PROMENADE BAROQUE Ă  VERSAILLES (2020)

petibon-patricia-mozart-baroque-versailles-sur-arte-concert-2020-critique-CLASSIQUENEWSARTE, dim 25 juil 21, 18h20. Concert réalisé sous forme de déambulation en compagnie de plusieurs musiciens français, Promenade musicale à Versailles renoue avec la tradition locale et restitue au château ses intonations musicales et …baroques.
De la chapelle royale Ă  la chambre du roi, c’est tout le palais qui rĂ©sonne, lĂ  mĂŞme oĂą Louis XIV a favorisĂ© un art national, emblème de son règne et de sa grandeur, ainsi s’est inscrit en Europe le “style français baroque” grâce au modèle versaillais. Outre Rameau (le sublime “Tristes apprĂŞts, pâles flambeaux” extrait de Castor et Pollux, air funèbre aux langueurs suspendues… ; ou les tambourins enjouĂ©s, dĂ©lirants de Dardanus, qui manquent cependant ici de nerf et de prĂ©cise tension…;surtout l’inĂ©galĂ©e Folie qui s’est emparĂ© de la lyre d’Apollon, sommet lyrique dĂ©jantĂ© extrait de PlatĂ©e… composĂ©e pour Louis XV), les Ĺ“uvres de Lully, Charpentier, Couperin et Michel-Richard de Lalande (dont l’air que le roi aime souvent Ă©couter) « acquièrent dans ces lieux une singulière modernité ». Le programme comprend aussi des pièces du romantique Reynaldo Hahn. Avec la soprano colorature Patricia Petibon (pĂ©tulante Folie de PlatĂ©e), Alexandre Tharaud, les ensembles Amarillis, Les Musiciens du roi, Les ÉpopĂ©es…

Ă€ Versailles, au XVIIè, musique et musiciens, omniprĂ©sents, rythment la vie de la cour, berçant mĂŞme le coucher du roi. ARTE renoue avec la tradition grâce Ă  ce concert-promenade qui redonne au château sa rĂ©sonance musicale. Se dĂ©clinant au fil d’une journĂ©e, la dĂ©ambulation s’attarde dans les lieux connus mais aussi oubliĂ©s du site… Le parcours s’autorise mĂŞme certaines libertĂ©s avec la chronologie : pourquoi se priver de la magnificence de l’opĂ©ra royal, mĂŞme si l’on n’y joua pas Rameau, ou du piano d’Alexandre Tharaud pour entendre une pièce de Reynaldo Hahn dans la galerie des Glaces (Adieu au soir tombant…) ?

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ARTE, dim 25 juil 2021, 18h20. MUSIQUE BAROQUE Ă  Versailles / BAROCKMUSIK in Versailles – Concert (France, 2020, 1h17mn) / RĂ©alisation : Olivier Simonnet.

 

 

 

EN REPLAY sur ARTEconcert jusqu’au 23 août 2021 : ICI
https://www.arte.tv/fr/videos/098474-000-A/promenade-musicale-a-versailles/

CD, critique. LULLY : La Grotte de Versailles, Georges Dandin (Marguerite Louise, 1 cd Château de Versailles, fév 2020)

cd-george-dandin-grotte-de-versailles-jarry-marguerite-louise-cd-critique-classiquenews-Versailles-cd-critiqueCD, critique. LULLY : La Grotte de Versailles, Georges Dandin (Marguerite Louise, 1 cd Château de Versailles, fév 2020). Dès 1669, Madeleine de Scudéry témoignait de l’enchantement de Versailles, les charmes et éblouissements de son parc, bosquets à surprise, palais de verdure et autres grottes enchantées. Avait-elle en tête la Grotte de Thétis, construite en dur dans les jardins (là où se trouve actuellement le vestibule de la Chapelle royale) et qui servit d’écrin comme de décor naturel au divertissement de Lully : La grotte de Versailles, ici restitué dans son état originel de 1667 / 1668? La galanterie pastorale règne sans partage : née de la première coopération Lully / Quinault, la partition évoque l’accueil par la Titanide Thétys, d’Apollon (le Soleil) le soir, harassé par sa course diurne. L’eau coulante, le décor de coquillages et de nacre, l’orgue jouant des chants d’oiseaux recréent un univers poétique dédié au repos, au sommeil, à l’abandon vers le rêve et la langueur… Girardon a sculpté le fameux groupe d’Apollon servi par les nymphes (1670). A Lully revenait déjà le privilège d’exprimer musicalement ce rêve absolu qui ajoute au mythe solaire de Louis XIV.

 

Inspirés, Marguerite Louise et Gaétan Jarry ressuscitent la collaboration
Lully et Quinault, Lully et Molière,
faiseurs de fĂŞtes Ă  Versailles…

La musique à Versailles avant l’opéra

 

 

C’est une série d’entrée et de danses (réalisées par le Roi lui-même en 1668), entre la Pastorale et le ballet, propre aux divertissements créés par Lully pour la Cour, avant l’avènement de l’opéra français en 1673. L’amour des bergers et bergères (dont Sylvandre, Coridon) chantent le retour du roi victorieux ; Daphnis et les nymphes, des pâtres grotesques, Iris langoureuse et l’écho de la grotte… ponctuent l’action de leurs péripéties à peine dramatiques. La Grotte reste jusqu’en 1674 (où elle est encore jouée pour le Grand Divertissement de Versailles), l’emblème du Louis XIV, guerrier amoureux et victorieux, qui va bientôt fixer la Cour à Versailles (1682). Les interprètes savent exprimer la douce nostalgie d’une partition à la fois dialoguée (compétition Ménalque / Coridon) et surtout suave et trouble (plainte d’Iris à laquelle répond l’écho de la grotte).

CLIC D'OR macaron 200Les musiques des intermèdes et de la Pastorale pour la comédie Georges Dandin de Molière précise l’ambition de Lully sur le plan lyrique avant l’élaboration d’un modèle pour l’opéra français. Ici rayonnent déjà la puissance onirique des instruments, habiles à suggérer cet accord rêvé, harmonieux entre Nature et bergers ; a contrario de la peine de Dandin, les bergères disent par leur chant, l’empire de l’amour et ce flux tragique qu’il peut susciter (leurs amants semblent noyés) ; les interprètes (surtout les femmes aux accents d’une langueur plaintive voire funèbre) veillent à ce chant droit, non vibré, aux ornements précis, sans préciosité aucune qui rétablit l’exactitude et l’intelligibilité du verbe français (« Ah qu’il est doux, belle Sylvie… »). A côté du drame de Molière, déjà perce la force opératique de Lully qui échafaude une pastorale en musique indépendante de la pièce. Les Choeurs précis et mordants rétablissent la verve pastorale et presque héroïque de l’action ; en soulignant l’empire final de Bacchus, le chant collectif (jouant de l’écho dans la coulisse) vivifie la tendresse et l’ardeur des sens, un épanchement particulier propre au Roi amoureux et vainqueur qu’est Louis XIV dans les années 1660 et 1670. Révélateur des divertissements à Versailles avant l’opéra (tragédie en musique), l’album est un incontournable.

 

 

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CD, critique. LULLY : La Grotte de Versailles, Georges Dandin (Marguerite Louise / Gaetan Jarry, 1 cd Château de Versailles, enregistré en février 2020).

CD, critique. JS BACH : Cantates, Magnificat. La Chapelle Harmonique. Valentin Tournet (1 cd Château de Versailles, déc 2018)

tournet-valentin-chapelle-harmonique-js-bach-magnificat-cd-critique-concert-critique-review-par-classiquenews-chateau-versailles-spectacles-critique-concert-festival-classiquenewsCD, critique. JS BACH : Cantates, Magnificat. La Chapelle Harmonique. Valentin Tournet (1 cd Château de Versailles, déc 2018). Toutes les œuvres ici choisies ont été dirigées par Bach pour son premier concert de Noël à Leipzig, en 1723. Exaltation précise et fine, veillant aux équilibres instruments / chœur / solistes, le jeune chef est à la barre, cœur vaillant, précision et vivacité préservées. De sa direction, se déploie claire et vivante, l’activité du contrepoint exalté, incarné, contrasté, ce, dès la jubilatoire cantate BWV 63. Chef et musiciens en expriment idéalement la tension exclamative, dans une sonorité ronde, pleine, brillante, très allante et qui projette surtout la vitalité du texte, l’esprit de fête et de joie collective. L’air soliste pour sop et basse (et hautbois obligé) tempère cette ivresse par le jaillissement du doute ; Tout l’édifice de Bach est là, dans ce basculement alterné des élévations exultantes et des vertiges inquiets. La profondeur et la gravité surgissent quand texte et musique expriment crainte et inquiétude du fervent qui craint d’être abandonné : le relief des deux voix sculpte alors avec grande sincérité la charge affective du texte.

Soulignons dans les mêmes termes, la superbe vélocité expressive, à la brillance roborative du dernier choeur « Höchster, schau in Gnaden an », rondeur élastique suspendue et nerf des plus ciselés. En écoute en aveugle, sans minorer les qualités de timbre des jeunes chanteuses, leur projection du texte manque de nuances comme de précisions. Visiblement moins impliquées que leurs partenaires dans l’articulation du verbe, seul semble compter la beauté du chant. C’est oublier que Bach a écrit des cantates où les vers liturgiques pèsent de tout leur poids et que le sens des paroles ici compte plus tout. Voilà qui creuse la différence entre un texte liturgique et un morceau de concert. Ceci vaut évidemment pour le Magnificat, pièce ambitieuse et de très belle facture qui permet à Bach, nouvellement arrivé à Leipzig de démontrer sa verve et sa maîtrise du contrepoint. Les chœurs se succèdent nerveux et exclamatif, louant surtout la Vierge de miséricorde. S’il n’était la basse Stephan Macleod, on serait à nouveau réservé sur la tenue générale des airs des solistes. L’enthousiasme que la jeunesse prometteuse fait naître ne doit pas minimiser ici la part du doute, le relief du texte, le trouble de certaines lignes pour instrument solo : tout ce qui nourrit l’éloquente et grave ferveur de Bach… et qui sont souvent absents ici. Ce concert live, très honorable, souligne l’aplomb séduisant d’un jeune chef (22 ans), mais le manque de relief comme de précision dans l’articulation de certains chanteurs tempère l’évaluation générale. On attend un nouvel album pour confirmer ou infirmer ces premières impressions.

CD, critique. JS BACH : Cantates, Magnificat. La Chapelle Harmonique. Valentin Tournet (1 cd Château de Versailles, déc 2018)

Marie Perbost, Soprano I
Hana Blažíková, Soprano II
Eva Zaïcik, Alto
Thomas Hobbs, Ténor
Stephan MacLeod, Basse
La Chapelle Harmonique (Chœur et orchestre)
Valentin Tournet, direction

CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).

Lully_versailles_portraitCD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018).. Le grand motet versaillais gagne une splendeur renouvelée quand le Surintendant de la Musique, Lully (nommé à ce poste majeur dès 1661), s’en empare ; finit le canevas modeste d’une tradition léguée, fixée, entretenue dans le genre par les Sous-Maîtres de la Chapelle, Du Mont et Robert jusque là. En 11 Motets exceptionnels, publiés chez Ballard en 1684, Lully voit grand, à la mesure de la gloire de Louis XIV à laquelle il offre une musique particulièrement adaptée : les effectifs choraux sont sensiblement augmentés (2 chœurs), complétés par les fameux 24 violons du Roi. L’apparat, la majesté, le théâtre s’emparent de la Chapelle; mais ils s’associent à l’effusion la plus intérieure, réalisant entre ferveur et décorum un équilibre sublime. Equilibre que peu de chefs et d’interprètes ont su comprendre et exprimer. Quand le Roi installe la Cour à Versailles en 1682, l’étalon incarné par Lully représente la norme de l’ordinaire de la Messe : Louis ayant goûter les fastes ciselés par son compositeur favori, nés de l’association nouvelle des effectifs de la Chambre et de la Chapelle. Ainsi le Motet lullyste marque les grandes cérémonies dynastiques : Dies irae puis De Profundis sont « créés » pour les Funérailles fastueuses de la Reine Marie-Thérèse (juillet 1683), respectivement pour « la prose » et pour « l’aspersion du cercueil royal », en un véritable opéra de la mort.
Mais le succès le plus éclatant demeure le Te Deum, donné pour la première fois dans la chapelle ovale de Fontainebleau, pour le baptême du fils ainé de Lully (9 sept 1677), hymne glorifiant ses parrain et marraine, Louis XIV et son épouse, à force de timbales et de trompettes rutilantes, roboratives. 10 ans plus tard, le 8 janvier 1687, Lully dirige son œuvre victorieuse aux Feuillants à Paris, emblème de la gloire versaillaise mais se blesse au pied avec sa canne avec laquelle il bat la mesure ; le 22 mars suivant, le Surintendant auquel tout souriait, meurt de la gangrène.

Lully dies irae de profundis te deum motets de lully cd critique review cd ALPHA-444-DIGIPACK-gabaritA_309-42625x271mm-190419-17h30-300x278Sans disposer du timbre spĂ©cifique qu’apporte l’orchestre des 24 Violons, le chef rĂ©unit ici des effectifs nourris dans un lieu que Lully aurait assurĂ©ment apprĂ©ciĂ©, sâ€il l’avait connu : la Chapelle royale actuelle, Ă©difiĂ©e après sa mort. La lecture live (fĂ©vrier 2018 in loco) offre certes des qualitĂ©s mais la conception d’ensemble sacrifie l’articulation et les nuances au profit du grand théâtre sacrĂ©, quitte Ă  perdre l’intĂ©rioritĂ© et la rĂ©elle profondeur. NĂ©anmoins, ce tĂ©moignage repointe le curseur sur une musique trop rare, d’un raffinement linguistique, dramatique, choral comme orchestral … pour le moins inouĂŻ. Saluons le Château de Versailles qui s’emploie depuis quelques annĂ©es Ă  constituer de passionnantes archives de son patrimoine musical.

Que pensez du geste d’Alarcon dans ce premier enregistrement de musique française, de surcroît dédié à Lully ? Suivons le séquençage du programme…
DIES IRAE : d’emblée émerge du collectif affligé, le timbre noble et tendre de la basse Alain Buet d’une élégance toute « versaillaise » (sidération du MORS STUPEBIT), d’une intention idéale ici : on s’étonne de ne l’écouter davantage dans d’autres productions baroques à Versailles. Idem pour la taille de Mathias Vidal (Quid sum miser…), précis, tranchant, implorant et d’un dramatisme mesuré comme son partenaire Alain Buet (Rex Tremendae). Les deux solsites sont les piliers de cette lecture en demi teintes. La nostalgie est le propre de la musique de Lully, d’une pudeur qui contredirait les ors louis le quatorziens ; mais parfois, la majesté n’écarte pas l’intimisme d’une ferveur sincère et profonde.
LG Alarcon opte pour un geste très affirmĂ©, parfois dur, martial… Ă  la Chapelle. Pourquoi pas. Un surcroĂ®t de sensualitĂ© mĂ©lancolique eusse Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©. Car c’est toute la contradiction du Grand Siècle Ă  Versailles : le dĂ©corum se double d’une profondeur que peu d’interprètes ont Ă©tĂ© capables d’exprimer et de dĂ©celer (comme nous l’avons prĂ©cisĂ© prĂ©cĂ©demment) : Christie Ă©videmment ouvrait une voie Ă  suivre (mais avec des effectifs autrement mieux impliquĂ©s). Tout se prĂ©cipite Ă  partir de la plage 9 (INGEMISCO Tanquam reus), vers une langueur dĂ©tachĂ©e, distanciĂ©e que le chef a du mal Ă  ciseler dans cette douceur funèbre requise ; mais il rĂ©ussit la coupe contrastĂ©e et les passages entre les sĂ©quences, de mĂŞme que le « voca me » (CONFUTATIS), – prière implorative d’un infini mystère, dont la grâce fervente est plus esquissĂ©e que vraiment… habitĂ©e. Idem pour l’ombre qui se dĂ©ploie et qui glace avant le LACRYMOSA… aux accents dĂ©chirants. MalgrĂ© un sublime PIE JESU DOMINE entonnĂ© solo par Mathias Vidal, le surcroit instrumental qui l’enveloppe, rappelle trop un rĂ©alisme terre Ă  terre. Le geste est lĂ  encore pas assez nuancĂ©, mesurĂ©, trouble, dĂ©concertant : il faut Ă©couter Christie chez Charpentier pour comprendre et mesurer cette profondeur royale qui n’est pas dĂ©monstration mais affliction : tĂ©moignage humain avant d’être reprĂ©sentation. Dommage. Manque de pulsions intĂ©rieures, lecture trop littĂ©rale, respirations trop brutales; la latinitĂ© du chef qui sait exulter chez Falvetti, et d’excellente manière, peine et se dilue dans le piĂ©tisme français du premier baroque.

Que donne le DE PROFUNDIS ? là encore malgré l’excellence des solistes (et les premiers Buet et Vidal en un duo saisissant de dramatisme glaçant), le chef reste en deçà de la partition : manque de profondeur (un comble pour un De Profundis), manque de nuances surtout dans l’articulation du latin, dès le premier choeur : l’imploration devient dure et rien que démonstrative. Les tutti plafonnent en une sonorité qui manque de souplesse comme d’intériorité. Mais quels beaux contrastes et caractérisations dans le relief des voix solistes (ici encore basse et taille : d’une déchirante humanité, celle qui souffre, désespère, implore). Les dessus n’ont pas la précision linguistique ni la justesse émotionnelle de leurs partenaires. Les vagues chorales qui répondent aux solistes (QUIA APUD DOMINUM) sonnent trop martiales, trop épaisses, affirmées certes mais sans guère d’espérance au salut.

L’ultime épisode qui évoque la lumière et le repos éternel ralentit les tempos, souligne le galbe funèbre, épaissit le voile jusque dans le dernier éclair choral, fougueux, impétueux, quasi fouetté (et lux perpetua luceat eis), mais volontairement séquencé, avec des silences appuyés, qui durent, durent et durent… au point qu’ils cisaillent le flux de la déploration profonde. Nous sommes au théâtre, guère dans l’espérance de la grâce et du salut. Comme fragmentée, et même saucissonnée, la lecture, là encore en manque de respiration globale, frôle le contre sens. Ce De Profundis ne saisit pas.

Par contre dans le TE DEUM, les instrumentistes – trompettes et timbales Ă  l’appui convoquent aisĂ©ment les fastes du dĂ©corum versaillais. Le chef y trouve ses marques, affirmant avant la piĂ©tĂ© et le recueillement pourtant de mise, l’éclat du drame, l’or des splendeurs versaillaises. A chacun de juger selon sa sensibilitĂ© : mais pour nous, Lully sort dĂ©sĂ©quilibrĂ©. Moins intĂ©rieur et grave que fastueux et solennel. A suivre.

 
 

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CD, critique. LULLY : Dies Irae, De Profundis, Te Deum (ChĹ“ur de chambre de Namur, Millenium Orchestra, L G Alarcon, 1 cd Alpha fev 2018). Collection “Château de Versailles”.

 

 

 

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VOIR Lacrymosa de Lully par LG Alarcon / Millenium Orch / Ch de ch de Namur (festival NAMUR 2015) :

https://www.youtube.com/watch?time_continue=229&v=3G4Dc1NjKXA

 
 

CD, critique. ROUSSEAU : Le devin du village (Château de Versailles Spectacles, Les Nouveaux Caractères, juil 2017, cd / dvd).

rousseau cd dvd critique nouveaux caracteres herin critique cd versailles spectacles sur classiquenewsCD, critique. ROUSSEAU : Le devin du village (Château de Versailles Spectacles, Les Nouveaux Caractères, juil 2017, cd / dvd). “Charmant”, “ravissant”… Les qualificatifs pleuvent pour Ă©valuer l’opĂ©ra de JJ Rousseau lors de sa crĂ©ation devant le Roi (Louis XV et sa favorite La Pompadour qui en Ă©tait la directrice des plaisirs) Ă  Fontainebleau, le 18 oct 1752. Le souverain se met Ă  fredonner lui-mĂŞme la première chanson de Colette, … dĂ©munie, trahie, solitaire, pleurant d’être abandonnĂ©e par son fiancé… Colin (« J’ai perdu mon serviteur, j’ai perdu tout mon bonheur »). Genevois nĂ© en 1712, Rousseau, aidĂ© du chanteur vedette Jelyotte (grand interprète de Rameau dont il a créé entre autres PlatĂ©e), et de FrancĹ“ur, signe au dĂ©but de sa quarantaine, ainsi une partition lĂ©gère, Ă©videmment d’esprit italien, dont le sujet empruntĂ© Ă  la rĂ©alitĂ© amoureuse des bergers contemporains, contraste nettement avec les effets grandiloquents ou plus spectaculaire du genre noble par excellence, la tragĂ©die en musique.

