vendredi 25 avril 2025

Compte rendu, concert. Liège. Salle Philharmonique. Orchestre philharmonique royal de Liège. Rameau symphonique : ouvertures et ballets des opéras Zoroastre, Naïs, Castor et Pollux, Acante et Céphise… Bruno Procopio, direction.

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Maestro surprenant. Rameau : une épreuve décisive pour les orchestres modernes ? Alors que s’impose peu à peu l’orthodoxie des instruments anciens, nouveaux jalons pour une sonorité historique des orchestres, Bruno Procopio, spécialiste de l’approche historiquement informée, propose de jouer Rameau sur instruments … modernes. Une vision ouverte, curieuse, audacieuse qui ouvre de nouvelles perspectives et favorise surtout l’enrichissement musical et technique des musiciens d’orchestre. Non tout ne dépend pas uniquement des instruments : il en suffit pas de jouer Rameau, Bach, Haendel avec des cordes en boyaux pour réussir immédiatement un concert… le style, la réalisation technique, le jeu et d’autres questions relevant de l’esthétique, font aussi une vision.

 

 

 

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En 2012, à Caracas (Vénézuela) avec l’orchestre de Gustavo Dudamel (Simon Bolivar Symphony Orchestra), Bruno Procopio avait démontré une étonnante maîtrise de l’écriture et de l’énergie raméliennes en un concert offrant, sur instruments modernes donc, un florilège d’extraits d’ouvertures et de danses du Dijonais. L’expérience valait défi : comment réussir (comme ici) à faire jouer aujourd’hui un orchestre moderne dans les œuvres de Rameau, compositeur parmi les plus difficiles du baroque français ? Le résultat (inouï) peut s’écouter à présent grâce au disque édité dans le prolongement de cette aventure « Rameau in Caracas » (1 cd Paraty) : éloquente démonstration que l’on peut interpréter et exprimer le génie orchestral de Rameau avec des instruments modernes… – C’est aussi ce que réussit Sir Simon Rattle avec le Philharmonique de Berlin !
Pour fêter à son tour les 250 ans de la disparition de Rameau, l’Orchestre Philharmonique royal de Liège indique une curiosité méritante et aussi un goût exemplaire du risque en invitant Bruno Procopio à faire de même : jouer Rameau sur instruments modernes mais avec la culture et la connaissance de la pratique d’époque, des traités historiques précisant la manière de réaliser les attaques, les ornements, la dynamique et l’hagogique, la succession déconcertante des rythmes divers… Bref, un défi rare pour un orchestre qui n’a pas l’habitude d’une syntaxe et d’une langue parmi les plus éprouvantes de la musique baroque.

 

 

 

L’orchestre à l’école de Rameau

Rameau électrisé sur instruments modernes

 

C’est pour l’Orchestre, une occasion unique d’apprendre d’un jeune chef passé maître dans l’art symphonique ramélien ; c’est pour ce dernier, une expérience humaine et artistique aux vertus pédagogiques inestimables. Rien de mieux pour dépoussiérer et dynamiser, régénérer et surtout enrichir la vie d’un orchestre, que ce type d’expérience musicale aux bénéfices multiples.
Bruno Procopio a donc passé 3 jours (seulement) avec les instrumentistes du Philharmonique royal de Liège, les pilotant dans le jeu savant et très technique, si exigeant aussi dans la réalisation motorique, d’un Rameau d’une complexe mais géniale inspiration.
Le programme reprend pour partie celui de Caracas (cf. le programme du cd Rameau in Caracas précité), faisant se succéder plusieurs Ouvertures et Suites de danses dont le choc des contrastes, l’éclat martial pour certaines (comme Naïs) – timbales et trompettes en diable-, rappelaient non sans opportunité, la thématique de la saison symphonique de l’OPRL : « guerre(s) et paix ».

 

 

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D’une tenue rythmique impeccable, soucieux de la structure, exploitant de son mieux les ressources de l’orchestre en timbres et en accents, le jeune maestro convainc pas une franchise de ton, une sûreté à la fois économe et efficace, une énergie dansante qui emportent le collectif. Sa battue d’une clarté exemplaire rétablit les équilibres entre les pupitres, jouant de l’acoustique naturelle de la Salle Philharmonique qui réserve elle aussi bien des surprises pour celui qui la découvre. C’est un guide d’une brillante fermeté qui sait traverser un parcours semé d’embûches avec d’autant plus de mérite que le temps de préparation a été réduit.
Le gain pour l’orchestre en termes de dépassement, de risques assumés, d’enrichissements nouveaux dans le jeu proprement dit est indiscutable. Mais alors quels orchestres en Europe, en France oseraient une telle expérience ? C’est aussi à l’aune de ce pari artistique et musical, pour ne pas dire strictement technicien- que se mesure l’intérêt de la démarche. A tous les orchestres qui souhaitent enrichir encore leur approche des répertoires, assimiler Rameau ainsi, pour mieux mieux jouer Gluck ou Mozart et Haydn, voilà un sillon fertile en accomplissements inédits.  Pour l’année de ses 250 ans, Rameau ne pouvait mieux être servi, révélé, réhabilité : et si son écriture était une formidable école pour tous les orchestres ? A méditer. Bruno Procopio nous en apporte déjà la preuve. Gageons que le jeune maestro n’affirme bientôt son intuition et son travail en visionnaire.

 

 

Liège. Salle Philharmonique. Dimanche 14 décembre 2014. Concert « Rameau Symphonique ». Dans le cadre de la saison 2014-2015 de l’Orchestre philharmonique royal de Liège : « Guerre(s) et paix ». Rameau : Ouvertures et Ballets des opéras Zoroastre, Naïs, Castor et Pollux, Acante et Céphise, Les Indes Galantes… Bruno Procopio, direction.

 

 

Approfondir
LIRE notre critique intégrale du cd Rameau in Caracas par Bruno Procopio et les Soloists of the Simon Bolivar Symphony Orchestra of Venezuela (1 cd Paraty 2012)

 

Illustrations : photographies © CLASSIQUENEWS 2015

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