CD. M.-A. Charpentier: Judith, le massacre des innocents (1 cd K617)
Charpentier: Judith, Massacre des Innocents (Schneebeli, 2012). Pour qui a assisté au concert originel dans la Chapelle royale de Versailles, début octobre 2012, sait que cet enregistrement rend compte d’une partie du programme qui aux côtés de Judith et du Massacre des Innocents (le sommet émotionnel de la soirée) comprenait aussi le remarquable Jugement dernier et son évocation spectaculaire de la violence divine contre sa création… Nonobstant voici les deux versants convaincants d’un inoubliable témoignage à Versailles, porté par les troupes conduites par
Olivier Schneebeli :
Chantres et Pages de la Maîtrise du Centre de musique baroque de Versailles dont le label K617 a rendu pas à pas les avancées musicales et interprétatives sur la durée (lire notre critique du
coffret Musiques sacrées à Versailles, édité par K617 et qui en février 2013 obtient le Prix de l’Académie Charles Cros).
Incandescence théâtrale de Charpentier
Il existe peu de chœurs d’enfants aussi investis, chantant et jouant l’action théâtrale avec un goût aussi accompli. Tout le mérite en revient au chef, directeur musical de la phalange choral: qu’il s’agisse des gardes ivres de sang, excités par la barbarie infanticide d’Hérode (impeccable
Arnaud Richard), du chœur bouleversant des mères endeuillées (d’abord chanté par le trio féminin, puis repris par les deux sopranos masculins auquel se joint l’excellent chantre
Paul Figuier), l’intense et brûlant théâtre de Charpentier se dévoile ici dans toute son urgence, sa concision, sa forme resserrée, à laquelle les interprètes restituent non sans justesse la tendresse, la sincérité, l’âpreté expressive. Le voici ce Charpentier qui nous passionne, plus ardent et efficace que toutes les tragédies lyriques de Lully. Aussi bouleversant que son maître à Rome, Carissimi soi-même.
Le Massacre des Innocents H411 souligne le travail de la Maîtrise, une phalange qui outre le souci de restitution des partitions historiques sait surtout exalter la lyre dramatique, la vitalité théâtrale des œuvres, en servant l’arête vive du verbe incantatoire et suggestif: à l’engagement des chanteurs, répond aussi la cohérence de la sonorité globale dont on en soulignera jamais assez la richesse des couleurs grâce à l’équilibre des timbres associés: voix de femmes, des enfants et des hommes. Issu de la formation du CMBV, l’Angelus d’
Erwin Aros convainc en particulier par la fluidité de son chant et son scrupule linguistique.
En cela il incarne le versant masculin de sa consœur Dagmar Saskova, elle aussi formée par les équipes du CMBV à l’éloquence et à la rhétorique baroque: sa Judith a la noblesse des martyrs mais aussi la tendre sincérité des êtres traversés par un pur mysticisme. Son Domine Deus reste irrésistible par ses brûlures d’une pureté incandescente. Entre réalisme individuelle et idéalisme et grâce d’une fervente guerrière de Dieu, son verbe superbement articulé fait honneur au Centre dont elle est la meilleure ambassadrice. Son art très abouti des nuances éclaire vocalement le peintre caravagesque français choisi pour illustrer le cd: Valentin de Boulogne dont on ne sait s’il faut admirer le plus pour sa Judith triomphante, la suavité de la palette chromatique ou la séduction ineffable du type humain…
L’aplomb des solistes, la richesse active et hautement dramatique du chœur, la direction toute en élégance et expressivité d’Olivier Schneebeli réalisent ici l’un des meilleurs accomplissements discographiques du CMBV. Un nouveau jalon qui témoigne avec de sérieux arguments du niveau atteint par la Maîtrise dirigée par Olivier Schneebeli. Magistral.
Marc-Antoine Charpentier (1643-1704): Judith ou Béthulie libérée – Le Massacre des innocents. Pages & Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles. Olivier Schneebeli, direction.
Judith sive Bethulia liberata H391
(Judith ou Béthulie libérée)
Dagmar Sasková, Judith
Erwin Aros, historicus
ex Israel I
et soliste in tres duces Assyrii, tres viri Israelitae, historici ex Assyriis, historici ex filiis Israel,
duo exploratores ex Assyriis, chorus ex Israel
Jean-François Novelli, Ozias,
historicus ex Israel II,
et soliste in tres duces Assyrii, tres viri Israelitae, historici ex Assyriis,
duo exploratores ex Assyriis, chorus ex Israel
Arnaud Richard, Holofernes,
historicus ex Assyriis, historicus ex filiis Israël,
et soliste in tres duces Assyrii, tres viri Israelitae, historici ex Assyriis,
historici ex filiis Israel, chorus ex Israel
Marie Favier, (Chantre), ancilla
Jozsef Gal, (Chantre), soliste in historici ex filiis Israel
Hugo Vincent, (Page), soliste in chorus ex Israel
Caedes Sanctorum Innocentium H411
(Le Massacre des Innocents)
Solistes
Erwin Aros, Angelus
soliste in tres ex choro fidelium
Jean-François Novelli, Historicus
soliste in tres ex choro fidelium
Arnaud Richard, Herodes
soliste in tres ex choro fidelium
Dagmar Sasková, Mylène Bourbeau (Chantre), Marie Favier (Chantre), chorus matrum A
Paul Figuier (Chantre), Alix de la Motte de Broöns et Hugo Vincent (Pages), chorus matrum B
Les Pages, les Chantres & les Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles
Les Pages
Henri Baguenier Desormeaux, Lucie Camps, Calixte Desjobert, Martin Dosseur,
Adèle Huber, Antoine Khairallah, Mathilde Lonjon, Romain Mairesse, Samuel Menant,
Alix de la Motte de Broöns, Guilhem Perrier, Claire Renard, Chimène Smith,
Gauthier de Touzalin, Jean Vercherin, Hugo Vincent
Les Chantres
Mylène Bourbeau, Marie Favier, Marine Lafdal-Franc, Caroline Villain, dessus
Paul-Antoine Bénos, Paul Figuier,
Atsushi Murakami, Florian Ranc, contre-ténors et hautes-contre
Martin Candela, József Gál, Benoît-Joseph Meier, tailles
Fabien Aubé, Pierre Beller, Renaud Bres, Vlad Crosman,
François Renou, Roland Ten Weges, basses tailles et basses
Les Symphonistes
Benjamin Chénier, violon 1
Léonor de Recondo, violon 2
Pierre Boragno, flûte 1
Jean-Pierre Nicolas, flûte 2
Krzysztof Lewandowski, basson
Sylvia Abramowicz, viole de gambe
Eric Bellocq, théorbe
Fabien Armengaud, orgue positif et clavecin
Olivier Schneebeli, direction
Centre de musique baroque de Versailles
Histoires sacrées de Marc-Antoine Charpentier I à la Chapelle royale
temps fort de la saison musicale 2012
Maîtrise (Pages & Chantres), Olivier Schneebeli
Premier volet sur trois d’un cycle Marc Antoine Charpentier à La Chapelle royale de Versailles : Olivier Schneebeli dirige les forces vives du CMBV (les Pages, les Chantres, les Symphonistes) dans 3 oratorios ou histoires sacrées du grand rival de Lully à l’époque de Louis XIV : Le Jugement dernier, Judith et Le Massacre des Innocents. Présentation du chœur historique souhaité par Louis XIV, travail de la maîtrise créée par le Centre de musique baroque de Versailles…. Entretiens avec Olivier Schneebeli et les deux solistes anciens élèves de la Maîtrise: Erwin Aros et Dagmar Saskova (Judith)…
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