C’est cependant une vue de l’esprit assez dĂ©formante et donc idĂ©alisante qui prĂ©sente un jeune couple Ă  la campagne, un rien naĂŻf et tendre… qui bouleverse alors le public et est la proie d’un faux « devin », ou mage autoproclamé… DĂ©tente heureuse, au charme sans ambition, Le devin du village touche immĂ©diatement l’audience : l’œuvre a trouvĂ© son public. En 1753, Ă  Paris, augmentĂ©e d’une ouverture et d’un divertissement final, l’opĂ©ra de Rousseau prend mĂŞme des allures de nouveau manifeste esthĂ©tique, opposĂ© dĂ©sormais au genre tragique ; car Ă  Paris, sĂ©vit la Querelle des Bouffons : les Italiens (troupe de Bambini) prĂ©sentent alors Ă  l’AcadĂ©mie royale, comme un festival, tout un cycle d’oeuvres inĂ©dites, toutes comĂ©dies en musique, dont La serva Padrona, joyau raffinĂ© et badin du gĂ©nial Pergolesi. C’est surtout l’écriture aux mĂ©lodies simples et aux usages directs (forme rondeau) et aussi le choix du français comme langue chantĂ©e… qui surprennent le public. Alors mĂŞme que Rousseau avait dĂ©clarĂ© de façon dĂ©finitive (mais avant de dĂ©couvrir Gluck au dĂ©but des annĂ©es 1770, soit 20 ans après), que l’Italien se prĂŞtait mieux Ă  l’opĂ©ra que la langue de Corneille. Mais Rousseau n’en est pas Ă  une contradiction près : â€le chant français n’est qu’un aboiement continuel, insupportable Ă  toute oreille non prĂ©venue’ (Lettre sur la musique française, 1753).
Réalisme touchant, langue enfin réconciliée avec les défis de sa déclamation, … les arguments de ce « Devin » sont évidents, indiscutables. Le triomphe que suscite rapidement la partition, la rend incontournable : claire emblème opposé au grand genre tragique d’un Rameau, qui fut autant admiré que détesté par Rousseau.

Qu’en pensez en 2018, au moment où est publiée cette lecture réalisée en juillet 2017 ? On remercie enfin la direction artistique du Château de Versailles de nous offrir dans son jus, sur instruments d’époque, et sur la scène où elle fut reprise et jouée par Marie-Antoinette en son écrin de Trianon (le petit théâtre de la reine toujours d’origine), la pièce de Rousseau : de fait, simple, franche, d’une modestie qui touche immédiatement.

La partition est d’autant plus importante dans l’histoire de la musique en France et en Europe que c’est son adaptation parodique dès 1753 (par Madame Favart), intitulĂ©e « Les amours de Bastien et Bastienne » qui inspirera le premier opĂ©ra de … Mozart. La conception de Rousseau est donc loin de n’être qu’anecdotique. Aujourd’hui on goĂ»te son humilitĂ© Ă  lâ€aulne de son destin spectaculaire. Voir cette partition, bluette sans ambition, mais joyau d’une esthĂ©tique qui a rĂ©volutionnĂ© l’opĂ©ra français, entre Rameau et Gluck, comble un vide important, d’autant que le dvd complĂ©mentaire, ajoute Ă  l’écoute du cd, la rĂ©vĂ©lation de ce que furent les reprises par Marie-Antoinette, jouant elle-mĂŞme Ă  la bergère et chantant les airs de Colette… A croire que effectivement, Rousseau Ă©tait moderne, 30 annĂ©es auparavant, adorĂ© par le Reine qui vint se recueillir sur son mausolĂ©e d’Ermenonville dès 1780.
Le cd et le dvd de ce coffret très recommandable ajoute donc à notre connaissance précise d’un monument de la musique française propre aux années 1750, encore adulé par les souverains juste avant la Révolution. Belle réalisation qui comble enfin une criante lacune.

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CD, critique. ROUSSEAU : Le devin du village (Château de Versailles Spectacles, Les Nouveaux Caractères, juil 2017, cd / dvd).

CD, coffret événement, annonce. La Musique au temps de Louis XIV(Livre disque 8 cd Ricercar)

ricercar-jerome-lejeune-coffret-8-cd-musqiue-au-temps-de-louis-XIV-review-critique-annonce-cd-classiquenewsCD, coffret Ă©vĂ©nement, annonce. La Musique au temps de Louis XIV(Livre disque 8 cd Ricercar). C’est d’emblĂ©e une Ă©dition capitale qui fera un excellent cadeau de NoĂ«l : rĂ©servez donc dès Ă  prĂ©sent ce titre Ă©vĂ©nement parmi vos cadeaux potentiels pour les fĂŞtes de fin d’annĂ©e 2016 — on est jamais trop prĂ©voyant pour ne pas laisser passer une telle publication remarquable en tous points… JĂ©rĂ´me Lejeune directeur du label Ricercar s’intĂ©resse dans ce prometteur coffret, Ă©ditorialement exemplaire (iconographie et textes explicatifs particulièrement choisis), aux musiques du règne de Louis XIV. La recherche rĂ©cente s’est plongĂ©e plus que d’habitude dans les sources et archives autographes pour nuancer et affiner notre connaissance des musiques jouĂ©es Ă  Versailles et avant, sous l’autoritĂ© et la validation du Roi Soleil. Ainsi la musique de Louis XIV puise ses racines dans la Polyphonie hĂ©ritĂ©e de la Renaissance. Durant le règne le plus long de l’histoire de France (72 ans), la musique française se dĂ©finit, prend conscience d’elle-mĂŞme, prolongeant une ambition et une volontĂ© politique qui entendent occuper la suprĂ©matie en Europe.
De fait, alors que les souverains prĂ©cĂ©dant le Grand Siècle ont rivalisĂ© et rĂ©agi par rapport au raffinement italien (l’Italie, foyer de la Renaissance europĂ©enne), Louis XIV invente la musique de la France moderne, première force politique, et commande Ă  ses musiciens, une musique spĂ©cifiquement française : comment interprĂ©ter diffĂ©remment tout le chantier de Versailles, autrement que comme un manifeste du style gaulois le plus abouti ? La musique de la Cour Ă  Versailles impose partout dans le royaume et en Europe ses nouveaux standards bientĂ´t modèles du bon goĂ»t pendant l’âge baroque. Les nouvelles institutions, la Chapelle, la Chambre, l’Ecurie, les Vingt-Quatre Violons du Roi (premier orchestre de cour ainsi constituĂ©), de mĂŞme que l’AcadĂ©mie royale de musique comme celle de danse, organisent l’activitĂ© musicale en France, l’une des plus actives dĂ©sormais. La Suite, l’Ouverture, la TragĂ©die en musique inventĂ©e par Lully souhaitant rivaliser et dĂ©passer le modèle parlé de Corneille et de Racine, comme Ă  la Chapelle, Les Grands et les Petits Motets Ă  voix seules, sont les nouveaux genres et formes Ă  la mode. Ils s’imposent alors comme les nouveaux emblèmes du raffinement absolu. Avec Louis XIV, l’Europe se met Ă  la manière française ; l’art de vivre et le raffinement sont dĂ©sormais versaillais. Coffret Ă©vĂ©nement.

 
 

CD, coffret événement, annonce. Livre disque / 8 cd / Ricercar RIC 108 — prochaine grande critique du coffret La Musique au temps de Louis XIV dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS

 
 
 

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Extraits et ressources musicals des 8 cd :

 

cd1 — airs de cour et Ballets de Cour : Louis XIII, Gabriel Bataille, Jean Boyer, Etienne Moulinié, Pierre Guédron, Michel Lambert, Joseph Chambanceau… / Ballets des fous et des estropiés de la cervelle (Anthoine Boesset) / Bellet royal de la Nuit (Cambrefort) / Ballet d’Alcidiane et Polexandre, Ballet de Xerses (Lully).

 

cd2 — Comédies-Ballets, Tragédies en musique, Cantates : (Les Plaisirs de l’île enchantée, Cadmus et Hermione, Atys, … de Lully / Le Malade Imaginaire, Actéon, Médée de Charpentier / Le Sommeil d’Ulysse d’Elisabeth Jacquet de la Guerre.

 

cd3 — Musique sacrée 1 : Nicolas Formé, Guillaume Bouzignac, Etienne Moulinié, Henry Du Mont, Lully…

 

cd4 — Musique sacrée 2 : MA Charpentier, Jean Gilles, François Couperin (Troisième leçon des Ténèbres, du Mercredy Sainct).

 

cd5 — Orgue et oratorios : Jean Titelouze, Louis Couperin, Nivers, Lebègue, Louis Marchand, de Grigny, MA Charpentier, Du Mont…

 

cd6 — Musique instrumentale 1 : MA Charpentier, Eustache du Caurroy, François Roberday, René Mésangeau, Denis Gaultier, jacques Champion, Louis Couperin, Jean-Henri d’Anglebert…

 

cd7 — Musique instrumental 2 : Nicolas Hotman, Monsieur Dubuisson, Sainte-Colombe, Monsieur Degrinis, Marin Mersenne, André-Danican Philidor, Robert de Visée, François Couperin, Jean-Philippe Rameau, Marin Marais…

 

cd8 — La Sonate française : Marain Marais, Delalande, MA Charpentier, François Duval, Jean-Fery Rebel, Jacques-Martin Hotteterre, Jacques Morel, Pierre-Danican Philidor, André Philidor…

 
 
 

JEUNES ENSEMBLES. Entretien avec GaĂ©tan Jarry, directeur musical de l’ensemble Marguerite Louise.

jarry-gaetan-chef-maestro-oganiste-marguerite-louise-ensemble-portrait-classiquenews-f-griersJEUNES ENSEMBLES. Entretien avec GaĂ©tan Jarry, directeur musical de l’ensemble Marguerite Louise. A l’occasion de leur soirĂ©e exceptionnelle programmĂ©e dans l’enceinte du Petit Trianon Ă  Versailles, les musiciens du jeune ensemble Marguerite Louise pourront donner le 9 juillet prochain, Ă  partir de 19h30, la mesure de leur (très) grand talent au service des Baroques français, de Charpentier Ă  Rameau. L’organiste et directeur musical de l’ensemble sur instrument anciens, GaĂ©tan Jarry prĂ©cise ce qui caractĂ©rise son ensemble et aussi les enjeux d’une soirĂ©e pas comme les autre qui varie les plaisirs des convives spectateurs, en changeant les lieux et les programmes, soit un marathon musical de pas moins 27 performances en une soirĂ©e unique !

 

 

 

Quelles sont les caractères de votre ensemble, qui lui confèrent sa singularité et son identité ?

GAÉTAN JARRY : L’ensemble Marguerite Louise est nĂ© d’un grand dĂ©sir d’interprĂ©ter ce rĂ©pertoire assez spĂ©cifique en lui privilĂ©giant toujours un naturel, une spontanĂ©itĂ© qui irait constamment chercher l’Ă©lan intrinsèque de cette musique. Je dirais qu’il ne s’agit pas d’exhumer une Ĺ“uvre pour “l’autopsier” mais bien au contraire pour tenter de lui redonner un vrai souffle de vie.
Plus concrètement cela passe par exemple par le respect de l’authenticitĂ© des voix de chacun des chanteurs, et ainsi d’Ă©viter de tomber dans un certain formatage qui bien souvent nuit Ă  l’Ă©panouissement du geste vocal. Tout cela nĂ©cessite de partager une totale confiance avec mes musiciens qui frĂ©quemment doivent se contenter d’images plus ou moins abstraites, ou volontairement très anachroniques, voire quelques fois triviales, afin de saisir l’esprit de telle ou telle section. Avec le temps, des codes se sont Ă©tablis, et lorsque je souhaite une couleur particulière, elle a son nom, et chacun sait ce qu’il a Ă  faire !

 

 

En quoi le programme de votre premier cd est-il emblématique de votre approche musicale ? Quels sont vos projets artistiques pour le futur ?

Tout d’abord, je pense qu’il faut beaucoup d’humilitĂ© pour s’attaquer Ă  un gĂ©ant comme Charpentier surtout pour un premier disque. Par chance la musique de Charpentier se rĂ©vèle elle-mĂŞme d’une grande humilitĂ© et se laisse aisĂ©ment modeler par les diverses conceptions qu’elle subit. Son langage en perpĂ©tuel renouvellement au travers de ce programme nous a offert la possibilitĂ© d’exploiter un certain nombre de couleurs, d’affects et de jeux d’intensitĂ©, peut-ĂŞtre pas “emblĂ©matiques”, mais je pense assez caractĂ©ristiques de la façon dont nous concevons cette musique. L’orgue tient Ă©galement une place prĂ©pondĂ©rante dans ce programme, son rĂ´le Ă©tant de permettre une respiration entre deux motets et de faire naturellement Ă©cho au texte. Le choix de l’instrument ne fut pas anodin non plus, il s’agit d’un orgue neuf (Dominique Thomas) de style franco-flamand du 17ème siècle, instrument pour lequel j’ai eu un coup de foudre extraordinaire et dont l’idĂ©e de contemporanĂ©itĂ© d’une esthĂ©tique ancienne correspondait profondĂ©ment Ă  notre approche musicale.
Pour l’avenir, nous avons de très nombreux projets, dont certains Ă©tendront quelque peu notre effectif habituel ; notamment un disque de grands motets de Lalande qui s’Ă©chafaude, ainsi que quelques projets de scène lyrique mais je n’en dirai pas plus !

 

 

Quels sont les défis d’un programme comme celui du 9 juillet ; en particulier l’exercice de la mobilité et du plein air peuvent-ils être pénalisant ou à l’inverse stimulants pour les interprètes ?

Se produire dans un tel lieu est Ă©videmment extrĂŞmement stimulant pour nous tous, et d’autant plus un privilège que le Petit Trianon ne fait pas du tout partie des lieux habituels de concerts au Château. L’un des plus grands dĂ©fis de cette soirĂ©e, sera le combat contre la mĂ©tĂ©o ; Il n’est Ă©videmment pas envisageable qu’une goutte de pluie vienne se poser sur un violon historique ! L’autre dĂ©fi du plein-air, concerne la gestion de l’acoustique. Pour le premier concert dans la cour d’honneur, nous jouerons tout Ă  fait sur le perron et bĂ©nĂ©ficierons du mur de la façade ainsi que des pavĂ©s de la cour pour canaliser le son de l’orchestre. La petite formation qui chantera sous le temple de l’Amour sera, elle, aidĂ©e par la coupole de l’Ă©difice.
L’autre gageure pour les musiciens consistera Ă  donner plusieurs fois de suite le mĂŞme concert, afin que tout le public (qui sera rĂ©parti en plusieurs groupes) puisse profiter de chaque prestation. Sur l’ensemble de la soirĂ©e, c’est donc 27 concerts qui seront programmĂ©s, et tout cela quasiment Ă  la minute près !

 

 

Propos recueillis en juin 2016

 

 

 

LIRE notre prĂ©sentation du concert de l’ensemble Marguerite Louise Ă  Versailles, Petit Triano, le 9 juillet 2016, soirĂ©e exceptionnelle Ă  partir de 19h30

 

 

L'Ensemble Marguerite Louise Ă  Versailles

 

 

 

Livres. Compte rendu critique. Les Concerts de la Reine (1725-1768) par David Hennebelle. Éditions Symétrie

Concerts de la reine 1725-1768 Marie Leczinska Ă  Versailles editions symetrie compte rendu classiquenews dĂ©cembre 2015 isbn_978-2-36485-030-9Livres. Compte rendu critique. Les Concerts de la Reine (1725-1768) par David Hennebelle. Éditions SymĂ©trie. De 1725 Ă  1768, les Appartements de la Reine Ă  Versailles, entendez Marie Leczinska reçoivent concerts et extraits d’opĂ©ras, selon une tradition instituĂ©e par Louis XIV et qui fait du prince, un esthète protecteur des musiciens et des compositeurs : Versailles aura de ce fait institutionnaliser le patronage monarchique. Le goĂ»t de la Reine, pourtant personnage effacĂ© et peu versĂ© dans la nouveautĂ©, la modernitĂ©, l’audace, se prĂ©cise ainsi Ă  l’aulne des partitions prĂ©sentĂ©es et jouĂ©es dans ses appartements versaillais.  Si l’on prend pour acquis aujourd’hui que le choix des programmes ainsi dĂ©fendus chez la Reine, relève d’une conception volontaire, alors s’Ă©tablissent les marques d’une esthĂ©tique et d’un goĂ»t  dont la cohĂ©rence est ainsi rĂ©vĂ©lĂ©e et explicitĂ©e. Au mĂŞme moment que les spectacles des petits cabinets initiĂ©s et dĂ©veloppĂ©s par la favorite en titre, La Pompadour,- simultanĂ©ment aux Concerts de Mesdames (les filles de Louis XV), les Concerts de la Reine illustrent aussi le tempĂ©rament artiste de la souveraine, moins effacĂ©e qu’on l’a dit. A partir du fonds archivistique disponible et accessible, qu’il Ă©tait temps de consulter mĂ©thologiquement (Menus Plaisirs, comptes rendus du Mercure de France, complĂ©tĂ©s par la lecture des MĂ©moires du duc de Luynes, intime de la Reine Marie et dont l’Ă©pouse Ă©tait dame d’honneur de la souveraine). L’intitulĂ© donne une idĂ©e de l’importance des Concerts de la Reine dans l’essor de la vie musicale Ă  Versailles : Ă  partir de 1745, quand Rameau triomphe comme compositeur officiel de Louis XV, les Concerts de la Reine, deviennent les “Concerts de la Cour”.

Tout en dĂ©voilant très prĂ©cisĂ©ment l’ensemble des programmations prĂ©sentĂ©es dans les appartements royaux, le texte ambitionne d’Ă©largir le phĂ©nomène du Concert curial en le rattachant Ă  ses enjeux sociaux, culturels, musicaux et bien sĂ»r politiques : tout concert chez la Reine est liĂ© Ă  un dispositif de reprĂ©sentation du pouvoir qui oblige ses participants Ă  un decorum qui sera de plus en plus amĂ©nagĂ© selon les dispositions de la Souveraine et le lieu oĂą elle organise le concert.

Depuis la naissance des Concerts dans les annĂ©es 1720, c’est l’engagement rĂ©el et concret de la Souveraine qui est ainsi dĂ©voilĂ©, comme le dĂ©roulement des concerts en un rituel codifiĂ© par l’Ă©tiquette… (concert de cour ou concert Ă  la cour ?) et aussi les lieux oĂą s’est dĂ©ployĂ©e la musique de Marie (Versailles, Marly, Compiègne, Fontainebleau…). L’Ă©tude des rĂ©pertoires (sujet du V ème chapitre) est de loin le plus captivant car ici, un goĂ»t se manifeste, emblĂ©matique de l’art curial, avec une Ă©volution parfois très sensible du choix des oeuvres : ainsi au moment de la prĂ©sence Ă  Versailles de l’Infante Marie-ThĂ©rèse d’Espagne, la première Dauphine en 1745, puis la seconde Dauphine Marie-Josèphe de Saxe en 1747… Les Concerts de la Reine sont une rĂ©cente conquĂŞte de notre connaissance de la musique officielle au XVIIIè. Quels sont les musiciens de l’Administration chargĂ©s de proposer Ă  la Reine les musiques de ses Concerts (Destouches, Rebel, Colin de Blamont, FrancĹ“ur) ? Pourquoi l’Institution si florissante dans les annĂ©es 1740 et 1750, se dilue progressivement et finit par se taire ? Pourquoi les concerts sont-ils de façon croissante “contremandĂ©s”, ainsi qu’il est notĂ© dans les archives… ? voilĂ  autant de questions passionnantes auxquelles le texte des 6 chapitres offrent une rĂ©ponse de plus convaincantes et des plus riches.

Livres. Compte rendu critique. Les Concerts de la Reine (1725-1768) par David Hennebelle. Éditions Symétrie, collection Symétrie Recherche, série Histoire du Concert. ISBN 978-2-36485-030-9. 17 x 24 cm, cousu broché, 352 pages, 668 g. Prix public indicatif  TTC : 30 €

 

 

 

Marie Leczinska : grande mécène musicale ?

 

La Reine Marie Leczinska portraiturĂ© par Natier : et si la Reine Marie, un temps Ă  l’ombre du fringant et mĂ©lancolique Louis XV et ses maĂ®tresses (dont la lumineuse Pompadour) fut une politique artiste et mĂ©lomane ?

 

 

DVD, compte rendu critique. Lang Lang, live in Versailles. Chopin, Tchaikovsky. Scherzos, Les Saisons. Lang Lang, piano – 1 dvd Sony classical, juin 2015

lang lang dvd live in versailles chopin tchaikovski tchaikovsky review critique dvd cd dvd livres classiquenews compte rendu presentation dvd live in versailles lang lang classiquenews decembre 2015Versailles, juin 2015. Lang Lang, le roi chinois du piano offre un concert de prestige dans le temple de la monarchie française : Versailles. Un lieu luxueux et élitiste que l’interprète qui aime collectionner les défis comme une nouvelle performance, avait à cœur d’épingler dans son déjà riche palmarès. La réalisation visuelle tient quand même à une certaine autocélébration grandiloquente, avec par la diversité des plans focus sur les mains, sur la gestuelle plus que théâtralisée du pianiste au renom planétaire, sur la recherche d’un cadrage parfois alambiquée et de façon surprenante souvent décentré (?)… une tentation pour une succession hystérisée de cadres, d’effets, d’accents spectaculaires… pas sûr que Chopin, poète de l’éloquence secrète et de l’intime mystérieux aurait validé une telle conception. Et dès le premier Scherzo de Chopin, le réalisateur insère dans le concert des vues des jardins (ce qui aurait mieux valu pour les Saisons de Tchaikovsky).

1. CHOPIN déclamatoire (environ 40 mn). Pourtant, musicalement, malgré ses attitudes et expressions exacerbées, Lang Lang dont on sait le naturel pour le surjet et un pathos pas toujours de bon goût, surprend dès le Scherzo n°1, après un feu pétaradant où il cherche ses limites et pose les jalons du concert, dans une immersion plus intérieure où coule une réelle béatitude plus nuancée. Un rêve jaillit soudainement sous les ors et le décorum de la Galerie des Glaces du palais de Versailles. Jouer Chopin à Versailles relève d’un défi : produisant un esthétisme viscéralement opposé (grandeur du Grand Siècle même s’il est raffiné ; intimité introspective d’une musique fabuleuse qui se suffit à elle-même). Mais le phénomène Lang Lang se réalise là encore : occupant l’espace. Irrésistiblement. A grand renforts de mouvement de la tête et du cou, le pianiste semble concentrer toute la charge émotionnelle et le raffinement esthétique du lieu historique : il en transmet ensuite et répercute le feu sacré dans un jeu trépidant et vif souvent démonstratif. Mais qui fait les délices du réalisateur de ce film écrit comme un clip grandiloquent.
D’autant que les amateurs du baroque Français profitent aussi de la réalisation pour revisiter au moment du concert, les lieux sublimes de la monarchie française. Torchères dorées, sculptures antiques dans la galerie, plafond de Lebrun… la riche machine décorative et politique souhaitée par Louis XIV acclimaté à la ciselure et aux crépitements du mieux romantiques des compositeurs-pianistes. Le choc ne manque pas de sel.

Lang Lang sous les ors de Versailles


Réserve
: le pianiste comme emporté par son feu typiquement oriental, voire kitch, n’écarte pas une certaine dureté. Ni une précipitation qui dans le lieu, sonne artificiel.
Le Scherzo n°2 brille par ce crépitement dur, mordant, une exacerbation qui n’évite pas d’être parfois outrée ; il est vrai que le lieu ne favorise pas le repli, ni la pudeur comme l’immersion dans l’introspection. Lang Lang déclame dans une partition qui alterne épanchement sincères et chant tragique ; la technicité est flamboyante mais déborde de la pudeur rentrée inscrite dans le morceau. C’est un Chopin plus brillant et finalement mondain que vraiment intérieur (tendance nettement explicite dans le Scherzo 3 où le jaillissement des notes aigües en cascades sont plus crépitements déterminés que ruissellements magiciens). Le Scherzo n°4 qui exige certes une technique hallucinante, pêche par ce manque d’intériorité et de mystère qui sont profondément inscrits dans la partition chopinienne; les contrastes pourtant saisissants des dynamiques d’une partition à l’autre, sont joués sans plus de profondeur ; tout cela manque d’écoute intérieure. Tout est projeté dans un jeu déclamatoire, certes articulé mais trop affirmé dans la lumière; c’est dans la succession des tableaux de ce Scherzo final que le pianiste et son jeu se révèlent totalement, et de façon caricaturale. Les fans apprécieront sans mesure ; les autres, songeant à Argerich, Pires resteront étrangers à un concert martelé comme un événement (après celui de Bartoli) mais qui en concevant pour le Chopin, une scène mondaine (comme celle de son rival d’alors, Liszt, coeur d’une hystérisation collective) demeure a contrario de l’esprit du piano chopinien.

lang lang versailles piano live in versailles piano review compte rendu critique dvd classiquenews decembre 20152. TCHAIKOVSKI plus sincère et naturel voire intĂ©rieur. S’il n’est pas pour nous un Chopinien mĂ©morable, Lang Lang se montre d’une cohĂ©rence autre et d’une conviction plus naturelle dans les 12 sĂ©quences (12 mois) des Saisons opus 37a, soit 12 Pièces caractĂ©ristiques de Piotr Illyitch. Le pianiste creuse le prĂ©texte climatologique et saisonnier pour percer et exprimer la fine saveur intĂ©rieure de chaque pièce en particulier la rĂŞverie suspendue de la barcarolle pour le mois de juin (plage VI), d’une secrète et très intime tendresse. Infiniment moins exigeantes en matière de scintillement dynamique et de nuances millimĂ©trĂ©es, les 12 tableaux formant saisons permettent au pianiste de dĂ©voiler un tempĂ©rament plus libre, moins contraint, dâ€une souplesse organique plus sincère. Caractère martial comme une armĂ©e qui s’organise pour la chasse de septembre (plage IX) ; puis chant automnal d’octobre plus recueilli et presque religieux (tendresse fraternelle en Ă©cho au VI, et d’une nostalgie pleine d’amertume et de regrets, de blessures intimes Ă  peine masquĂ©es, selon une combinaison si emblĂ©matique de Tchaikovski), la lĂ©gèretĂ© presque insouciante du dernier Ă©pisode (NoĂ«l pour dĂ©cembre, un ton bienvenu au moment oĂą le dvd sort en France) affirment une virtuositĂ© plus mesurĂ©e, certes moins exigeante, mais l’intonation est juste et globalement mieux canalisĂ©e. Le charme du lieu opère, la personnalitĂ© (indiscutable) du pianiste s’imposent d’eux-mĂŞmes. Pour le Tchaikovski et la beautĂ© du lieu de tournage, le dvd composera le plus beau des cadeaux de votre NoĂ«l 2015.
Effet de marketing pour un château qui souhaite toujours ĂŞtre Ă  la page de l’évĂ©nement musical et de la scène poeple, Lang Lang est dĂ©clarĂ© « ambassadeur » du château de Versailles ; il donnera un grand concert dans le bosquet de la Salle de Bal, au cĹ“ur des Jardins Royaux, le mardi 5 juillet 2016 (dans le cadre de Versailles Festival). DVD, Lang Lang,  »Live in Versailles” (Chopin, TchaĂŻkovsky) 1 dvd Sony classical. Parution le 18 dĂ©cembre 2015 chez Sony classical. Live enregistrĂ© dans la galerie des Glaces du château le 22 juin 2015.

DVD, compte rendu critique. Lang Lang, live in Versailles. Chopin, Tchaikovsky. Scherzos, Les Saisons. Lang Lang, piano – 1 dvd Sony classical.

Louis XIV en roi des arts

louis-XIV-carre-grand-Arte, aujourd’hui Ă  20h50. SoirĂ©e Louis XIV. Le Roi Soleil en roi des arts. On se souvient d’un livre très instructif oĂą l’auteur Philippe Beaussant n’hĂ©sitait pas Ă  baptiser Louis le Grand de “roi artiste” : il faut bien du discernement et un goĂ»t sĂ»r pour savoir reconnaĂ®tre les talents et les faire travailler sur des Ĺ“uvres grandioses. En confisquant au surintendant Fouquet, les Lebrun, Le Vau, Le NĂ´tre, surtout Molière (moins La Fontaine qui osa dĂ©fendre son ancien patron), Louis devenu le Roi Soleil en 1661, montra sa maturitĂ© politique et artistique : il fit de chacun d’eux, par gratifications et pensions gĂ©nĂ©reuses, ses serviteurs les plus zĂ©lĂ©s. Le documentaire diffusĂ© par Arte dĂ©voile le portrait d’un souverain esthète qui s’il instrumentalisa et contrĂ´la les arts – soumis Ă  sa propre cĂ©lĂ©bration-, les favorisa et les organisa comme personne. Sous son règne, naissent les acadĂ©mies de peinture, sculpture, architecture, sciences, surtout de la danse car Louis dès son adolescence maĂ®trise le maintien et sait danser, offrant en 1653, une fameuse incarnation du Soleil triomphant, axe du monde, vĂ©ritable reprĂ©sentation du pouvoir royal rĂ©affirmĂ© après le chaos de la Fronde.

Tous les arts sous son règne sont infĂ©odĂ©s aux directives de la “petite acadĂ©mie”, cercle de sages dĂ©crĂ©tant la façon de reprĂ©senter le roi… un ministère de la communication politique avant l’heure et dirigĂ© par l’inflexible Colbert, serviteur le plus loyal dĂ©vouĂ© Ă  sa majestĂ©.
On suit pas Ă  pas les diffĂ©rents visages de Louis : l’adolescent danseur, l’amoureux transi (de Marie Mancini dans le premier Versailles des annĂ©es 1660, avec point d’orgue de cet instant d’ivresse, les plaisirs de l’Ă®le enchantĂ©e dans les jardins du premier Versailles en 1664), l’amateur de théâtre qui aime Ă  rire des comĂ©dies satiriques de Molière, puis le souverain passionnĂ© par l’opĂ©ra dont Lully fait un spectacle total Ă  partir de 1673. Enfin c’est Versailles le chantier du règne, devenu siège du gouvernement en 1683 : le théâtre du pouvoir ou l’opĂ©ra de sa majestĂ© aux dimensions cyclopĂ©ennes.
Le film rĂ©capitule les passions de Louis XIV : la danse, l’opĂ©ra, l’architecture, … on y relève les facettes multiples du Roi, toujours magnifiĂ© et hĂ©roĂŻsĂ©, en particulier au plafond de la galerie des glaces oĂą Louis paraĂ®t en vainqueur, humiliant volontiers les armĂ©es rivales au delĂ  du Rhin… une humilation que les Allemands ou les Hollandais continuent d’Ă©prouver et de condamner avec autoritĂ©. Le visiteur de la Galerie des glaces oublie souvent le sens des reprĂ©sentations peintes par Lebrun, commentĂ©es par Racine et Boileau (en français et non plus en latin!). Contestable, l’ambition du Roi a fait des arts sous son règne une formidable machine de propagande dont le raffinement a marquĂ© l’esprit d’un règne et forgĂ© un modèle pour toute l’Europe moderne. Après Louis XIV, toute reprĂ©sentation politique dans l’Ancien Monde comme dans le Nouveau, ne peut ĂŞtre que Versaillaise…

Programmation spéciale Louis XIV sur Arte
Samedi 29 et dimanche 30 août 2015

Samedi 29 août 2015
20.50 : LOUIS XIV, ROI DES ARTS
22.40 : Opération Lune, l’épave cachée du Roi-Soleil

Dimanche 30 août 2015
17.30 : le mobilier de Versailles, du roi soleil à la révolution
18.30 : Soirée baroque à la Philharmonie
20.30 : Un jardinier Ă  Versailles
0.00 : la Nuit Louis XIV de William Christie

Tous les programmes sont aussi accessibles sur «  ARTEconcert +7 »

Lire aussi notre présentation du week end Louis XIV sur ARTE

william-christie-arts-florissants-soiree-Louis-XIV-versailles-presentation-classiquenewsNe pas manquer aussi Dimanche 30 aoĂ»t 2015, Ă  minuit. Le concert « La Nuit Louis XIV de William Christie » convoque le Sermon sur la mort, de Bossuet : pour cĂ©lĂ©brer la mĂ©moire du roi français le plus artiste donc,  Denis Podalydès dĂ©clame et aussi sert de guide au public, invitĂ© le temps de cette nuit royale, Ă  circuler dans le château du Souverain Ă  Versailles,  du théâtre royal – construit sous Louis XV – Ă  la chapelle, puis Ă  la galerie des Glaces oĂą Les Arts Florissants jouent un programme musical). William Christie dirige ainsi Ă  la Chapelle le Te Deum de Marc-Antoine Charpentier, un compositeur que Louis goĂ»ta fort, mĂŞme s’il n’eut aucune charge officielle Ă  la Cour. C’est surtout la tragĂ©die en musique Atys (1676), de Jean-Baptiste Lully, que Louis aima passionnĂ©ment, aussi surnommĂ© « L’opĂ©ra du roi » que William Christie aborde par extraits, lui qui en a assurĂ© la recrĂ©ation il y a trente ans. Fin du parcours dans la Galerie des Glaces, avec un divertissement royal… avant le dĂ©part du feu d’artifices dĂ©ployĂ© sous la voĂ»te nocturne dans le parc…
Le programme La Nuit Louis XIV de William Christie est prĂ©cĂ©dĂ© Ă  20h30 sur Arte toujours, du documentaire un jardinier Ă  Versailles : focus sur l’autre passion du Roi pour les jardins…

Versailles : La nuit des rois de Jordi Savall en direct sur culturebox

savall-jordi-nuit-des-rois-versaillesEn direct sur internet. La Nuit des Rois : Jordi Savall à Versailles, mardi 30 juin 2015 en direct sur culturebox, dès 20h. 2015 marque le tricentenaire de la mort de Louis XIV (en septembre exactement). Par mi les nombreuses célébrations de la mort du Roi Soleil le septembre 1715, Versailles invite Jordi Savall pour la Nuit des Rois : 3 concerts dans 3 Lieux du château pour célébrer la gloire et le goût musical et artistique des 3 souverains bourbons qui ont marqué un âge d’or de la culture française à l’âge baroque, du premier XVIIè à l’esprit des Lumières. Ainsi au programme :

Concert Louis XIII à l’Opéra royal
Concert Louis XIV Ă  la Chapelle royale
Concert Louis XV dans la Galerie des glaces

Lully à VersaillesEn 2014, il avait dédié à Versailles une première nuit thématique autour des oeuvres de Haendel, investissant l’espace d’un soir, les 3 lieux emblématique de la vie de cour à Versailles entre dévotion, opéra et allégeance au Souverain : la chapelle, l’opéra et la galerie. Le 30 juin 2015, Jordi Savall souligne le goût spécifique de chaque monarque français, et le genre dans lequel il a marqué une passion personnelle.
Louis XIII à l’Opéra : joueur de luth, bon danseur, esprit mystérieux et solitaire (LIRE notre évocation de LOUIS XIII à travers sa passion du luth, entretien avec le luthiste Miguel Yisrael et son cd Les Rois de Versailles, CLIC de classiquenews 2014), Louis XIII, père de Louis XIV crée les 24 Violons du Roi, bande d’instrumentistes d’un niveau excellent, véritable modèle pour l’Europe…
Louis XIV (notre photo ci dessus) se montre quant à lui friand de virtuosité comiques avec l’ère de la comédie ballet et bientôt de la tragédie lyrique inventé pour lui à Versailles par Lully. Le théâtre envahit toute la vie de Cour jusqu’à la chapelle royale dernier grand chantier de son règne.
Louis XV à l’âme mélancolique voire dépressive cultive les divertissements amoureux que Voltaire et Rameau expriment sous la forme d’opéras-ballets, de comédie d’un nouveau genre. Fêtes, bals costumés, badineries (peintes par Boucher) font de Versailles un lieu de plaisirs et de sensualité que l’esprit et le goût de la Pompadour rehausse jusqu’à l’excellence. Son règne s’achève sur le nouvel opéra royal et le nouveau décor de la galerie des glaces pour le mariage du Dauphin, futur Louis XVI et de la Marie-Antoinette…

 

 

 

La Capella Reial de Catalunya
Le Concert des Nations
Jordi Savall, direction

Versailles, Château. Mardi 30 juin 2015, 20h
Durée : 4 h (2 entractes inclus, le temps que les musiciens rejoignent les lieux entre chaque programme….)

logo_culturebox_300_2014VISITEZ le site de culturebox et la page dédiée au concert événement LA NUIT des ROIS au château de Versailles par Jordi Savall, mardi 30 juin 2015, 20h

 

Programme détaillé de la Nuit des Rois au Château de Versailles :
FĂŞtes Royales aux temps de Louis XIII, Louis XIV, Louis XV

♦ Opéra Royal : l’orchestre de Louis XIII

Musiques de l’enfance du Dauphin
Musique pour le Sacre du Roy, fait le 17 Octobre 1610
Musiques pour le Mariage du Roy Louis XIII, faites en 1615
Concert donné a Louis XIII en 1627 par les 24 Violons
Les Musiques de Ballet 1634 – 1640

♦ Chapelle Royale : la Gloire de Dieu au temps de Louis XIV

Michel-Richard Delalande
De profundis

Marc-Antoine Charpentier
Te Deum

♦ Galerie des Glaces : la Tragédie Lyrique au temps de Louis XV

Jean-Philippe Rameau
Les BorĂ©ades* – ouverture, Airs et ChĹ“urs

Mardi 30 juin 2015 dès 20h sur Culturebox, et sur France 2 le 1er septembre 2015

 

 

LIRE aussi notre dossier spécial LULLY à VERSAILLES

Versailles : Catone, le nouvel opéra recréé de Leonardo Vinci

vinci leonardo portrait compositeur napolitainVersailles, OpĂ©ra royal. Vinci : Catone in Utica: 16,19,21 juin 2015. CrĂ©ation. Après Artaserse, dĂ©jĂ  recrĂ©ation mondiale imposant le cahnt dĂ©sormais souverain des nouveaux contretĂ©nors, voici un nouvel Ă©vĂ©nement lyrique baroque, conçu par le chanteur Max Emanul Cencic : Catone in Utica. On connaĂ®t l’opĂ©ra de Vivaldi qui lui est postĂ©rieur.  Le sujet met en avant la valeur moral du politique vertueux : le romain Caton, mort Ă  Utique en Tunisie en 46 avant JC. Ennemi de la corruption et des abus financiers, rĂ©publicain convaincu, Caton ose se dresser contre la tyrannie de Jules CĂ©sar (-59). DĂ©fenseur de PompĂ©e, Caton doit fuir en Afrique avec l’armĂ©e des rĂ©publicains… Austère et stoĂŻque, Caton incarne un idĂ©al politique. Aux portes de la dĂ©faite, il prĂ©fère se tuer Ă  Utique tout en mĂ©ditant le dialogue PhĂ©dron de Platon qui y disserte sur l’immortalitĂ© de l’âme  ; le suicide de Cation est documentĂ© et relatĂ© par Plutarque (Vies parallèle des hommes illustres). L’opĂ©ra prend prĂ©texte de l’histoire de Caton pour aborder une figure passionnante de la loyautĂ© et du devoir… prĂ©monition de ce que sera l’opera seria inspirĂ© au XVIIIè par l’esprit des Lumières.

catone-utica-lethiere-nu-allongeFlamboyant napolitain, Leonardo Vinci (1690-1730) aborde le sĂ©rieux du sujet avec une verve musicale et lyrique aussi irrĂ©sistible que son opĂ©ra prĂ©cĂ©demment créé (et prĂ©sentĂ© aussi Ă  Versailles, Artaserse : l’opĂ©ra qui marque le sommet de carrière comme maĂ®tre de chapelle Ă  la Cour royal de Naples et qui est aussi l’oeuvre contemporaine de sa disparition en 173 donc Ă  seulement 40 ans). Le compositeur comme Porpora conçoit son ouvrage pour les castrats, selon l’esthĂ©tique proprement napolitaine : virtuositĂ©, expressivitĂ©, franchise. Habile artisan des contrastes dramatiques, Vinci construit tout son opĂ©ra sur l’opposition entre les deux ennemis politiques : l’ambitieux tyranique Jules Cesare et le rĂ©publicain vertueux, Ă  l’inflexible Ă©thique, Caton.
Arguments forts de la production versaillaise, sa distribution qui promet de nouvelles pyrotechnies vocales grâce aux 3 contre tĂ©nors rĂ©unis : Max Emanuel Cencic, surtout les deux Ă©toiles de la nouvelle gĂ©nĂ©ration : Franco Fagioli (altiste) et Valer Sabadus (sopraniste) dont l’intensitĂ© du chant, l’engagement rare, l’Ă©clat mitraillette, l’autoritĂ© technique marquent chaque prestation. L’enregistrement au disque est annoncĂ© chez Decca simultanĂ©ment en juin 2015.
Hier dĂ©fendu et pour la majoritĂ© des gravures produites alors, recréé par les artistes de la Capella de’Turchini (Antonio Florio, direction), Leonardo Vinci connaĂ®t un regain de faveur auprès des directeurs et producteurs de théâtre : le public suit naturellement, heureux de redĂ©couvrir les perles du seria napolitain du premier Settecento, d’autant plus convaincant grâce Ă  une gĂ©nĂ©ration nouvelle de contretĂ©nors experts dans ce rĂ©pertoire.

 
 

caton-uthique-catone-in-utica-leonardo-vinci-opera-versailles-presentation-critique-classiquenews-mai-2015

 
 

 

Vinci : Catone in Utica Ă  l’OpĂ©ra royal de Versailles
Les 16, 19 et 21 juin 2015

Première en France / nouvelle production
Opera seria en trois actes. Livret de Métastase.
Créé au Teatro delle Dame de Rome, le 19 janvier 1728.

Franco Fagioli, Cesare
Juan Sancho, Catone
Max Emanuel Cencic, Arbace
Valer Sabadus, Marzia
Martin Mitterrutzner, Fulvio
Vince Yi, Emilia

Jakob Peters-Messer, mise en scène

Il Pomo d’Oro
Riccardo Minasi, direction

 
 
 
Illustration : Mort de Caton à Utique par Guillon Lethière, 1795. Caton se donne la mort par Laurens (1863)

 
 
 

Reportage vidĂ©o : L’Inde Galante par les collĂ©giens de Trappes et les Pages du CMBV (fĂ©vrier 2015)

visuel-_-inde-galante-cmbv-trappes-et-Versailles-Rameau-classiquenews-le-quatuor-de-solistes-les-pages-de-la-Maitrise-du-cmbv-10-fevrier-2015-compte-rendu-critique-inde-galante-de-RameauL’Inde Galante d’après Rameau (fĂ©vrier 2015). Rencontre pĂ©dagogique. A l’initiative du Cmbv, Centre de musique Baroque de Versailles, les collĂ©giens de Trappes et les Pages du Centre de musique baroque de Versailles travaillent ensemble pour un spectacle inspirĂ© des Indes Galantes de Rameau : L’Inde Galante. RĂ©pĂ©titions et sĂ©ances de travail Ă  Trappes (cours de danse, de dĂ©clamation et de chant) puis reprĂ©sentation Ă  Trappes (La Merise) et Ă  l’OpĂ©ra royal de Versailles (les 10 puis 12 fĂ©vrier 2015), la performance Ă©tonne et convainc en rĂ©ussissant la rencontre entre jeunes de la mĂŞme gĂ©nĂ©ration mais  d’univers diffĂ©rents. La transmission, l’apprentissage du collectif autour d’une Ĺ“uvre baroque majeure Ă  laquelle sont associĂ©s des textes des Lumières (maximes de l’AbbĂ© Raynal) percutants par leur engagement humaniste font tout l’intĂ©rĂŞt de cette production atypique, aux vertus pĂ©dagogiques et culturelles multiples.  Edifiant. Reportage vidĂ©o de 22 mn © studio CLASSIQUENEWS.com 2015

Tricentenaire de la mort de Louis XIV

louis-XIV-celebrations-2015-tricentenaire-mort--451Versailles : Tricentenaire de la mort de Louis XIV : avril 2015 – fĂ©vrier 2016. DĂ©cĂ©dĂ© le 1er septembre 1715 après 72 ans de règne, Louis XIV nĂ© en 1638 laisse un hĂ©ritage politique, Ă©conomique et social plutĂ´t mitigĂ©. Les guerres ont Ă©puisĂ© le peuple et les ressources de l’Etat, mais l’art français a dominĂ© toute l’Europe, faisant de la France, après lui, le phare artistique copiĂ© par toutes les Cours dignes de ce nom. Pas un prince qui ne souhaite jusqu’Ă  la fin du XVIIIème, reproduire voire Ă©galer la splendeur de Versailles. Roi danseur, Ă©pris d’opĂ©ras et de divertissements, Louis XIV fusionne le prestige des arts et le rayonnement de sa fonction : sous son règne, l’art est de propagande et toutes les disciplines en leur degrĂ© d’excellence incarnent la supĂ©rioritĂ© du pouvoir monarchique. Le Château de Versailles en 2015 cĂ©lèbre donc le tricentenaire de la mort de son fondateur.

 

 

 

Versailles célèbre le tricentenaire de la mort de Louis XIV

Louis en roi artiste

 

 

En rĂ©alitĂ©, Louis XIV, en fils digne, dĂ©veloppe le mythe de Versailles hĂ©ritĂ© de son père, le mĂ©lancolique et solitaire Louis XIII(Lire notre dossier spĂ©cial le Luth de Louis XIII avec la collaboration du luhtiste Miguel Yisrael). Il fait de la retraite masculine du père, le lieu de ses chasses et de ses maĂ®tresses, une rĂ©sidence de divertissements oĂą s’orchestre et est mise en scène tel un opĂ©ra permanent, la fonction royale, ce dès 1664, avec les FĂŞtes de l’Ă®le enchantĂ©e qui reprend le thème du Roi amoureux sĂ©duit par la magicienne sur son Ă®le magique…
La programmation Ă©voque la figure du Roi artiste : celui qui dansait donc, jouait de la guitare, collectionnait tableaux et antiques, a particulièrement veillĂ© Ă  l’essor de ses AcadĂ©mies, aimait passionnĂ©ment les Grands Motets, les tapisseries, la porcelaine, les objets prĂ©cieux, mĂ©ticuleusement dĂ©posĂ©s et inventoriĂ©s dans son cabinet personnel…

louis-XIV-582-390-une-homepageLa programmation versaillaise met l’accent sur le duo des amuseurs Lully et Molière dont le gĂ©nie mĂŞlĂ© transcende le genre de la comĂ©die ballet dont il font un prĂ©lude Ă  l’opĂ©ra français Ă  venir (tragĂ©die en musique inaugurĂ©e par Cadmus et Hermione en 1673). William Christie inaugure un nouveau type de spectacle, une nuit de concerts promenades (formule créé au sein de son festival vendĂ©en de ThirĂ© chaque mois d’aoĂ»t) : en proximitĂ© avec les interprètes, les spectateurs peuvent Ă©couter les concerts dans les 3 lieux musicaux du Château : l’opĂ©ra, la chapelle, la Galerie des glaces…(Nuit Louis XIV William Christie, les 25 et 26 juin 2015). L’Italie est la source d’inspiration de la Cour de Louis XIV (Lully Ă©tait florentin) : Ă  dĂ©faut de recrĂ©er Ercole Amante de Cavalli, opĂ©ra italien créé pour ses noces, l’Orfeo de Luigi Rossi est programmĂ© (premier opĂ©ra italien créé Ă  Paris en mars 1647, Ă  la demande de Mazarin). Si le futur Louis XIV n’avait que 9 ans, fortement impressionnĂ© (par les machineries de Torelli et la virtuositĂ© du chanteur castrat Atto Melani), il en conserve le goĂ»t passionnĂ© de l’opĂ©ra et du spectacle lyrique. La place du choeur et des ballets fera ensuite l’identitĂ© de l’opĂ©ra proprement versaillais et donc français… bientĂ´t conçu par Lulli devenu Lully.

 

 

Programmation Louis XIV 2015 Ă  Versailles :
D’avril 2015 Ă  fĂ©vrier 2016

Au total 9 programmes différents et 3 bals costumés (en juin 2015)

Les 8,9,10,11 avril 2015, 20h
Le 12 avril Ă  15h
Opéra royal
Lully / Molière : Le Bourgeois Gentilhomme
Christophe Coin, direction
Denis Podalydès, mise en scène

 

 

Les 25 et 26 juin 2015, 20hlouis-XIV-celebrations-2015-tricentenaire-mort--451
Opéra royal, Chapelle royale, Galerie des Glaces
Concert promenade orchestré par William Christie et ses Arts Florissants
La nuit de Louis XIV – William Christie

 

 

La nuits des 3 rois par Jordi Savall
Musiques de Louis XIV, XV, XVI
Concert des Nations, Jordi Savall
Le 30 juin 2015, 20h
Opéra royal, Chapelle royale, Galerie des Glaces

 

 

Messe Ă  4 choeurs. Charpentier / Hersant :
Olivier Schneebeli, direction
Maîtrise de Radio France
Les Pages et les chantres du Centre de musique baroque de Versailles
le 2 juillet 2015, 20h
Chapelle royale

 

 

Lully : Armide
Opera Atelier Toronto
David Fallis, direction
Les 20, 21, 22 novembre 2015
Opéra royal

 

 

Lully : Ballet royal de la nuit, 1653
Correspondances
le 29 novembre 2015, 16h
Opéra royal

 

 

Gala Lully
Capella Mediterranea
Leonardo Garcia Alarcon
Le 1er décembre 2015
Galerie des glaces

 

 

Lully / Molière : Monsieur de Pourceaugnaclouis-XIV-celebrations-2015-tricentenaire-mort--451
Les Arts Florissants,William Christie
Clément Hervieu Léger, mise en scène
Les 7, 8, 9 et 10 janvier 2016
Opéra royal

 

 

Luigi Rossi : Orfeo
Pygmalion
Les 19 et 20 février 2016
Opéra royal

3 bals costumés en juin 2015

FĂŞtes Galantes
Soirée costumée dans les Appartements du Roi Soleil : musiques et divertissements au temps de Louis XIV
Faenza, Marco Horvat. L’Eventail. La Compagnie baroque.
Lundi 1er juin 2015 Ă  19h30
Petits et Grands appartements du Roi, chapelle royale, Galerie des glaces

Le Grand bal masqué de Kamel Ouali, le Roi Soleil
Samedi 27 juin 2015, 23h30
Jardins de l’Orangerie

Mon premier bal Ă  Versailles
Bal costumé de Kamel Ouali : pour les 6-12 ans
Dimanche 28 juin 2015, 15h
Orangerie

Toutes les infos, les modalités de réservations, les horaires et les lieux des concerts sur le boutonreservationsite de Château de Versailles Spectacles CVS

 

 

OpĂ©ra, annonce. Siroe de Hasse Ă  l’OpĂ©ra royal de Versailles

cencic siroe hasse Max-Emanuel-Cencic-Hasse-Siroe-George-Petrou-Armonia-AteneaVersailles, les 26,28 30 novembre 2014. Max Emanuel Cencic chante SiroĂ© de Hasse sur la scène et au disque (novembre 2014). Fervent interprète des passions baroques, le contre tĂ©nor Max emanuel Cencic offre en première française, la recrĂ©ation de l’opĂ©ra seria Siroe d’un contemporain de Haendel et de Rameau, Hasse… Au moment oĂą Rameau rĂ©volutionne de façon scandaleuse la tragĂ©die lyrique française avec son premier opĂ©ra : Hippolyte et Aricie (1733), soulignant la spĂ©cificitĂ© gauloise quand toute l’Europe s’entiche pour l’opĂ©ra italien en particulier napolitain, le gĂ©nial Saxon Hasse assure justement l’essor irrĂ©pressible du seria napolitain avec son Siroe que rĂ©vèle aujourd’hui le contre tĂ©nor aux graves agiles, Max Emanuel Cencic. Le disque paraĂ®t dĂ©but novembre chez Decca et le chanteur met en scène les reprĂ©sentations de novembre 2014 Ă  l’opĂ©ra royal de Versailles. En LIRE +

 

Siroe scena da Siroehasse siroe cencic cd deccaL’histoire de SiroĂ© associe un contexte historique et des intrigues amoureuses croisĂ©es: en 628, le belliqueux Roi des Perses CosroĂ© (Chosroès II), en guerre depuis des annĂ©es, avec l’Empereur ChrĂ©tien HĂ©raclius et lui ayant pris l’Egypte, la Syrie et la Palestine, dĂ©cide de ne pas donner sa succession Ă  son fils aĂ®nĂ© SiroĂ©. Celui-ci se rĂ©volte devant cette injustice et fait assassiner son père. SiroĂ© devient Roi des Perses en 628. Il Ă©crit aussitĂ´t Ă  HĂ©raclius pour signer la paix, permettant Ă  l’Asie Centrale de vivre une pĂ©riode de splendeur et de sĂ©rĂ©nitĂ©. Tout en brossant le portrait d’un prince Ă©clairĂ© et vrtueux, Hasse exploite l’opposition des chrĂ©tiens et des perses, exacerbe les rivalitĂ©s et multiplie les situations conflictuelles, les confrontations tendues et passionnĂ©es qu’il traite toujours en privilĂ©giant la virtuositĂ© de ses solistes. C’est aussi une claire illustration selon les principes pronĂ©s par MĂ©tastase, de la figure du prince providentiel, tout d’abord victime puis peu Ă  peu puissant mais lumineux,  c’est Ă  dire civilisateur et pacifique.  L’incarnation renouvelĂ©e d’un nouvel Alexandre.

Agenda
Versailles, Opéra royal
Les 26, 28 novembre 2014, 20h
Le 30 novembre, 15h
avec
Max Emanuel Cencic, Siroé
Julia Lezhneva, Laodice
Mary-Ellen Nesi, Medarse
Juan Sancho, Cosroe
Laureen Snouffer, Arasse
Dilyara Idrisova, Emira
Armonia Atenea
George Petrou, direction
Max Emanuel Cencic, mise en scène
Durée : 3h30 entracte inclus Tarif : de 35 à 140 €

CD
Hasse : Siroe, Max Emanuel Cencic. Double cd Decca, réf. 478 6768 : parution le 3 novembre 2014

 

Dossier. Le luth en France au XVIIème

devisee pinel luth miguel yisrael les rois de versailles louis XIIIVersailles avant Versailles : la retraite de Louis le juste…  A l’occasion de la sortie de son dernier cd (intitulĂ© « les rois de Versailles »), le luthiste Miguel Yisrael, Ă©lève virtuose d’Hopi (Hopkinson Smith) dĂ©die son nouveau programme aux maĂ®tres du luth Ă  l’époque de Louis XIII et de Louis XIV, Germain Pinel et Robert de VisĂ©e. Outre la rĂ©surrection de Suites inĂ©dites, l’instrumentiste ajoute aussi un Ă©clairage singulier et d’autant plus saisissant sur l’époque oĂą le luth fut estimĂ© tel le roi des instruments, ou l’instrument des rois, rĂ©servĂ© Ă  l’intimitĂ© de la Couronne, celle du Roi Ă©videmment et de ses proches (famille, ministres, favoris…)… Dans cette Ă©vocation spĂ©cifique, le luth, Versailles composent une Ă©quation emblĂ©matique du goĂ»t de Louis XIII, souverain raffinĂ© et solitaire, dont la faveur pour la musique fut aussi importante que celle de son fils, et davantage encore tournĂ© vers le raffinement tendre et noble, portĂ© par la maĂ®trise du luth… C’est Henri IV qui fait aimer Versailles au jeune dauphin, futur Louis XIII : Ă  6 ans, le garçon accomplit sa première chasse : le souvenir en sera indĂ©lĂ©bile. Versailles sera son domaine privĂ©, intime mĂŞme : inaccessible Ă  sa mère, Ă  son Ă©pouse. Ainsi le pavillon de chasse qu’il Ă©difie en 1623. Auquel succède en 1631, le château brique et pierre qui est le cĹ“ur du palais de son fils Louis XIV. Mais quel est donc le secret de Versailles ? Contre toute attente et Ă  rebours des cĂ©lĂ©brations fastueuses qui ont cours Ă  prĂ©sent, l’idĂ©e d’un temple de l’intimitĂ©, du repli entre hommes, est le vrai message de ce disque enchanteur et totalement visionnaire. Outre le rĂ©pertoire dĂ©fendu, qui se soucie du luth aujourd’hui ? Louis XIII de son vivant le considĂ©rait comme le lieu de sa retraite, oĂą ni Marie de MĂ©dicis ni Anne d’Autriche, la mère et l’épouse, ne furent acceptĂ©es pour y coucher. Emblème de son tempĂ©rament solitaire voire saturnien, le luth retient l’intĂ©rĂŞt du roi, incarne mĂŞme au plus près son goĂ»t le plus personnel. Excellent luthiste, offrant pour ses intimes des concerts privĂ©s, Louis XIII n’autorisait pas les femmes, trop bavardes, trop inattentives… il y invite d’excellents joueurs de luths tels M. de Mortemar et M. de Schomberg.

 

Louis XIIIVersailles avant Louis XIV : le goĂ»t de Louis XIII Souvent malade, Louis XIII avoue sa rĂ©signation et son usure dans l’exercice du pouvoir : il appelle de ses voeux l’aptitude de son jeune fils Ă  lui succĂ©der au plus vite, afin de retrouver son cher Versailles, retraite espĂ©rĂ©e, attendue, chère Ă  son coeur pour le repos de son esprit, pour l’Ă©quilibre et la santĂ© de son corps Ă©prouvĂ© : «  … et je me retirerai Ă  Versailles avec quatre de vos Pères, pour m’entretenir avec eux des choses divines et pour ne plus penser de tout qu’aux affaires de mon âme et de mon salut ». Louis XIII n’eut-il comme baume au coeur que son cher luth ?  Le roi des instrument règne de facto Ă  la cour de France dès Henri IV. Le mĂ©decin chargĂ© de la santĂ© du jeune Louis XIII prĂ©cise la place de l’instrument auprès du souverain : premier « jouet » qui lui est offert (en 1604, pour ses 3 ans!), le luth est le centre de toutes les attentions. Le petit Louis qui s’endort aux sons de la voix de son valet Florent Hindret qui joue du luth Ă©videmment pour s’accompagner, montre Ă  sa mère la Reine rĂ©gente l’avancement de ses progrès. Marie de MĂ©dicis, joueuse de luth elle aussi, embauche Robert Ballard, son maĂ®tre en la matière. A ce dernier se joint le père de Ninon de l’Enclos, Henri de L’Enclos, autre professeur de luth pour la Reine mère. Nombre de musiciens compositeurs tous joueurs de luth assurent le fonds sonore de l’éducation du prince, futur Louis XIII. Ainsi, Jean Mesnager et RenĂ© Saman comme Gaultier de Lyon (dit aussi le vieux Gaultier ) paraissent dans les tĂ©moignages de l’époque.

 

 

 

 

Le luth à la cour de France…

luth_1652En 1615, Louis XIII épouse l’espagnole Anne d’Autriche : les deux ados âgés de 14 ans pendant leur nuit de noces, se manquent, ratent une union pourtant espérée. Le roi délaisse vite son épouse et préfère de toute évidence la compagnie virile. Anne d’Autriche prolonge en France, au cours de ses déplacements du Louvre à Fontainebleau ou au Château de Saint-Germain-en-Laye, les us de la cour ibérique où règnent les guitaristes.  A la mort de Louis XIII (1643), le dauphin futur Louis XIV n’a que 4 ans : à 8 ans, miraculé à la suite d’une variole aiguë, le jeune Louis reçoit ses premières leçons de… luth grâces aux soins de Germain Pinel. Le musicien enseignera ainsi au souverain jusqu’à ses 18 ans.  10 années d’un apprentissage fastidieux et formateur. Ce lien qui le rattache au souvenir de son père, se concrétise aussi pour l’amour de Versailles dont il fera sa résidence royale et le palais le plus fastueux de l’Europe baroque.

Pour parfaire l’éducation et les qualités de la reine Anne d’Autriche (qui ne jouait que la guitare), Ennemond Gaultier est nommé pour lui enseigner le luth. Puis les Bataille, Gabriel père et fils, sont maîtres de musique auprès de la Reine Anne d’Autriche quand le jeune luthiste Pierre de Nyert, remarqué par Louis XIII, devient son valet de la garde robe, puis celui qui lui chanta au luth des motets de dévotion sur son lit de mort.

 

luth_1653Le luth, instrument aristocratique. Miroir des coutumes royales, les cercles aristocratiques adoptent tout autant le luth dont la maĂ®trise est l’insigne d’une haute Ă©ducation et d’un raffinement prestigieux. LettrĂ©s, intellectuels, bourgeois aisĂ©s partagent cette affection qui flattent leur statut et renforce leur dignitĂ© : Richelieu comme Louis XIII se dĂ©lasse en Ă©coutant son musicien favori, Michel Lambert, chanter des mĂ©lodies de sa composition en s’accompagnant au luth. Dans les salons parisiens, Mme de Rambouillet, Mlle de ScudĂ©ry, Mme de la Sablière ou la belle Mme Scarron – futur Madame de Maintenon, seconde Ă©pouse de Louis XIV-, cultivent elles aussi le goĂ»t du luth. Les PrĂ©cieuses – Ă©pinglĂ©es dans leurs travers par Molière entre autres, favorisent jeux et joutes poĂ©tiques, divertissements musicaux oĂą poĂ©sie et luth sont Ă©troitement associĂ©s. Ninon de L’enclos et Mademoiselle Paulet gagnent une notoriĂ©tĂ© enviable. Charles Mouton, compositeur Ă  la mode, assure l’Ă©clat des soirĂ©es chez les Scarron.

Le luth s’impose comme instrument soliste, dévoilant son éloquence secrète et fascinante dans une série de Suite de danses qui lui sont spécifiquement réservées.  C’est Germain PInel qui écrit alors les Suites les plus abouties, d’une rêveuse austérité. A l’époque, le modèle le plus estimé vient de Bologne et porte la signature du luthier Laux Maler (c’est un fac similé de ce type que joue aujourd’hui Miguel Yisrael).

 

1730, la fin du luth en France… RĂ©servĂ© Ă  la dĂ©lectation intime, dans le cercle restreint de quelques initiĂ©s et amateurs, le luth, roi des instruments et instrument des rois, perd peu Ă  peu son prestige et son rayonnement Ă  mesure que l’essor des concerts, et la reprĂ©sentation théâtralisĂ©e fixĂ©e par Lousi XIV Ă  Versailles, se dĂ©ploient. Emblème de l’intimitĂ©, le luth ne se prĂŞte guère Ă  la dĂ©monstration fastueuse et spectaculaire du pouvoir tel qu’il s’est dĂ©veloppĂ© dans le Versailles du Roi-Soleil (mĂŞme si ce dernier continue de le goĂ»ter dans l’intimitĂ© rĂ©servĂ©e de ses salons privĂ©s – certes le Roi-Soleil prĂ©fĂ©rera ensuite la guitare).

artemisia-gentileschi-joueuse-de-luth-autoportrait-luthDe fait, l’instrument polyphonique se retire peu à peu à mesure que l’orchestre et l’opéra de Lully s’imposent sur la scène lyrique et officielle.  A mesure aussi que le clavecin, autre instrument à cordes pincées se distingue alors dans le goût des nouvelles classes dirigeantes, suivant le modèle de Versailles.  A l’époque de Louis XIII, la musique est un exercice privé ; avec Louis XIV, elle est l’élément central de la propagande royale. Quand Rameau s’affirme à l’opéra avec son premier opus Hippolyte et Aricie (1733) au début des années 1730, le luth est devenu hors d’âge, un art du passé. Son jeu se perpétua cependant grâce aux Huguenots français qui l’avait cultivé ; contraint à l’exil dans les pays germaniques du nord, ils développèrent bientôt une école particulière que l’Autriche sut aussi féconder jusqu’au plein XVIIIème : c’est le sujet du cd  « Austria, 1676 », publié par Miguel Yisrael en 2012 qui y révélait ainsi une prodigieuse école du luth autrichienne, dont les compositeurs sont Wolff Jacob Lauffensteiner (1676-1754), Johann Georg Weichenberger (1676-1740).

CD. Les Rois de Versailles. Miguel Yisrael, luth baroque. Robert de Visée, Germain Pinel  (1 cd Brilliants classics). Parution : décembre 2014

lluth XVII 582 les cinq sens Abraham-Bosse-The-Five-Senses-Hearing

 

Abraham Bosse : allĂ©gorie des 5 sens : l’ouĂŻe (DR)

Le luth au XVIIème : Roi des instruments, instrument des Rois

 

Portrait d’un luthiste français par Jean de Reyn, vers 1640

 

 

 

Approfondir

 

LIRE notre critique du cd Austria 1676 par Miguel Yisrael

LIRE notre entretien avec Miguel Yisrael Ă  propos du cd Austria 1676

LIRE notre grand entretien avec Miguel Yisrael à propos du luth baroque réalisé en 2010

LIRE notre grand entretien avec Miguel Yisrael Ă  propos du luth baroque en France au XVIIème, Ă  l’occasion de la parution du cd Les Rois de Versailles (dĂ©cembre 2014), rĂ©alisĂ© en novembre 2014

 

 

 

Gala Rameau Ă  la Galerie des glaces de Versailles

Castor et Pollux de Rameau (1737-1754)Versailles, Galerie des glaces. Gala Rameau, le 22 novembre 2014, 21h. Les 250 ans de la mort de Rameau méritaient une fin en apothéose dans l’écrin le plus spectaculaire de Versailles, sa galerie des glaces que le Dijonais a pu voir et traverser lui qui livra tant de divertissements et opéras suprêmes pour la Cour de Louis XV. Faiseur d’opéras merveilleux et fantastiques (ses actes infernaux, ses tempêtes et cataclysmes demeurent le plus impressionnants de la scène française baroque), Jean-Philippe Rameau n’eut de cesse de renouveler les formes musicales appliquées au théâtre : opéra ballet, comédie, tragédie évidemment mais aussi et dès sa jeunesse non encore versaillaise, mais provinciale, grands motets sous la voûte sacrée. Pour celle de la galerie des glaces, mêlant peintures de guerre de Lebrun, ors et miroirs à foison, le gala Rameau, qui clôt officiellement l’année Rameau 2014 (il reste encore quelques événements Rameau jusqu’au 31 décembre 2014 en vérité), présente une manière d’éventail, révélant les genres divers, profanes et sacrés, dans lesquels Jean-Philippe s’illustra de façon géniale.

voltaire portraitAux côtés de Samson (finalement censuré), et du Temple de la gloire récemment révélé à l’Opéra royal (version de 1746 sous la baguette élégante et ductile de Guy Van Waas, le 14 octobre dernier), voici le troisième opus de Rameau sur un livret de Voltaire : La Princesse de Navarre (1745). La partition marque le sommet de l’inspiration de Rameau à Versailles, c’est l’année où il livre la séditieuse et inclassable Platée. Le programme sélectionne une Suite d’après la partition intégrale : première et deuxième contredanses en rondeur, menuets, sarabande, gavottes air d’une Grâce… toute la sensualité de Rameau accordée au spectacle de danse s’y dévoile en liberté et en élégance.

Après l’entracte, autre opéra, autre Suite qui s’en déduit : Castor et Pollux (version de 1754) : chœur des Spartiates, air de Télaïre qui lui succède dans l’opéra, marche, air pour les athlètes… le nerf dramatique de Rameau, inspiré par Mars et surtout Vénus, peint en teintes funèbres la légende des frères Dioscures, Castor le ténor et Pollux le baryton. Castor et Pollux demeure la tragédie lyrique la plus jouée et reprise du vivant de Rameau et après sa mort. Un succès légendaire.

Et pour compléter ce brillant assemblage de pages symphoniques et lyriques, les interprètes jouent les 3 Grands Motets, déjà joués en octobre dernier par Les Arts Florissants et l’inégalable William Christie dans un répertoire qu’il avait l’intelligence de servir avec les Grands Motets du suiveur génial de Rameau, Mondonville. D’abord Laboravi (motet pour le chœur seul) puis Quam dilecta succèdent à la Suite de la Princesse de Navarre ; In convertendo ensuite, en épisode final, après la Suite de Castor et Pollux.

Versailles, galerie des Glaces
Gala Rameau 2014
samedi 22 novembre 2014, 21h
2 h (entracte inclus)

Katherine Watson, dessus
Anders J. Dahlin, haute-contre
Marc Mauillon, basse-taille
Marc Labonnette, basse
Les Chantres du Centre de musique de Versailles
Le Concert spirituel. Hervé Niquet, direction

Versailles, Opéra royal. Rameau : Le temple de la gloire

AnnĂ©e Rameau 2014 : concerts, opĂ©ras, temps forts de septembre Ă  dĂ©cembre 2014Versailles, OpĂ©ra royal. Rameau: Le temple de la gloire, mardi 14 octobre 2014, 20h. Après les Grands Motets par William Christie et Les Arts Florissants, puis la rĂ©vĂ©lation d’un Requiem d’après Castor et Pollux (Ă©galement mis en regard avec Mondonville) sous la direction d’Olivier Schneebeli, le château de Versailles et le CMBV, Centre de musique baroque de Versailles poursuivent leur cĂ©lĂ©bration Rameau 2014, avec nouveau temps fort, l’Ă©coute intĂ©gral de l’opĂ©ra ballet Ă©crit avec Voltaire : Le temple de la gloire.  Après une première tentative de collaboration avec Rameau autour du personnage de Samson (finalement censurĂ© : le matĂ©riel musical sera recyclĂ© dans ses opĂ©ras suivants), Voltaire livre un nouveau texte pour le compositeur : Le temple de la gloire. Commande du responsable des Menus Plaisirs, le duc de Richelieu, l’opĂ©ra cĂ©lèbre la victoire de Louis XV Ă  Fontenoy  : la crĂ©ation, le 27 novembre 1745 dans le théâtre du manège de la Grande Ecurie, indique clairement l’intention de Voltaire : rĂ©former l’opĂ©ra français en l’Ă©cartant des fadeurs sensuelles et pastorales Ă  la mode afin de rĂ©aliser un théâtre moral, politique et philosophique. L’oeuvre est donc une commande officielle dont le ton rĂ©solument critique, l’Ă©carte de la pure propagande comme de l’esthĂ©tique mĂ©tastasienne alors prĂ©dominante Ă  l’opĂ©ra, laquelle flatte gĂ©nĂ©reusement les tĂŞtes couronnĂ©es.
Après un prologue dĂ©diĂ© Ă  l’Envie (hommage au premier opĂ©ra de Quinault que Voltaire veut dĂ©passer), l’opĂ©ra qui suit est un ballet qui brosse le portrait idĂ©al du prince vertueux, digne d’admiration. Par antithèse, Voltaire Ă©pingle d’abord dans les deux premiers actes, la figure des tyrans mĂ©prisables : BĂ©lus, trop violent (acte I), Bacchus, trop effĂ©minĂ© (acte II); tout cela pour mieux souligner les vertus du hĂ©ros parfait : Trajan, couronnĂ© de lauriers par la Gloire (acte III).
Opera-Royal-chateau-de-Versailles-1Voltaire apporte sa connaissance aiguĂ« du théâtre : celui moral de Corneille (Cinna) qui inspire la ClĂ©mence de Titus de MĂ©tastase, lequel influence le profil de Trajan ici, qui après avoir vaincu les souverains rebelles, sait leur pardonner (III). Un pouvoir ne saurait ĂŞtre digne s’il ne peut se montrer humain. Voltaire va plus loin encore en imaginant Trajan hĂ©roisĂ©, refuser les honneurs et la gloire ; puis, dĂ©dier sa victoire au peuple romain et au bonheur public. Incroyable surenchère morale… dont on doute que Louis XV et la Cour de Versailles aient rĂ©ellement compris les enjeux et le sens humaniste. De toute Ă©vidence, le livret est d’un modernitĂ© intellectuelle et politique.
Après avoir Ă©tĂ© boudĂ© par le public parisien qui y cherchait vainement une intrigue amoureuse, l’ouvrage est remaniĂ© par Rameau et prĂ©sentĂ© modifiĂ© en avril 1746 Ă  l’AcadĂ©mie royale de musique Ă  Paris : BĂ©lus, trop violent est finalement adouci par les bergers, et Trajan chante un tendre ramage d’oiseaux Ă  son Ă©pouse (!), selon l’esthĂ©tique galante et suave Ă  la mode.  Entre temps, Voltaire se dĂ©solidarise de la nouvelle mouture et est mĂŞme Ă©lu Ă  l’AcadĂ©mie française pendant les reprĂ©sentations. Ce 14 octobre, l’OpĂ©ra royal prĂ©sente la dernière version de 1746.

Dès l’ouverture, l’instrumentarium requis par Rameau – au sommet de son travail rĂ©formateur et expĂ©rimental car il vient de composer PlatĂ©e, comĂ©die lyrique dĂ©jantĂ©e qui renouvelle le genre lyrique en 1745 -, l’orchestre affirme sa couleur spĂ©cifiquement guerrière et glorieuse (2 petites flĂ»tes, 2 trompettes, 2 cors…). Puis ce sont 2 bassons obligĂ©s pour le monologue de l’Envie dans le Prologue (Profonds abĂ®mes du TĂ©nare) : un air très applaudi Ă  l’Ă©poque et repris de moults concerts.

Au I, Lydie chante un air italien contrastĂ© et vocalisĂ©, passant de la dĂ©ploration Ă  la fureur : elle aime BĂ©lus qui terrorise les bergers. Le tyran se laisse convaincre par le ballet pastoral sui suit d’une sĂ©duction littĂ©ralement irrĂ©sistible : BĂ©lus entend dĂ©sormais se faire aimer plutĂ´t que craindre.

Le II est devenue une ample bacchanale, prĂ©texte Ă  un long divertissement dansĂ© et chantĂ© : vainqueur aux Indes, Bacchus entre au temple de la gloire avec son Ă©pouse Erigone : mais il se voit Ă©cartĂ© par le grand prĂŞtre. Peu importe, il continue son chemin vers d’autres lieux, oĂą le plaisir est cĂ©lĂ©brĂ©.

Au III, L’impĂ©ratrice Plautine se languit en une longue scène tragique, du retour de son Ă©poux Trajan parti Ă  la conquĂŞte de Parthia. Le double choeur des PrĂŞtres de VĂ©nus et de Mars, très distinctement caractĂ©risĂ©, sollicite les dieux pour protĂ©ger l’empereur (Rameau y excelle dans leurs gavotte et rigaudons). Trajan revient victorieux avec les rebelles parthes soumis : dans la scène capitale du pardon de Trajan, oĂą l’orchestre atteint Ă  ce sublime moral que Voltaire appelait de tous ses voeux, Rameau rĂ©ussit un nouveau double choeur Ă  l’effet solennel et grandiose : 5 voix des rois parthes et choeur du peuple romain. La descente de la Gloire suscite le divertissement final qui prĂ©pare Ă  l’ariette de Trajan, devenu clĂ©ment et galant, par son chant pastoral (ramage aux oiseaux). L’air final reprend les petites flĂ»tes et les cors par deux, tels que dĂ©jĂ  exposĂ©s dans l’ouverture.

Rameau, Opéra royal de Versailles.
Mardi 14 octobre 2014, 20h
DurĂ©e avec l’entracte (situĂ© après le premier acte) : 2h45

Judith Van Wanroij : Lydie, Plautine
Katia Velletaz : Une bergère, une bacchante, Junie
Chantal-Santon-Jeffery : Arsine, Érigone, la Gloire
Mathias Vidal : Apollon, Bacchus, Trajan
Alain Buet : L’Envie, BĂ©lus, le Grand PrĂŞtre de la Gloire
Choeur de chambre de Namur
(Thibaut Lenaerts, chef de choeur)

Les Agrémens
Guy Van Waas, direction

Versailles. Chapelle royale, samedi 11 octobre 2014, 20h : Requiem Aeternam d’après Rameau

Rameau-jean-philippe-portrait-600Versailles. Chapelle royale, samedi 11 octobre 2014, 20h : Requiem Aeternam d’après Rameau. Et si Castor et Pollux, opéra funèbre et même ample et spectaculaire réflexion sur la mort, avait outrepasser son cadre lyrique stricte, jusqu’à inspirer par ses thèmes et sa couleur particulière tout un Requiem inédit ? C’est le constat qu’illustre le Requiem Aeternam, abordé par Olivier Schneebeli et ses effectifs choraux ce 11 octobre en un passionnant programme qui s’annonce prometteur : l’ensemble de la matière musicale que l’on écoute, s’inspire ouvertement de mélodies et compositions réalisés par Rameau pour son opéra Castor et Pollux dont la dernière et sublime version date de 1754. En brossant le portrait des frères spartiates Dioscures, Castor mort, Pollux prêt à le remplacer aux Enfers, Rameau a écrit l’une de ses partitions les plus poignantes, véritable succès inégalé pendant tout le XVIIIème siècle. La Messe de Requiem ressuscitée ainsi affirme la notoriété et l’impact des œuvres de Rameau de son vivant.

Thomas Leconte, chercheur et musicologue du CMBV Centre de musique baroque de Versailles explique l’intérêt de cette résurrection, d’autant plus opportune pour l’année Rameau (250 ans de sa disparition en 1764)…

chapelle-concert-gauche« La messe est écrite pour cinq voix récitantes (2 dessus, haute-contre, basse-taille, basse), un chœur à quatre voix (dessus, haute-contre, taille, basse-taille/basse), tous soutenus par trois dessus de violon (et flûtes pour les deux premiers), effectif instrumental assez fréquent dans les répertoires pratiqués dans les cathédrales de province, les maîtres de musique devant souvent se contenter, pour soutenir les voix d’ enfants et des chantres, de quelques instruments, à l’ordinaire comme à l’extraordinaire. Cette Messe de Requiem nous est parvenue sous forme de parties séparées (4 parties vocales : dessus, haute-contre, taille, basse-taille ; 3 parties de violon : 1er violon et flûtes, 2ème violon et flûtes, 3ème violon ; une partie de basse continue ; une partie de basson, pour le premier chœur seulement), complétées par deux fragments de partition: l’un, probablement de la main du compositeur, comporte quelques mesures de l’Introït et du Kyrie, avec des variantes plus ou moins importantes par rapport aux parties séparées ; l’autre, de la même main que les parties, donne une version remaniée pour la Post-communion (non retenue pour ce concert). Très fautives – on peut douter qu’elles aient pu servir en l’état à une exécution –, les parties séparées sont également incomplètes. La mise en partition et la comparaison avec les fragments de partitions ont en effet révélé qu’il manquait au moins deux parties séparées dans l’ensemble qui nous est parvenu : une partie de 2ème dessus et une partie de basse ou de 2ème basse-taille, que l’on peut partiellement restituer grâce au fragment autographe de l’Introït (2 dessus dans le duo « Te decet hymnus ») et du Kyrie (basse récitante). En revanche, aucun fragment ne permet de restituer la ligne vocale du Sanctus, très probablement confiée à l’une de ces deux voix. Enfin, pour le duo « Lux æterna » de la version originale de la Post-communion, pour lequel il ne subsiste que le dessus vocal, il est possible de déduire une ligne de basse vocale de la partie de basse continue «  précise encore Thomas Leconte dans la passionnante notice qui prépare au concert de Versailles.

Requiem inédit d’après Castor et Pollux de Rameau

Soit plus de 15 emprunts à l’opéra Castor et Pollux dans sa version 1754.  « Excepté pour « Et lux perpetua » du Graduel et « Sed signifer sanctus Michael » de l’Offertoire, conçus par combinaison de deux thèmes distincts, un mouvement de la Messe de Requiem se base généralement sur un seul emprunt musical. Il en résulte donc une grande variété d’emprunts, dans des sections généralement assez courtes et assez peu développées, ce probablement pour des nécessités liturgiques. Les citations sont de longueurs variables mais le plus souvent assez courtes, le compositeur ne reprenant parfois même qu’une idée, plus ou moins modifiée, qu’il adapte aux impératifs prosodiques du nouveau texte latin. Les emprunts se font sur plusieurs niveaux. Le plus simple est l’emprunt fidèle à Rameau, avec des aménagements relativement minimes (outre les adaptations prosodiques) portant essentiellement sur l’instrumentation, simplifiée ».

RAMEAU portrait 1761L’emprunt le plus marquant concerne le rĂ©cit initial du Graduel (Requiem Aeternam…) qui reprend la dĂ©ploration funèbre, cĂ©lĂ©brissime (mĂŞme Sofia Coppola en fait une scène fameuse oĂą Marie-Antoinette assiste Ă  l’opĂ©ra dans son film pop psychĂ©dĂ©lique) celui quand TĂ©laĂŻre chante en regrettant la mort de son bien aimĂ© Castor : « Tristes apprĂŞts, pâles flambeaux… », l’un des airs les plus sublimes de la littĂ©rature ramĂ©lienne pour soprano et orchestre.  L’emprunt le plus fidèlement retranscrit a Ă©tĂ© rĂ©servĂ© Ă  l’Offertoire (Hostias et perces »), transposition littĂ©rale de l’air pour baryton de Pollux (« SĂ©jour de l’éternelle paix », IV, scène 4). N’omettons pas non plus l’entrĂ©e solennelle et majestueuse dès l’ouverture du Requiem, si touchante grâce Ă  la reprise du choeur des Spartiates pleurant la mort du mĂŞme Castor (Que tout gĂ©misse)… De l’opĂ©ra Ă  l’église, la sensibilitĂ© et la qualitĂ© du recueillement reste intact. Le transfert d’un mode Ă  l’autre, – du lyrique profane au sacrĂ© dĂ©ploratif-, est tout fait lĂ©gitime. Combien de compositeurs depuis les premiers temps baroques, ont Ă©crit et Ă©bloui indistinctement comme auteurs d’opĂ©ras ou d’église, Monteverdi le premier. Rameau ne dĂ©roge pas Ă  la règle : il a mĂŞme imposĂ© son tempĂ©rament unique en son siècle, d’abord dans la forme du grand motet, avant de traiter les possibilitĂ©s illimitĂ©es de la scène lyrique. Du vivant mĂŞme de Rameau, ses opĂ©ras ont livrĂ© une formidable matière aux Messes donnĂ©es dans les cathĂ©drales de province, messes ainsi Ă©laborĂ©es par Louis GrĂ©non (ca 1734-1769) ou aussi  DenoyĂ© (mort en 1759). Dans le cas du Requiem de ce soir, les emprunts sont rĂ©alisĂ©s avec une intelligence et une pertinence rares propres Ă  construire une arche fervente qui touche et convainc par la cohĂ©rence de son architecture global. Le rĂ©sultat est loin de n’être qu’un composite d’airs recyclĂ©s sans unitĂ© ni gradation.

CMBV Schneebeli cmbv_web« On ne doit sans doute pas voir dans ses emprunts une facilitĂ© de composition, tant ce type de rhabillage musical est un exercice complexe, mais bien plutĂ´t un hommage Ă  la musique d’un compositeur reconnu de son vivant mĂŞme comme l’un des plus grands maĂ®tres français. Ă€ sa mort, survenue le 12 septembre 1764, tout le royaume cĂ©lĂ©bra unanimement sa mĂ©moire par de nombreux hommages musicaux. Ă€ Paris, le principal service, organisĂ© par François Rebel et François FrancĹ“ur, fut donnĂ© en l’Oratoire du Louvre le 27 septembre 1764 et rĂ©unit les musiciens de l’OpĂ©ra et de la Musique de la cour. On y donna la cĂ©lèbre Messe des morts de Jean Gilles, retouchĂ©e et agrĂ©mentĂ©e pour la circonstance d’extraits d’œuvres lyriques de Rameau, notamment le chĹ“ur « Que tout gĂ©misse » de Castor & Pollux, adaptĂ© en Kyrie, ou l’air de Pollux « SĂ©jour de l’éternelle paix », arrangĂ© pour le Graduel. De nombreuses cĂ©rĂ©monies furent organisĂ©es en province, notamment Ă  Avignon, OrlĂ©ans, Marseille, Dijon, Rouen… Peut-ĂŞtre la Messe de Requiem anonyme du fonds Raugel constitue-t-elle un tĂ©moin musical de ces très nombreux hommages rendus par tous les musiciens du royaume, qui reconnaissaient en Rameau l’un de leurs plus grands maĂ®tres », conclue Thomas Leconte.

 

 

 

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Requiem Aeternam, d’après Castor et Pollux de Rameau, 1754

Versailles, Chapelle royale
Samedi 11 octobre 2014, 20h
Olivier Schneebeli, direction
Les Pages et les Chantres du CMBV
Les Folies Françoises

Céline Scheen, dessus
Robert Getchell, haute contre
Arnaud Richard, basse taille

 

 

 

Versailles. Exposition Rameau, jusqu’au 3 janvier 2015

expo rameau versailles 2014Versailles. Exposition Rameau et son temps : 20 septembre 2014 > 3 janvier 2015: Harmonie et Lumières. La Ville de Versailles consacre au compositeur Jean Philippe Rameau, disparu il y a 250 ans (le 12 septembre 1764), une grande exposition organisĂ©e par la Bibliothèque municipale et prĂ©sentĂ©e dans la Galerie de l’HĂ´tel des Affaires Ă©trangères de Louis XV, siège de la bibliothèque depuis 1803. L’exposition (entrĂ©e libre) se dĂ©ploie sur les cinq salons d’apparat de la Galerie. Il n’en faut pas moins pour Ă©voquer l’univers sonore et visuel du plus grand gĂ©nie musical du XVIIIème dont comme le rappelle l’affiche de l’exposition versaillaise, le dĂ©ploiement spectaculaire et le raffinement comme la poĂ©sie atteignent un sommet sous le règne de Louis XV… et grâce au soutien de La Pompadour. Ballets, théâtre, passions et dĂ©flagrations guerrières jusqu’aux phĂ©nomènes naturels finement observĂ©s par un thĂ©oricien inouĂŻ (tremblements de terre, reflux et dĂ©bordements de fleuve, tempĂŞtes et orages… rien ne manque sur la scène de Monsieur Rameau : il a fait de l’opĂ©ra une machine enchanteresse soucieuse de sens comme maĂ®tresse des sens… Les 5 salles ou salons de l’exposition offre des clĂ©s d’accès pour se familiariser avec un monde flamboyant et une carrière atypique… Le premier Ă©voque la pĂ©riode parisienne de Rameau, son TraitĂ© d’harmonie, le salon de son protecteur, Alexandre Le Riche de La Pouplinière, tout en Ă©voquant le contexte intellectuel et artistique intense, voire agitĂ© et polĂ©miste de l’époque (idĂ©es des Lumières, dĂ©bats thĂ©oriques, Querelle des Bouffons…). Les salles suivantes illustrent ses diffĂ©rents opĂ©ras, les lieux et les personnages qui les entourent : dessins et maquettes de dĂ©cors, mises en scène, costumes, instruments de musique, tableaux, objets, livrets et partitions, documents originaux…

Muséographie. L’exposition de Versailles évoque concrètement Jean-Philippe Rameau et son œuvre (contours de l’homme lui-même, mais encore  évocation de l’époque et des milieux intellectuels et artistiques dans lesquels il a évolué, et dont il fut un des acteurs phares). Sa musique fut jouée à la Cour et à Paris, abondamment critiquée, surtout applaudi par le plus grand nombre. Dans l’exposition sont surtout présents les personnages qui ont accompagné le compositeur dans sa carrière et au-delà : rois et princes, mécènes, défenseurs, adversaires farouches. La musique elle même est mise en avant de façon concrète : les instruments, et parmi eux l’un des plus célèbres clavecins de l’époque, celui de Donzelague, les costumes de scène, les représentations d’opéra jusqu’à nos jours à travers les maquettes, tableaux, dessins, gravures, photos et vidéos… participent à l’intérêt de l’exposition Rameau de Versailles. Jusqu’au 3 janvier 2015. Entrée libre.

1ère salle : Rameau et Paris, ou la reconnaissance (1722-1733)

Contexte : Un nouveau règne, celui de Louis XV et le retour définitif de Rameau à Paris. Œuvres : les premiers traités de Rameau dont Le Traité de l’Harmonie, Rameau théoricien de la musique et ses prédécesseurs ; le renouveau musical dans lequel s’inscrit Rameau ; ses premières œuvres ; une société nouvelle incarnée par Alexandre Le Riche de La Pouplinière, son mécène. La Foire Saint Germain et ses théâtres

2ème salle : Rameau et l’Académie royale de musique, ou la célébrité (1733-1745)

Contexte : Hippolyte et Aricie, premier opéra de Rameau présenté à l’Académie Royale de Musique, ancêtre de l’Opéra de Paris, consacre sa célébrité au seuil de la cinquantaine. Œuvres : Hippolyte et Aricie, tragédie lyrique, les parodies qu’elle a inspirées, Les Indes galantes (premier opéra-ballet de Rameau), Castor & Pollux, Dardanus. L’Académie royale de musique

3ème salle : Rameau et Versailles, ou la gloire (1745-1752)

Contexte : la victoire de Fontenoy, les deux mariages du Dauphin, l’arrivée de la marquise de Pompadour à Versailles. Sont évoqués ici les liens qu’entretiennent Rameau et la cour, notamment les opéras qui y furent joués.
Ĺ’uvres : La Princesse de Navarre (Rameau et Voltaire), PlatĂ©e, Le Temple de la Gloire, Les Surprises de l’Amour, … La Salle du manège

4ème salle : Rameau et les Lumières, ou la controverse (1752-1770)

Contexte : dès le succès d’Hippolyte et Aricie, la musique de Rameau suscite des réactions passionnées qui culminent avec la querelle des Bouffons et les débats qui entourèrent la rédaction de l’Encyclopédie. Anoblissement puis décès de Rameau le 12 septembre 1764. Personnalités : Rousseau, Diderot, d’Alembert. L’Opéra de Versailles

5ème salle : Rameau d’un siècle à l’autre, ou la renaissance

Redécouvertes et évocation de Rameau, de la fin du XIXe siècle à 2014.

Surface d’exposiiton : 400 m2
Lieux de provenance des prêts : Paris, Moulins, Lyon, Besançon, Versailles, Asnières/Oise, Pontoise Commissariat : Christophe Thomet, conservateur en chef chargé du Patrimoine, Bibliothèque municipale de Versailles
Commissariat scientifique : Benoît Dratwicki, Directeur artistique, Centre de Musique Baroque de Versailles Avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France.
Nombre d’œuvres exposées : 100

expo rameau versailles 2014Catalogue : Rameau et son temps, harmonie et Lumières, Editions Magellan, 2014, 100p. 20€. Sommaire indicatif : Programmer Rameau en 2014 par Benoît Dratwicki. Rameau le musicien philosophe par Mélanie Traversier. Jean-Philippe Rameau, naissance d’une œuvre par Jean Duron. Les théâtres comiques et la vogue de la parodie à l’époque de Rameau par Pauline Beaucé. Hippolyte & Aricie ou La Belle-mère amoureuse par Jean-Philippe Desrousseaux. Les spectacles de l’Opéra à l’époque de Rameau, d’après les maquettes de Piero Bonifazio Algieri par Jérôme de La Gorce. Remarques curieuses, sur la présence de Jean-Philippe Rameau dans la presse de son temps par Pierre Saby. La lente redécouverte de Rameau aux XIXème et XXème siècles, par Patrick Florentin…

Versailles. Exposition Rameau et son temps : 20 septembre 2014 > 3 janvier 2015: Harmonie et Lumières. EntrĂ©e libre. Galerie des Affaires Ă©trangères – Bibliothèque municipale de Versailles. 5, rue de l’IndĂ©pendance amĂ©ricaine – 78000 Versailles – TĂ©l. : 01 39 07 13 20

Sélection des oeuvres exposées :

Antoine Danchet (1671-1748), Le Sacre de Louis XV, roy de France & de Navarre, dans l’Ă©glise de Reims, le dimanche XXV octobre MDCCXXII. [Paris, s.n., 1723], Versailles, Bibliothèque municipale, RĂ©s. in-fol I 210 d. Livre de fĂŞte reliĂ© de maroquin rouge aux armes de Louis XV.

Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels [...]. Paris, Ballard, 1722 [Suivi de :] Nouveau système de musique théorique [...]. Paris, Ballard, 1726. Fondation Royaumont, Bibliothèque musicale François-Lang, Coll. Patrick Florentin

Premier livre de pièces de clavecin [...], gravĂ©es par Roussel. Paris, l’auteur, Roussel, Foucault, 1706. Paris, Bibliothèque nationale de France, Musique, RES VM7- 677

Pieces de clavessin avec une mĂ©thode pour la mĂ©chanique des doigts oĂą l’on enseigne les moyens de se procurer une parfaite exĂ©cution sur cet instrument [...] - Paris : Ch. Et. Hochereau : Boivin : l’auteur, [1724] Paris, Bibliothèque nationale de France, Musique, D-8403 (1)

Cantates françoises Ă  voix seule avec simphonie…. GravĂ©es par Melle Roussel…. Livre premier. – Paris : l’auteur : Boivin : Le Clerc, [ca 1728]. Paris, Bibliothèque nationale de France, Musique, VM7- 269

Pierre-Antoine Demachy (1723-1807) L’incendie de la Foire Saint-Germain, la nuit du 16 au 17 mars 1762, Huile sur toile. H. 50,8 x L. 45,6 cm. Collection particulière

 Maurice Quentin de La Tour (1704-1788) Portrait dit d’Alexandre Jean-Joseph Le Riche de La Pouplinière (1693-1762), fermier gĂ©nĂ©ral, Pastel, H. 64,2 x L. 48,3 cm. Versailles, MusĂ©e national des châteaux de Versailles et Trianon, MV8353 ; inv. dessins 229

Pierre Donzelague (1668-vers 1750) Clavecin Ă  deux claviers, signĂ© “Donzelague Ă  Lyon 1716″. Noyer, marqueterie de bois de couleur, laque noire, papier peint, huile sur bois. Lyon, 1716. Acquis par prĂ©emption avec souscription publique, 1978. L. 240 x I. 95 x H. 98 cm. Lyon, MusĂ©e des Tissus & MusĂ©e des Arts dĂ©coratifs, MAD

Petr Ĺezáč et Katia Ĺezáčová, Marionnettes de Phèdre et Hippolyte, Prague, 2013. Hauteur totale 190 cm. Centre de Musique Baroque de Versailles

Louis-René Boquet (1717-1814), [Les Indes galantes : maquettes de costume], 1761 Mlle Dubois Phany Palla, Dessin : encre métallogallique, 237 x 162 mm (avec cadre 34 x 26 cm). Paris, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque-musée de l’Opéra, D216 III-79

Pier Luigi Pizzi (1930-….). Rameau – Les Indes galantes : [maquettes de costumes],1983. Paris, Bibliothèque nationale de France, Bibliothèque-musĂ©e de l’OpĂ©ra, BMO ESQ PIZZI-361

Les Indes galantes / Zéphyr : D – ONP – 52IG010. Costume de Georges Wakhévitch pour le rôle du Zéphir dans Les Indes Galantes, opéra de Rameau, mise en scène de Maurice Lehmann, Opéra national de Paris, 1952

Platée / Mercure : D – ONP – 77PL004 Costume de Beni Montrésor pour le rôle de Mercure dans Platée, opéra de Rameau, mise en scène de Henri Ronse, Opéra-Comique, 1977

Pierre-Adrien Pâris (1745-1819), architecte du roi, peintre dĂ©corateur de l’AcadĂ©mie royale de musique, Projets de dĂ©cor de théâtre : Pont et porte d’entrĂ©e d’une ville monumentale pour l’opĂ©ra de Castor et Pollux et Arc de triomphe pour l’opĂ©ra de Castor et Pollux. Dessin : croquis Ă  la plume, 188 x 495 mm et dessin : croquis Ă  la plume, 176 x 136 mm. Bibliothèque municipale de Besançon, vol. 483, n° 73 & 76

Piero Bonifazio Algieri (….-1764) Projet de dĂ©cor pour le finale de “Dardanus” de Jean-Philippe Rameau. Maquette en carton, avec gouache et rehauts d’or, H. 42,5 cm x la. 53,5 cm. Centre des monuments nationaux, château de Champs-sur-Marne, n° inv. collection CMN : CSM1938003509

Nicolas de Largillière (1656-1746) François-Marie Arouet de Voltaire, dit Voltaire (1694-1778), représenté âgé de 24 ans en 1718. Huile sur toile. H. 79 x 64 cm. Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et Trianon, don M. Massimo Uleri

Louis-René Boquet (1717-1814), dessinateur, [Zoroastre : maquettes de costumes]. Dessins : plume et encre brune, aquarelle. Les Arts Décoratifs, Musée des Arts décoratifs, Paris

Versailles. Exposition Rameau et son temps : 20 septembre 2014 > 3 janvier 2015: Harmonie et Lumières. EntrĂ©e libre. Galerie des Affaires Ă©trangères – Bibliothèque municipale de Versailles. 5, rue de l’IndĂ©pendance amĂ©ricaine – 78000 Versailles – TĂ©l. : 01 39 07 13 20

Accès
Gare Versailles-Chantiers (direct depuis Paris Montparnasse)
Gare Versailles-Rive Droite (direct depuis La Défense ou Paris Saint-Lazare) RER C Versailles Château-Rive gauche (direct depuis Paris Invalides) Autobus 171 Versailles Place d’armes (direct depuis Pont de Sèvres) Autoroute A13 sortie « Versailles centre »

Horaires d’ouverture : du mardi au vendredi, de 14h à 18h / Le samedi, de 10h à 18h / Fermé le dimanche et le lundi. Entrée libre.

Reportage vidéo. Du CAURROY : Missa pro defunctis (CMBV, Olivier Schneebeli, décembre 2013)

olivier_schneebeli1Sous la voĂ»te de la Chapelle royale de Versailles, les effectifs choraux et instrumentaux du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) sous la direction d’Olivier Schneebeli ressuscitent la grandeur solennelle et la simplicitĂ© fervente du chef d’oeuvre musical d’Eustache du Caurroy : la Missa pro defunctis. L’Ĺ“uvre datĂ©e de la fin du XVIè, prolonge et transfigure toutes les avancĂ©es polyphoniques de la Renaissance et son dĂ©veloppement de plus en plus dramatique Ă  mesure que se rĂ©alise la partition jusqu’au dĂ©pouillement de l’In Paradisium (final) prĂ©figure immĂ©diatement les grandes fresques de la dĂ©votion baroque. Messe charnière et partition Ă©blouissante par sa dĂ©mesure et sa profonde humanitĂ©, la Missa pro defunctis de Du Caurroy est portĂ©e ici par l’engagement des musiciens du CMBV. PrĂ©sentation de l’Ĺ“uvre et entretien avec Olivier Schneebeli. Reportage exclusif © CLASSIQUENEWS 2014

Compte-rendu : Versailles. Opéra Royal, le 21 mai 2013. Pierre-Louis Dietsch : Le Vaisseau fantôme ou Le Maudit des mers. Sally Matthews, Russell Braun, Bernard Richter. Marc Minkowski, direction musicale

Pierre-Louis Dietsch PortraitEn cette annĂ©e de bicentenaire wagnĂ©rien, l’OpĂ©ra Royal de Versailles prĂ©sente les fruits d’une aventure inĂ©dite : exhumer le rarissime Vaisseau fantĂ´me de Pierre-Louis Dietsch, créé Ă  l’OpĂ©ra de Paris en novembre 1842, d’après un synopsis vendu par Wagner lui-mĂŞme Ă  l’institution lyrique avant qu’il n’en fasse son propre Fliegende Holländer.  La recrĂ©ation lyrique est une nouvelle initiative du Palazzetto Bru Zane toujours aux avant-postes du dĂ©frichement d’ouvrages injustement oubliĂ©s… Dietsch, alors directeur des chĹ“urs de l’OpĂ©ra, Ă©crit – sur un livret de Paul Foucher, beau-frère de Victor Hugo – une Ĺ“uvre singulière, d’une belle facture, Ă  l’orchestration riche et variĂ©e, aux lignes amples et chantantes, dans la grande tradition de l’opĂ©ra français, mâtinĂ© de brillance italienne – il avait Ă©tĂ© contrebassiste pour l’Orchestre des Italiens dirigĂ© par Rossini –. Plus encore, dès les premiers accords de l’ouverture, c’est rien moins qu’à Verdi qu’on pense, notamment Ă  Rigoletto, tant dans le rythme pointĂ© lancinant des cuivres, qui prĂ©figure celui qui ouvrira de la mĂŞme manière le prĂ©lude du drame verdien, que dans l’évocation de la tempĂŞte et ses furtifs traits de flĂ»te.

