La religion catholique romaine aux XVIIe et XVIIIe siècles était le pilier de la vie en France. Les fêtes religieuses rythmaient le quotidien des français d’alors et les compositeurs étaient très sollicités pour produire des oeuvres nouvelles et toujours différentes des précédentes; Francois Couperin (1668-1733), Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) et Richard Delalande (1657-1726) ne font pas exception à la règle en vigueur alors. Couperin composa neuf Leçons des ténèbres pour les jeudis, vendredis et samedis saints. En ce jeudi soir, Hervé Niquet, chef et fondateur du Concert Spirituel, donnait les trois premières d’entre elles couplées avec les Repons composées par Marc-Antoine Charpentier. Pour ce concert, le chef a sélectionné un groupe de six chanteuses, comme il l’avait fait auparavant pour d’autres occasions.
Le Concert Spirituel moins spirituel qu’il n’y parait
Hervé Niquet qui dirige depuis son orgue a travaillé avec ses chanteuses et ses musiciens avec une rigueur et une précision implacables. Si nous ne pouvons d’ailleurs que saluer la technique inénagalable et la musicalité exceptionnelle qui émanent du Concert Spirituel, nous regrettons que les Leçons des ténèbres de Couperin alternant avec les Repons de Charpentier soient données de façon si peu chaleureuse. Les chefs d’oeuvres des deux compositeurs français, contemporains l’un de l’autre, résonnent dans l’abbatiale avec une sécheresse peu habituelle donnant la fâcheuse impression d’êtres inhabitées; elles sont comme vidés de toute vie; et ce n’est pas la prononciation du latin « à la française », réfrigérante et rédhibitoire qui aide à comprendre et à apprécier Leçons et Repons. Le Miserere de Delalande qui suit est tout aussi glacial, sans âme et peu touchant tant le Concert Spirituel poursuit comme il avait commencé : technique et musicalité impeccables et diction « à la française » réfrigérante globalement peu agréable à l’oreille. Si la volonté de présenter un programme de musique baroque française, fut elle tirée du répertoire religieux, est tout à fait louable, quel dommage que le résultat soit très en deçà de ce qui avait été proposé quelques jours auparavant par La Grande Chapelle et La Cappella Mediterranea. Hervé Niquet qui est pourtant reconnu comme un excellent musicien, donne à Saintes un coup d’épée dans l’eau en privilégiant une interprétation sans âme, une diction totalement répulsive et rédhibitoire. Le chef est ses musiciens reçoivent d’ailleurs un accueil de courtoisie sous l’apparente chaleur d’un public partagé entre enthousiasme et déception.
Saintes. Abbaye aux dames, le 17 juillet 2014. Francois Couperin (1668-1733) : première leçon à une voix, deuxième leçon à une voix, troisième leçon à deux voix; Marc Antoine Charpentier (1643-1704) : repons, repons, repons; M.R Delalande (1657-1726) : Miserere. Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction.