CD, critique. VIVI FELICE, Sonates de D. Scarlatti. Adeline de Preissac (1 cd La Simplesse). Adeline de Preissac éclaire et réécrit la formidable relation voire complicité artistique et musicale qui s’est nouée entre le compositeur napolitain Domenico Scarlatti (1685 – 1757) et son élève (et protectrice) la reine Maria Barbara. D’abord au Portugal (1720) puis en Espagne (1729), Scarlatti écrit toutes les Sonates destinées au plaisir et à la délectation de la Souveraine, claveciniste talentueuse et elle aussi compositrice. Le séjour en Espagne allait encore marquer un cap dans l’élaboration d’une écriture encore plus audacieuse, d’essence expérimentale. L’invention sans limites du créateur sait exploiter toutes les ressources expressives des accords parfaits I, V, IV. Il n’en fallait pas moins pour susciter l’esprit de défi (et d’expérimentaiton recréative) de la harpiste Adeline de Preissac : 11 Sonates dévoile le tissu imprévisible d’un tempérament musical unique à son époque, et aussi la transposition rafraichissante qu’en propose la harpiste.
Fluidité rêveuse, expressivité enivrée : Scarlatti révélé
En dépit des contraintes techniques liées à la digitalité seule, malgré la résonance naturelle de l’instrument, l’interprète sait capter la vitalité et l’urgence de chaque pièce, révélant toujours ce feu à la fois poétique, libre, étonnamment suggestif et volubile d’un compositeur aussi bouillonnant qu’élégant (K 148). Les 11 Sonates réunis dans le disque récemment paru à l’été 2017 soulignent surtout l’expertise et la sensibilité de la harpiste française. Alors que beaucoup d’élèves harpistes, dans les Conservatoires et pendant leurs études, lors de Concours aussi, apprennent les rudiments de l’instrument, se perfectionnent dans l’interprétation de transcriptions d’après Scarlatti, aucun cd d’importance des Sonates de Domenico Scarlatti n’avait été publié. Voilà une absence réparée d’autant qu’Adeline de Preissac ajoute plusieurs Sonates jamais jouées à la harpe (telles les K434, K232, K148, K239, K302, K201)… A chaque séquence, l’instrument à la fois cristallin et rond affirme une sonorité enivrante qui fait surgir la profondeur et l’imprévu nés de l’intime et de la pudeur (K213). Il faut de la finesse et une expressivité à la fois mordante et précise, accordées à une imagination flexible (chants et contrechants de la dernière K 201), pour exprimer le souffle et la verve de chaque Sonate (K25). De toute évidence, Adeline de Preissac maîtrise les qualités requises qui font le mystère et l’énigme Scarlatti dans l’histoire de la musique. Programme enchanteur, musicalement flamboyant, techniquement captivant. Bach se joue au piano, sans atténuation de son génie. Il est grand temps de jouer Scarlatti à la harpe pour en saisir différemment le génie protéiforme et volubile. Défi relevé aujourd’hui par Adeline de Preissac.
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CD, compte rendu critique. VIVI FELICE. 11 Sonates de Domenico Scarlatti. Adeline de Preissac, harpe (1 cd La Simplesse, enregistré en juin 2016). CLIC de CLASSIQUENEWS de l’été 2017.
AGENDA : Adeline de Preissac joue le programme de son disque VIVI FELICE, demain samedi 29 juillet à TOURS :
Samedi 29 juillet 2017 : Cloître de la Psalette (Tours) – 14h30
« Vivi Felice » / Sonates de Domenico Scarlatti par Adeline de Preissac, harpe – Rens. : 02 47 47 05 19 – Concert pour la sortie du CD Scarlatti (référence : vivifel12) — LIRE aussi notre entretien avec Adeline de Preissac