 

 

l’opéra français embarque à bord du Vaisseau fantôme

 

Un ouvrage étonnant, qui méritait d’être tiré de l’oubli, 170 ans après sa création. La distribution réunie ici se révèle internationale, et on peut regretter un plateau davantage francophone, ce qui aurait permis une plus grande compréhension du texte et du style si particulier de cette musique. Aux côtés du Scriften honnête de Mika Kares et du Barlow efficace d’Ugo Rabec, on peut remercier Julien Behr d’avoir remplacé au pied levé Eric Cutler dans le rôle d’Eric. La voix du ténor français est jolie, le phrasé élégant et il se tire avec les honneurs de son rôle, appris vraisemblablement en très peu de temps. Le Troïl du baryton canadien Russell Braun déçoit quelque peu, malgré les efforts visibles qu’il déploie pour rester fidèle à l’écriture française. Si l’instrument semble d’un beau métal, sa projection vocale paraît retomber à ses pieds, ce qui fait perdre à sa voix, et notamment son aigu – pourtant apparemment bien présent, notamment à l’unisson de Minnia à la fin de leur grand duo – une grande partie de son impact et de son mordant. Un Maudit qui pourrait impressionner mais dont la stature s’émousse. Face à lui, Sally Matthews accomplit une très belle performance en Minnia, grâce à une exquise musicalité et une concentration harmonique dans l’émission qui permet à sa voix de surplomber la masse orchestrale et de remplir la salle, notamment dans des aigus à la résonance frappante. Sa virtuosité n’est pas en reste, et sa polonaise brillante au premier acte démontre sa maîtrise des trilles et de l’agilité, en technicienne accomplie. Seule la clarté de la diction pâtit parfois de cette conception d’un chant plus vocal que réellement dit, sauf lorsqu’elle s’efforce d’articuler clairement certains mots, qui prennent alors un impact saisissant.

Mais notre coup de cœur va sans réserve au Magnus de Bernard Richter, à la vocalité toujours aussi solaire et radieuse, éblouissante d’éclat. Grâce à ce placement haut exempt de tout sombrage et autre engorgement, il déploie ainsi sans effort une voix puissante et claire, semblant littéralement traverser tant l’orchestre que le chœur, parfaitement audible durant toute la représentation. En outre, il nous gratifie de magnifiques phrasés sur le souffle, d’aigus et suraigus riches, faciles et percutants, ainsi que d’une déclamation du texte de haute école. Un grand ténor actuel, qu’on a déjà hâte de réentendre.

On salue Ă©galement la très belle prestation, d’une belle homogĂ©nĂ©itĂ© malgrĂ© un certain manque de dramatisme, du ChĹ“ur de Chambre Philharmonique Estonien. A la tĂŞte de ses Musiciens du Louvre Grenoble, Marc Minkowski couve amoureusement cette partition qu’il est le premier Ă  redĂ©couvrir et la fait briller de tous ses feux, galvanisant ainsi ses instrumentistes d’un enthousiasme communicatif.  Une dĂ©couverte passionnante que ce Vaisseau fantĂ´me de Dietsch, qu’on réécoutera avec grand plaisir prochainement : le cd est annoncĂ© courant 2014…

Versailles. Opéra Royal, 21 mai 2013. Pierre-Louis Dietsch : Le Vaisseau fantôme ou Le Maudit des mers. Livret de Paul Foucher. Avec Minna : Sally Matthews ; Troïl : Russell Braun ; Magnus : Bernard Richter ; Eric : Julien Behr ; Barlow ; Ugo Rabec ; Scriften : Mika Kares. Choeur de Chambre Philharmonique Estonien ; Chef de chœur : Heli Jürgenson. Les Musiciens du Louvre Grenoble. Marc Minkowski, direction musicale

Illustration : Pierre-Louis Dietsch, compositeur du Vaisseau FantĂ´me (livret de Richard Wagner), DR

 

Jordi Savall Ă  Versailles : Bach, Haendel, Vivaldi

SAVALL_savall_jordi-savall-724x464Arte. Jordi Savall : Magnificat & Jubilate Deo. Chapelle Royale de Versailles … Fin  juin 2013, Jordi Savall a offert un splendide programme de musique sacrĂ©e europĂ©enne dans le cadre de la Chapelle royale du Château de Versailles. Le musicien catalany dirigeait deux « Magnificat », l’un de Bach, l’autre de Vivaldi, et des Ĺ“uvres de Lully et Haendel.
Après la parution de son enregistrement de la Messe en Si de Bach, Jordi Savall a tenu Ă  proposer, pour le Tricentenaire de la Paix d’Utrecht (1713) qui venait clore une douzaine d’annĂ©es de guerre entre la France et la moitiĂ© de l’Europe, un programme rĂ©unissant quatre chefs d’œuvres emblĂ©matiques de la musique sacrĂ©e europĂ©enne, quatre compositions magnifiant la grandeur divine, le pouvoir royal, la force du message pacifique.
Cette première version du Magnificat de Vivaldi date précisément de la période 1713-1717. Vivaldi en donnera plus tard deux autres versions qui s’éloigneront de la cantate sacrée. Il emploie ici les techniques musicales qui le caractérisent alors, comme des thèmes très longs ou une écriture fuguée.

La suite pour orchestre n°3 de Johann Sebastian Bach est l’une des œuvres instrumentales les plus connues du compositeur.

Le Magnificat de Bach reste une rĂ©fĂ©rence de perfection dans l’Ĺ“uvre du Cantor, utilisant plus que jamais les combinaisons d’Ă©criture contrapuntique et les figures mathĂ©matiques pour crĂ©er une Ĺ“uvre Ă  la beautĂ© et Ă  l’Ă©loquence enthousiasmantes, vĂ©ritable tour de force vocal et contrapuntique pour le chĹ“ur. Adoration par la Vierge Marie du Christ naissant, le Magnificat serait-il le chef d’Ĺ“uvre choral de Bach ? certainement, c’est en tout cas de cette façon que l’approche Jordi Savall et ses troupes.

Haendel a composĂ© le Jubilate pour cĂ©lĂ©brer la Paix d’Utrecht, en 1713, dans un style qui croise les traditions purcelliennes et un mĂ©tier dĂ©jĂ  sĂ»r Ă  peine arrivĂ© d’Italie. Ĺ’uvre fastueuse, elle cĂ©lèbre la gloire de la Cour d’Angleterre tout autant que la paix europĂ©enne … aspiration et idĂ©al politique inspire une oeuvre de premier plan.

Jordi Savall : Magnificat & Jubilate Deo
Chapelle Royale de Versailles
La Capella Reial de Catalunya
Le Concert des Nations
Jordi Savall, direction
Réalisation : Benjamin Bleton
Coproduction : ARTE France, Karl More Productions, CIMA, Château de Versailles Spectacles
Avec : Hanna Bayodi-Hirt, Johanette Zomer, Damien Guillon, David Munderloh, Stephan Macleod.

Les Arts Florissants, William Christie : airs sĂ©rieux… Lambert, d’Ambruys

Christie William portrait 290Airs sĂ©rieux. Les Arts Flo,William Christie : les 12,14,16,19,20 dĂ©cembre 2013. TournĂ©e Ă©vĂ©nement. MĂŞme si la Cour Ă  Versailles semble aspirer tous les fastes musicaux, les plus spectaculaires comme les plus raffinĂ©s, la musique des alcĂ´ves et des salons n’a jamais cessĂ© de se dĂ©velopper en parallèle tout au long du XVIIème. L’art de la conversation musicale s’est naturellement affirmĂ© grâce très vite Ă  l’accord des textes poĂ©tiques et de la musique. Cet art du premier baroque, favorisant intimisme et confession, qui rivalise en ciselure du verbe et en images musicales avec ce que fut le madrigal italien avant la naissance de l’opĂ©ra montĂ©verdien, constitue une singularitĂ© française qui explique dans les dĂ©cennies qui suivirent la primautĂ© linguistique qui prĂ©vaut encore chez Rameau Ă  la fin du XVIIIème siècle.

 

Airs sérieux et à boire

mélodies baroques françaises

 

 

Lambert, D’Ambruys
Quinault, Lafontaine

Les Arts Florissants
William Christie
, direction

LibĂ©rĂ©s des contraintes de l’Ă©tiquette, les nobles et amateurs lettrĂ©s se retrouvent dans la dĂ©lectation d’une discipline très Ă©laborĂ©e, expression d’une haute Ă©ducation, d’un esprit cultivĂ©, d’un besoin de mondanitĂ© choisie. Ainsi, la biensĂ©ance et la galanterie règnent dans les cercles de Mme de Rambouillet, Melle de ScudĂ©ry, de la comtesse de la Suze : chacune s’ingĂ©nie Ă  varier les plaisirs offerts Ă  leurs invitĂ©s. L’air de cour  y tient une place privilĂ©giĂ©e : miniature poĂ©tique chantĂ©e Ă  voix seule, en duos, trios, accompagnĂ©es du luth ou de tout autre instrument chambriste (clavecin, thĂ©orbe, viole…), la pratique est aisĂ©e.

 

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Lambert, poète de l’amour…

Intimisme amoureux Ă  l’OpĂ©ra royal

 

A partir de 1650, l’air sĂ©rieux supplante l’air de cour : en une ou deux strophes, pour voix et luth, ou thĂ©orbe, clavecin, viole, l’air sĂ©rieux chante les vertiges, dĂ©lices et souffrances qu’inflige amour. Exactement comme la poĂ©sie galante Ă  la mĂŞme pĂ©riode.  A l’opposĂ© de l’Ă©chelle expressive, il trouve son corollaire dans l’air Ă  boire, plus familier, burlesque, et tout autant dĂ©lirant, rĂ©clamant les mĂŞmes effectifs.  L’engouement pour le genre est tel que tous les poètes de l’heure veillent Ă  Ă©crire un sizain, ou un quatrain de chanson, apte Ă  ĂŞtre mis en musique.

Le Mercure Galant dès 1674 publie nombre d’airs sĂ©rieux et Ă  boire, diffusant les noms et les manières de compositeurs devenus cĂ©lèbres : Michel Lambert (1610-1696) qui fut maĂ®tre de la musique de la chambre du Roi Ă  partir de 1660, SĂ©bastien Le Camus, BĂ©nigne de Bacilly, Marc-Antoine Charpentier, Joseph Chabanceau de La Barre, HonorĂ© d’Ambruys

MĂŞme codifiĂ©, l’art de l’air français laisse Ă  l’interprète contemporain une grande libertĂ© interprĂ©tative, Ă  la fois dans le choix des cadences, de la restitution du continuo, de la rĂ©alisation des ornements, dans l’art tĂ©nu et si subtil d’une dĂ©clamation claire et puissante, flexible et vivante…

 

 

Bill, interprète des bois enchantés

 


Bouys_musiciens_louis_XIV_Reunion_de_musiciens_Bouys-1Le concert des Arts Florissants suit la sélection opérée par William Christie
Ă  partir du recueil d’airs, publiĂ© par  Michel Lambert chez Ballard en 1689. Ainsi s’impose aujourd’hui Ă  nous, le chant ” Ă  la lamberte “, saisissant par son sens de la prononciation, de la dĂ©clamation, de l’expression et donc de l’improvisation… autant de qualitĂ©s qui s’exposent plus particulièrement dans les doubles  (reprises de la première strophe oĂą la virtuositĂ© et la fantaisie du chanteur sont sollicitĂ©es… et attendues).
Langueur et pleurs, prière et invocation souvent douloureuse … : Amour ici affecte, inflige, blesse … les vertiges du sentiments inspirent en particulier les poètes Quinault, de la Sablière, Lauvergne, Bouchardeau… surtout La Fontaine, poète de Vaux le Vicomte dont le fameux poème des Amours de PsychĂ© et Cupidon (air ” Tout l’univers obĂ©it Ă  l’amour …”)… Lambert imagine les musiques enchanteresses (amoureuses ?) que Cupidon en son palais, destine Ă  sa future maĂ®tresse PsychĂ© : sonoritĂ©s exquises et suspendues (voix et luths) enivrant les cĹ“urs envoĂ»tĂ©s. Le compositeur exprime l’ivresse des sens qui emporte le coeur de la belle PsychĂ© (comme si OrphĂ©e et Amphion les eussent conduits eux-mĂŞmes, est-il prĂ©cisĂ© par le poète enchanteur).
Aux cĂ´tĂ©s entre autres de Lambert, se distingue l’Ă©criture de son Ă©lève HonorĂ© d’Ambruys, cĂ©lèbre lui aussi pour son Livre d’airs (dĂ©diĂ© Ă  son maĂ®tre et datĂ© de 1685). Sur le poème de la Comtesse de La Suze, Le doux silence de nos bois, d’Ambruys imagine l’une des plus Ă©mouvantes illustrations des vanitĂ©s amoureuses, invitation troublante Ă  jouir de l’instant prĂ©sent, Ă  cueillir la rose Ă  son apogĂ©e, printemps Ă  la fois rĂŞvĂ©, arcadien mais unique et bientĂ´t lointain…
Peut-on imaginer interprètes plus inspirĂ©s pour chanter la nature enchantĂ©e, celle des bergers amoureux que ” Bill ” et ses musiciens, lui-mĂŞme crĂ©ateur Ă  ThirĂ© (VendĂ©e) de l’un des festivals les plus envoĂ»tants qui soient, entre nature et musique, poĂ©sie et jardins, chant et concerts… Une Arcadie recomposĂ©e enfin accessible grâce Ă  l’oeuvre et la volontĂ© du plus grand chef actuel, dĂ©fenseur depuis ses dĂ©buts de la magie comme de l’enchantement baroque.

Airs sérieux et à boire
Lambert, d’Ambruys
Quinault, Lafontaine

Tournée événement en 5 dates

Arles, le 12 décembre 2013, 20h30
Chapelle Saint-Martin du Méjan

 

Caen, le 14 décembre, 20h
Auditorium du Conservatoire CRR
programmation du théâtre de Caen hors les murs

Versailles, le 16 décembre, 20h
Opéra royal

Londres, le 19 décembre, 19h30
Wigmore Hall

Paris, le 20 décembre, 20h
Cité de la musique
Enregistré par France Musique

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Illustrations : William Christie, Michel Lambert (DR) – peintures : AllĂ©gorie des arts sous le règne de Louis XIV, RĂ©union de musiciens par Antoine Bouys, vers 1700, Musiciens en concert par François Puget vers 1688 (DR)

Un lieu, un musicien : Lully Ă  Versailles (II)

Un lieu, un musicien : Lully Ă  Versailles (II)

 

 

Lully Ă  la cour de Louis XIV

 

Lully_versailles_portraitSeconde habiletĂ© du Florentin en France : Lully ” le Français” dĂ©sormais, favorise le retour de Cavalli, l’Italien, Ă  Venise. L’opĂ©ra de ce dernier, Ercole Amante, spectaculaire et poĂ©tique, jouĂ© le 7 fĂ©vrier 1662 devant la Cour est … un Ă©chec. Les six heures de musique et de chant italien oĂą sont intercalĂ©s les ballets de Lully, pâtissent des machineries trop bruyantes. Mais les ballets sĂ©duisent. Cavalli quitte donc Paris. Lully triomphe.
Son succès suscite la jalousie des Ă©crivains et des hommes de théâtre. La Fontaine, Boileau, Bossuet sont irritĂ©s par ce jeune ambitieux opportuniste que l’amitiĂ© du Roi protège. L’affection du Souverain va grandissante. Les tragĂ©dies lyriques de Lully lui vaudront mĂŞme l’obtention de ses lettres de noblesse et son titre de conseiller-secrĂ©taire du Roi en 1680. La position que lui permet le Souverain, vĂ©ritable roi artiste et esthète protecteur des arts, inaugure un statut inconnu avant lui. Elle tĂ©moigne de la reconnaissance d’un musicien dans son temps.

 

 

Un lieu, un musicien

 

Si Louis XIV a créé Versailles sur le thème des plaisirs, la Cour ne dispose pas d’une salle de théâtre digne de son Ă©clat. De plus, la crĂ©ation d’un opĂ©ra français est tardive dans le siècle. La première tragĂ©die lyrique de Lully voit le jour en 1673 (Cadmus et Hermione) quand l’opĂ©ra vĂ©nitien a inaugurĂ© son théâtre public payant depuis… 1637.
En France, les autres arts bĂ©nĂ©ficient de structures dĂ©jĂ  anciennes. Richelieu a créé l’AcadĂ©mie française de peinture en 1648. Il faut attendre 1669 pour que naisse une AcadĂ©mie de musique. L’Ă©cole de peinture est florissante dès le règne de Louis XIII. Sous l’impulsion de Mazarin, de nombreuses sensibilitĂ©s talentueuses attestent de la diversitĂ© de la maturitĂ© française : Jacques Stella, Laurent de la Hyre, Lubin Baugin, Eustache Lesueur, SĂ©bastien Bourdon… autant d’atticistes parisiens qui Ă  l’Ă©gal des maĂ®tres italiens, renouent avec un sens de l’Ă©quilibre nĂ©ogrec. Le cas de la musique est tout Ă  fait diffĂ©rent.

louis_XIV_alexandre_Versailles_baroque_musiqueL’Italie – berceau des arts depuis l’AntiquitĂ© romaine, statut renforcĂ© pendant la Renaissance -, a fĂ©condĂ© la France du Grand Siècle. Dans le cas du théâtre lyrique, avant la naissance et l’Ă©closion d’un style original, un temps d’apprentissage et d’assimilation est nĂ©cessaire. La musique s’impose peu Ă  peu grâce au ballet de cour. Sur la danse puis la comĂ©die, elle Ă©tend son empire et deviendra tragĂ©die (sur le modèle lĂ  encore des grecs antiques).  Lully de naissance italienne, rĂ©alise le projet d’un opĂ©ra français.
A Versailles, la difficultĂ© de construite un théâtre d’opĂ©ra est l’Ă©cho de ce constat. Si les fondations d’une salle de ballets et d’opĂ©ras sont amorcĂ©s dès 1688, Ă  l’extrĂ©mitĂ© de l’aile nord, les guerres et les difficultĂ©s de la fin du règne font avorter les plans. Les conditions du spectacle Ă  Versailles sont particulières. Quand les reprĂ©sentations n’investissent pas Ă  la belle saison, les sites de plein air, les façades du château ou le cadre des jardins-, le Roi s’accommode d’un ” modeste ” petit théâtre ou salle des comĂ©dies.
Versailles est d’abord le lieu de sĂ©jours de plus en plus frĂ©quents et enchanteurs du jeune souverain. Dès octobre 1663, Louis et sa suite s’installent au château pour y chasser. La troupe de Molière donne ses pièces, le Prince jaloux, l’Ă©cole des Maris, les Fâcheux, l’Impromptu de Versailles, et aussi Sertorius de Corneille. C’est un lieu de villĂ©giature, cynĂ©gĂ©tique et théâtral oĂą la musique n’a pas encore sa place. Il abrite les amours royales, celles du jeune Roi et de Mademoiselle de la Vallière.

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Louis XIV jeune monarque conquérant par Nanteuil (DR)

Lully et Molière

 

lully_gravure_450De 1662 Ă  1663, les ailes des Communs (Ă©curies et cuisines) sont rebâties. une première orangerie, l’amorce du dessin des jardins, Ă©laborĂ©s par AndrĂ© Le NĂ´tre, occupent les Ă©quipes d’ouvriers. Versailles est un chantier Ă©tendu aux transformations continuelles. Lully et Molière qui se sont rencontrĂ©s dès 1661, pour la comĂ©dies Les Fâcheux, reprĂ©sentĂ© Ă  Vaux, commencent une collaboration fructueuse. Pour  ” Les Plaisirs de l’ĂŽle EnchantĂ©e “, premier grand divertissement de Versailles, donnĂ© Ă  l’Ă©tĂ© 1664, ils rĂ©alisent Le mariage forcĂ© et La Princesse d’Élide. ” Les deux Baptistes ” font danser, rire et rĂŞver la Cour de France. Tout Ĺ“uvre Ă  faire du parc, un lieu propice Ă  l’amour et Ă  la fĂŞte, dont le sujet s’adresse secrètement Ă  l’aimĂ©e, Mademoiselle de La Vallière, celle qui, l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente avait inspirĂ© au roi, sa première escapade versaillaise. La magie de l’amour règne alors.
Carlo Vigarani Ă©labore les dĂ©cors de ce superbe ” opĂ©ra chevaleresque ” oĂą Roger et les chevaliers sont prisonniers des enchantements de la belle Alcine.  DĂ©sormais Molière et Lully conçoivent les divertissements royaux. En 1665, c’est L’Amour MĂ©decin. Parallèlement, Lully produit l’ensemble des ballets du Roi auxquels participent Beauchamps pour la chorĂ©graphie et Vigarani pour dĂ©cors et machineries : ballet de la naissance de VĂ©nus (janvier 1665, Palais Royal), Ballet de CrĂ©quy ou le triomphe de Bacchus aux Indes (janvier 1666). Après le deuil de la Cour qui suit la mort d’Anne d’Autriche, Lully crĂ©e Ă  Saint-Germain, le Ballets des muses, mi-ballet, mi-comĂ©die-ballet, oĂą s’intègre une pastorale comique, nouveau genre inaugurĂ© en 1654 par de Beys et La Guerre.

