COMPTE-RENDU, opéra. BEAUNE, le 27 juillet 2019. PURCELL, The fairy Queen, Z629. Keith, Cale, Shaw, Budd, Daniels, Way, Farnsworth, Riches, Paul McCreesh. Est-il direction et interprètes plus familiers de l’œuvre de Purcell que ceux qui nous sont offerts ce soir ? La musique, mais aussi le texte shakespearien, même revu par Dryden, sont dans leurs gênes. De la pièce n’ont été retenues que les parties musicales, comme c’est presque toujours le cas. Il en résulte, naturellement, une difficulté de compréhension pour qui n’est pas familier du Songe d’une nuit d’été, d’autant que l’action se situe à plusieurs niveaux. Mais ces petits écueils sont vite dépassés lorsque l’auditeur-spectateur se laisse porter par l’œuvre, magnifiquement traduite par les interprètes. L’extrême diversité des moyens, des couleurs, des situations dramatiques, des climats, des formes ne laisse aucun répit : jamais l’attention ne fléchit.
La météo, défavorable, comme la veille, a replié la production de la Cour des Hospices à la Basilique. L’espace dévolu aux interprètes y est plus réduit, mais sera suffisant pour que les comédiens-chanteurs évoluent avec aisance pour chacune des scènes. Le travail collectif est ici fondé sur la joie manifeste de chanter et de jouer ensemble, et la réussite est absolue. Les metteurs en scène les plus renommés ne dirigent pas leurs acteurs avec davantage de soin et de naturel. Tout est juste et parfait. Qu’il s’agisse des scènes où l’émotion nous étreint, comme celles les plus débridées, la réalisation n’appelle que des éloges. Ainsi, lorsque le Poète, ivre, truculent, titube en chantant « Fi-fi-fi-fill the bowl ! » avant d’être raillé par les Fées qui le pincent jusqu’à ce qu’il reconnaisse son ivresse et sa médiocrité. Ainsi, au 3ème acte, lorsque Corydon, le faneur, poursuit Mopsa de ses assiduités, cette dernière chantée par un ténor coiffé d’une perruque sortie tout droit de l’Oktoberfest bavaroise. Nous sommes bien chez Shakespeare, et la comédie n’est jamais outrée, restant dans le registre de la drôlerie, qui fait bon ménage avec l’émotion.
Le chef et les chanteurs font l’économie de la partition. Leur aisance est d’autant plus grande. Les instrumentistes, en dehors des cordes pincées, jouent debout, le geste libre, épanoui. Tout cela retentit manifestement dans la dynamique insufflée par Paul McCreesh. Sa direction souriante, toute en finesse, tonique, légère et éloquente donne à cette musique une vitalité, une énergie, une fraîcheur, une sensibilité que l’on rencontre rarement.
D’une invention inépuisable, la partition distille de nombreuses merveilles, qu’il serait long d’énumérer. Au risque de se montrer injuste, citons le trio avec écho – repris instrumentalement – chanté par deux ténors et une basse, et joué, mieux que jamais (« May the God of wit inspire »). Après réécoute des enregistrements de référence, on peut même affirmer que jamais cette pièce n’a été illustrée avec un tel naturel, une élégance aussi manifeste. « One charming night », avec ses deux flûtes et la basse continue, « Next winter comes » (L’Hiver), sur basse obstinée, la plainte en ré mineur « O let me weep », elle aussi sur une basse obstinée chromatique descendante, qui rappelle celle de Didon et Enée, « Hark ! the echoing air a trimph sings », chanté par la Chinoise … 21 instrumentistes et 10 chanteurs suffisent à réaliser le miracle : tout est là, les couleurs des vents (flûtes à bec, hautbois, basson, trompettes), la moire des cordes frottées, le scintillement des guitares baroques et des théorbes, sans oublier le clavecin.
Les voix s’accordent à merveille, ayant en commun la projection, une articulation exemplaire et une dynamique extrême. Gillian Keith, qui remplace Rebecca Bottone, indisponible, ne fait pas preuve de moins d’aisance que ses amies, Jessica Cale et Charotte Show. A signaler que toutes trois sopranos, leurs registres médians et graves permettent de corser leur chant et de le colorer à souhait. Les hommes ne sont pas en reste : Jeremy Budd, Charles Daniels, James Way forment le plus beau trio de ténors anglais que l’on puisse imaginer, tous aussi sonores qu’agiles, expressifs et égaux dans tous les registres. Enfin Marcus Farnworth et Ashley Riches, qui illustrent les plus larges répertoires, ne sont pas moins excellents. Tous les solistes, renforcés par Christopher Fitzgerald Lombard et Tom Castle, forment le chœur, puissant, équilibré, homogène.
Le public conquis réserve de longues acclamations, méritées, aux musiciens et à leur chef.
________________________________________________________________________________________________
COMPTE-RENDU, opéra. BEAUNE, le 27 juillet 2019. PURCELL, The fairy Queen, Z629. Keith, Cale, Shaw, Budd, Daniels, Way, Farnsworth, Riches, Paul McCreesh. Illustrations : © Jean-Claude Cottier