigu se déploie avec une déconcertante facilité, le médium apparaît encore un rien ténu, et le grave sonne peu, voire disparaît dès que l’orchestre donne de la puissance ; voilà pour les réserves. Qui se révèlent bien vite balayées par l’interprétation profondément personnelle que donne à entendre la chanteuse. Dès les premières phrases, on est touchés par la justesse des mots et des accents, plus encore par la variété de couleurs que cette voix pourtant d’essence légère peut se permettre. Et on se surprend tout au long de la soirée à être touchés au cœur, ici par un accent vrai, là par un pianissimo plein de douleur contenue, autant de détails qui forment une appropriation de cette musique.

La scène de la folie demeure à cet égard un grand moment : adamantine, suspendue, ponctuée par des silences pleinement habités, les sonorités cristallines créées par la musicienne trouvant leur écho parfait dans celles, irréelles, de l’harmonica de verre, instrument véritablement indispensable à cette atmosphère.

 

 

Nancy. Opéra National de Lorraine, 26 juin 2016. Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor. Livret de Salvatore Cammarano d’après Walter Scott. Avec Lucia : Erin Morley ; Edgardo : Rame Lahaj ; Enrico : Jean-François Lapointe ; Raimondo : Jean Teitgen ; Arturo : Christophe Berry ; Alisa : Valeria Tornatore ; Normanno : Emanuele Giannino. Chœur de l’Opéra National de Lorraine. Chef de chœur : Merion Powell. Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy.  Direction musicale : Corrado Rovaris. Mise en scène : Jean-Louis Martinelli ; Décors : Gilles Taschet ; Costumes : Patrick Dutertre ; Lumières : Jean-Marc Skatchko ; Vidéo : Hélène Guetary.

 

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img