1668 indique la deuxième tranche des grands travaux Ă  Versailles. Le corps central se pare d’une enveloppe de pierre : c’est le château neuf.  Versailles terrasse jardinsLa façade sur les jardins dĂ©ploie Ă©lĂ©gance et unitĂ© minĂ©rale, selon le dessein de Le Vau : trois Ă©tages rythment l’Ă©lĂ©vation, un rez de chaussĂ©e Ă  bossages, aux lignes horizontales marquĂ©es, un Ă©tage noble haut sous plafond rĂ©servĂ© aux Grands Appartements, celui du Roi (au nord) et de la Reine (au sud cĂ´tĂ© orangerie), enfin un attique ou dernier Ă©tage dont la balustrade dissimule les toitures, selon le modèle antique. Une large terrasse dont le vide central engendre ombre et lumière, s’inspire de l’architecture baroque romaine, celle des palais princiers. Versailles vit toujours Ă  l’heure italienne.

 

Suite du dossier Lully Ă  Versailles, III : l’opĂ©ra au château

 

Illustrations : Portraits de Lully, Louis XIV en Alexandre, le Surintendant Lully, la façade du château de Versailles en 1668 avec sa terrasse cĂ´tĂ© jardins …

 

Un office au Grand Siècle (Hervé Niquet, Le Concert Spirituel) : Missa Macula non est in te de Louis Le Prince

Video_leprince_chapelle_royale_niquetVersailles, Chapelle royale, octobre 2012. HervĂ© Niquet reconstitue un office au Grand Siècle : dirigeant uniquement des chanteuses, comme s’il s’agissait d’un office dans un couvent de religieuses, le chef fondateur du Concert Spirituel dĂ©voile les vertiges classiques de Louis Le Prince, premier musicien baroque Ă©pris d’austĂ©ritĂ© archaĂŻque, aux cĂ´tĂ©s des fastueux et italianisants Lully et Charpentier… Reportage exclusif © classiquenews 2012

Versailles : Musiques pour les noces de Marie-Antoinette et de Louis XVI, Les Siècles (novembre 2012)

Jean-Philippe Rameau Ă  ParisMusiques pour Marie-Antoinette… Dans la galerie des Glaces Ă  Versailles, l’orchestre sur instruments anciens Les Siècles joue sous la direction de François-Xavier Roth, le programme des fĂŞtes pour le mariage de Marie Antoinette et de Louis XVI : Gluck reprĂ©sentant de la musique moderne puis Rameau et Lully réécrits par Gossec et Dauvergne, dans le style nĂ©oclassique des annĂ©es 1770 … Grand reportage vidĂ©o

Lully Ă  Versailles 1 : Lulli avant Lully

lully_portrait_mignard_lebrunUn lieu, un musicien … Lully Ă  Versailles 1 : Lulli avant Lully    .…    Rien ne laisse prĂ©sager la fulgurante ascension du florentin Giovanni Battista Lulli au moment de son arrivĂ©e Ă  Paris en 1646. Le jeune violoniste n’a que 14 ans. Sa prĂ©sence souligne la place des italiens Ă  la Cour de France. Elle est conforme au goĂ»t du cardinal mazarin qui rĂ©vèle alors l’art italien. RamenĂ© de Florence par le Chevalier de Guise, le petti Lulli est ” garçon de chambre ” auprès de la Grande mademoiselle, duchesse de Montpensier, qui aime converser en italien. BientĂ´t Lulli devient ” grand baladin ” de la duchesse. Pendant la Fronde, la princesse ralliĂ©e Ă  CondĂ© depuis 1651, dirige les canons de la Bastille contre les troupes royales.  Le Roi punit l’insolence des Grands et La Montpensier est exilĂ©e Ă  Saint-Fargeau. Lulli quitte le navire condamnĂ©.  Il paraĂ®t dĂ©jĂ  dans l’entourage de Mazarin, de retour Ă  Paris en fĂ©vrier 1653, Ă  24 ans.  L’affirmation du raffinement accompagne le rĂ©tablissement de l’ordre monarchique, de la Reine Anne d’Autriche, du Cardinal et du jeune Louis XIV.

 

Le Florentin, maître des ballets de cour

 

Lulli est propulsĂ©. Ses talents pour la danse sĂ©duisent un autre danseur passionnĂ©, le jeune monarque. Tous deux figurent, cĂ´te Ă  cĂ´te, dans le ballet royal de la nuict, le 23 fĂ©vrier 1653 oĂą Louis paraĂ®t dĂ©jĂ  en Soleil Ă©blouissant, vainqueur des frondeurs et de la guerre civile. Après le Chaos, place au retour Ă  l’harmonie des planètes dont le centre est le roi.  La faveur royale se prĂ©cise. Lulli succède Ă  Lazzarini au poste de “compositeur pour la musique instrumentale”.  Il rejoint les Vingt-Quatre Violons du Roi mais il obtient du Souvrain de fonder son propre orchestre, Les Petits Violons ou La Petite Bande.

MazarinDe 1654 Ă  1666, Lulli dirige son propre orchestre dont la renommĂ©e, associĂ©e Ă  la nouvelle gloire de Louis XIV et de la France repacifiĂ©e, gagne toute l’Europe. L’annĂ©e 1654 est emblĂ©matique de son activitĂ© : Ă  25 ans, c’est un compositeur chorĂ©graphe hyperactif ; il livre le ballet des proverbes en fĂ©vrier ; Les Noces de PellĂ©e et de ThĂ©tis en avril ; le Ballet du temps en novembre, permettant Ă  la Cour de France de rĂ©aliser sa passion historique pour la danse et le ballet de cour.
De 1653 Ă  1655, le Baladin met en musique les vers du poète Benserade. Pour Louis XIV, Lulli est un compagnon de jeu et l’ordonnateur de ses plaisirs. Jeunesse de prince, source de belle fortune Ă©crit La Bruyère. DĂ©sormais la carrière du Florentin est liĂ©e Ă  l’ascension du Roi.

 

 

Surintendant et compositeur de la Chambre : Lulli devient Lully

 

Louis XIV SoleilLa place du musicien grandit. L’Ĺ“uvre de Mazarin a portĂ© ses fruits. Le cardinal est très amateur de musique. Avant Paris, il a participĂ© Ă  Rome, Ă  l’Ă©closion de l’opĂ©ra romain en organisant plusieurs spectacles de musique pour son protecteur, le cardinal Antonio Barberini.  Mazarin entend importer le luxe italien Ă  Paris. Par sa volontĂ©, l’Italie s’implante en France. La prĂ©sence de Lulli s’inscrit dans ce courant du goĂ»t officiel. Dès 1645, le cardinal commande Ă  Paris, La Finta Pazza de Sacrati. La magie de la musique italienne et les dĂ©cors du magicien Torelli, captivent l’auditoire. L’Orfeo de Luigi Rossi renouvelle l’expĂ©rience l’annĂ©e suivante (1646)… quand Lulli arrive Ă  Paris.  Le faste des productions contribue Ă  l’impopularitĂ© de Mazarin. Les mazarinades, pamphlets contre le politique, citent la trop riche dĂ©pense du ” grand faiseur de machines “.  En dĂ©finitive, Lulli rĂ©alise le projet de Mazarin mais après la mort du cardinal.

Louis XIV jeuneTrès vite, le compositeur oeuvre pour sa position. Ses ballets intĂ©grĂ©s aux opĂ©ras du vĂ©nitien Francesco Cavalli assurent sa rĂ©ussite. L’Ă©lève de Monteverdi Ă  Venise est le grand invitĂ© de la Cour de France : il est sollicitĂ© pour y dĂ©velopper l’opĂ©ra italien. C’est d’abord Serse, reprĂ©sentĂ© Ă  la demande de Mazarin, devant la Cour, pour le mariage de Louis XIV, au Louvre, le 22 novembre 1660. Les danses de Lulli se dĂ©tachent et l’imposent comme un compositeur français. Verve, tempĂ©rament scĂ©nique, intelligence des situations confirment le talent du musicien que le Roi nomme en mai 1661 : ” Surintendant et compositeur de la Chambre “.  Le compositeur s’Ă©lève Ă  mesure que le danseur s’efface. En dĂ©cembre 1661, Lulli obtient ses lettres de naturalisation. Il Ă©pouse le 24 fĂ©vrier 1662 Ă  Saint-Eustache, Madeleine Lambert, fille de Michel Lambert, compositeur, et maĂ®tre de musique de la Chambre, cĂ©lèbre auteur d’airs de cour.
Ainsi au dĂ©but des annĂ©es 1660, lorsque, après la mort de Mazarin (1661), le jeune Louis XIV prend le pouvoir, l’ambition du musicien se dessine : Lulli meurt tout Ă  fait afin que naisse Lully.

 

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Illustrations : le cardinal Mazarin et ses collections d’antiques Ă  Paris, Le jeune Louis XIV en Soleil dans le Ballet de la nuict de 1653 … Louis XIV jeune. Versailles en 1668 (Pierre Patel).

Versailles : le petit théâtre de la Reine

Un théâtre pour Marie-AntoinetteMarie-Antoinette insuffle Ă  la Cour de France un nouveau vent musical en liaison directe avec ses goĂ»ts d’active mĂ©lomane : harpiste, chanteuse et pianofortiste, la jeune Reine au dĂ©but des annĂ©es 1770 fait venir son professeur de musique Ă  Vienne, Gluck. Le Chevalier ne fait pas qu’investir l’opĂ©ra français : il en rĂ©forme dans le bon sens le cadre, le langage, les finalitĂ©s. Le drame, la cohĂ©rence gĂ©nĂ©rale, l’expressivitĂ© plutĂ´t que la virtuositĂ©, les caprices des chanteurs… Après Gluck, Marie-Antoinette accueille les Italiens, Piccinni puis Sacchini, mais aussi GrĂ©try et Gossec, sans omettre Johann Christian Bach et Salieri. Juste avant la RĂ©volution, jamais la scène française ne fut aussi riche et prolyxe, inventive et audacieuse.

Théâtre de poche, 1780

Au moment oĂą Gluck rĂ©volutionne les planches lyriques, la Reine reçoit en 1774 comme cadeau de son Ă©poux Louis XVI, le domaine et le palais du Trianon : Ă  l’origine, il s’agissait de la demeure de La Pompadour, elle aussi si protectrice des arts, prĂ©sent de Louis XV Ă  sa maĂ®tresse et son amie. Par la suite l’architecte Jacques Anges Gabriel Ă©difiera l’OpĂ©ra royal de Versailles dans le pur style Louis XVI …

Pour assurer l’activitĂ© artistique qu’elle a connu Ă  Vienne, Marie-Anotinette fait Ă©difier par Richard Mique, un théâtre miniature dans son domaine : il est inaugurĂ© en 1780.
De l’extĂ©rieur, l’Ă©crin du petit théâtre offre une façade sĂ©vère nĂ©o antique assez neutre : sa discrĂ©tion se rĂ©vĂ©lera dĂ©cisive pour sa prĂ©servation pendant la RĂ©volution. A l’intĂ©rieur, une centaine d’invitĂ©s de la Reine assiste aux reprĂ©sentations théâtrales et aux concerts dans un dĂ©cor or, bleu et blanc d’un raffinement discret, conçu avec des matĂ©riaux Ă©conomiques : les statues sont de stuc, les marbres, peints en trompe l’oeil.  Une vingtaine de musiciens assurent le soutien musical des soirĂ©es lyriques ; et la scène, plus dĂ©veloppĂ©e que la salle, accueille toujours une machinerie demeurĂ©e intacte depuis le XVIIIème.
Pour sa royale mécène, Richard Mique dessine le parc de Trianon version Marie-Antoinette : un hameau et ses bergers, un lac et son phare, sertis par des jardins anglais.

CD. Rameau : Dardanus, version 1744 (Pygmalion, 2012)

CD. Rameau : Dardanus, version 1744 (Pygmalion, 2012)     …    Le Château de Versailles inaugure avec ce double cd, sa future collection de tĂ©moignages discographiques en liaison avec sa nouvelle programmation musicale et lyrique, rĂ©alisĂ©e Ă  l’OpĂ©ra royal …

Loin de dĂ©mĂ©riter, la lecture que proposent aujourd’hui Raphael Pichon et son Ă©quipe ramĂ©lienne ” Pygmalion “, manquent indiscutablement … d’Ă©paisseur. Le dĂ©sir de se dĂ©passer, l’engagement ne sont pas en jeu mais outre les faiblesses d’un plateau de solistes nettement en deçà des joyaux de la partition, la question centrale demeure l’absence criante de ce feu inestimable qui justement fait de Rameau non pas ce musicien savant – qu’a très habilement dĂ©noncĂ© et critiquĂ© Rousseau-,  mais bien le gĂ©nie de l’opĂ©ra baroque français. Il est vrai que seuls les plus grands se sont risquĂ©s et ont rĂ©ussi : au dessus des Minkowski, Herreweghe, et aujourd hui Rousset, se situe en maĂ®tre absolu, l’inatteignable autant qu’enchanteur, William Christie Ă  la tĂŞte de ses Arts Florissants. Souhaitons que pour l’annĂ©e 2014, celle des 250 ans de la mort du Dijonais, un Ă©diteur pertinent réédite l’ensemble des cd Rameau enregistrĂ©s par William Christie… car nous tenons lĂ  une somme musicale et lyrique lĂ©gendaire autant que nĂ©cessaire. Le coffret Ă©ditĂ© par Alpha apporte certes un nouvel Ă©clairage sur une version mĂ©sestimĂ©e de Dardanus … mais il ne suffit pas de jouer sur instruments anciens, de chanter dans le style historiquement informĂ©, d’Ă©toffer sa dĂ©marche d’un aspect documentaire et de recherche pour convaincre absolument. Qui prĂ©cisait avec raison qu’avant le concert, c’est “ 95% de technique et de recherche ; pendant le concert, c’est 95% de musique ! “…  ? La maxime n’a pas perdu de sa pertinence et dĂ©montre qu’ici Rameau, en rĂ©alisation finale,  reste trop scolaire. MĂŞme s’il est scrupuleusement restituĂ©.

 

 

Un Rameau encore un peu vert

 

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Or qu’avons nous ici ? Parlons d’emblĂ©e des faillites vocales … HĂ©las Bernard Richter fait un Dardanus un peu raide et pointu avec des aigus souvent tendus qui manquent malgrĂ© une indiscutable intelligibilitĂ©, de souffle et de dĂ©lire : on ne frĂ©mit en rien Ă  l’horreur sensĂ©e le/nous saisir dans ces lieux funestes qui ouvrent le IV.
MĂŞme l’Ismenor de la basse Joao Fernandes, de loin le timbre le plus savoureux des 3 rĂ´les graves (Ismenor, Teucer et Antenor), reste lui aussi strictement bien chantant si peu impliquĂ© par les enjeux rĂ©els du personnage : trop sage, trop prosaĂŻque… dommage car la voix est somptueuse. Et BenoĂ®t Arnould que l’on ne cesse de prĂ©senter toujours comme la jeune basse prometteuse : son Antenor reste bien sage ; tout aussi tendu et noyautĂ© voire contraint et d’une projection confidentielle lĂ  encore. Il n’est que Gaelle Arquez qui exprime d’une certaine façon, dans chacun de ses airs souvent Ă©plorĂ©s et plaintifs, (surtout dans le rĂ©citatif libre au dĂ©but du V) les tourments d’une  âme vĂ©ritablement Ă©prouvĂ©e … rĂ©ussissant Ă  incarner non plus un type mais un ĂŞtre de sang et de langueur, dĂ©chirĂ© et tiraillĂ©. .. au comble de la tension et de l’insupportable tragique. De loin, c’est bien la soprano qui campe une Iphise en proie au doute, d’une justesse de ton, fragile et inquiète, jamais convenue ni prĂ©visible (comme peuvent l’ĂŞtre a contrario ses partenaires si convenus).
Reste que dans cette version née de la refonte de 1744 : plus grave et tendue, noire et introspective, si cornélienne au fond, où Rameau concentre son génie sans jamais le diluer-, Pygmalion manque de délire, de vérité ; oserions-nous dire de maturité comme de profondeur ? Le choeur ici réuni peine et pédale trop souvent, sans enclencher une action progressive.
Certes la science agile et fluide des ballets (très beau final dont la fameuse chaconne conclusive si suggestive et aĂ©rienne), la nervositĂ© des cordes en rĂ©sonance avec flĂ»tes et basson, accrĂ©ditent aujourd’hui ce collectif plutĂ´t jeune dans leur dĂ©sir de servir Rameau : d’autant que le nom mĂŞme de l’ensemble serait un hommage au Dijonais…. mais du gĂ©nie dramatique, de l’art singulier du compositeur philosophe et thĂ©oricien, nous n’avons au final qu’un maigre aperçu. Ne s’agirait-il finalement que d’un bon devoir d’Ă©cole, appliquĂ©, scrupuleux, trop respectueux …. ? Rendez-vous dans quelques annĂ©es (ou attendons ce 3eme volet dĂ©jĂ  annoncĂ© Castor et Pollux… au concert debut 2014 puis comme ici au disque ?). Il n est guère qu’un seul faiseur de rĂŞves et de fulgurance s’agissant de Rameau : William Christie et ses fabuleux Arts Florissants! Autant de science de grâce d’humanitĂ©, de passionnante poĂ©sie et de magie interprĂ©tative nĂ©e d’une complicitĂ© active depuis 30 annĂ©es ( Ă©coutez ici leur lecture d’Hippolyte et Aricie) … autant de qualitĂ©s qui nous paraissent hors de portĂ©e des interprètes de ce disque.
Remarque : il est dommage que le livret accompagnant et prĂ©sentant les 2 cd ne dĂ©veloppe pas l’approche spĂ©cifique des interprètes ; pourquoi dĂ©fendre aujourd’hui la version 1744 ? Quels apports en dĂ©coule t il ? Comment dĂ©fendre surtout une nouvelle lecture, avec quels chanteurs et quel orchestre ? De toutes ces questions passionnantes nous restons tristement orphelins.

 

 

Rameau : Dardanus, version 1744. 2 cd Alpha. Parution : octobre 2013. Solistes, ensemble Pygmalion. RaphaĂ«l Pichon, direction. Enregistrement live rĂ©alisĂ© en 2012 Ă  l’OpĂ©ra royal de Versailles.

 

VIDEO. Armide, Médée : les ballets de Noverre ressuscitées (Versailles, 2012)

Vidéo. Les ballets de Noverre ressuscités à Versailles 2012)

Noverre_Perroneau_PortraitOfJeanGeorgesNoverreVersailles : l’art chorĂ©graphique Ă  l’heure des Lumières. L’OpĂ©ra royal de Versailles accueillait en dĂ©cembre dernier (13 et 15 dĂ©cembre 2012), la recrĂ©ation des ballets d’action de Jean-Georges Noverre, l’inventeur du ballet moderne au dĂ©but des annĂ©es 1760… Renaud et Armide et MĂ©dĂ©e et Jason, deux portraits de magiciennes amoureuses, trahies et blessĂ©es… Figures prĂ©romantiques de la passion tragique. Grand reportage vidĂ©o
Dans les annĂ©es 1760, avant la rĂ©volution Gluckiste, l’opĂ©ra français reçoit un type de spectacle total, le ballet d’action dont l’excellence des disciplines associĂ©es marque un sommet de l’Ă©criture chorĂ©graphique. Sur la musique de Jean-Joseph Rodolphe, le chorĂ©graphe Jean-Georges Noverre (1727-1810) imagine ce théâtre parfait oĂą le seul langage du corps dansĂ© exprime les mĂŞmes passions que celle de la tragĂ©die lyrique contemporaine. Le CMBV Centre de musique baroque de Versailles, s’associe au Centre de musique romantique française Palazzetto Bru Zane et restitue l’Ă©loquence d’un genre oubliĂ© qui a marquĂ© les esprits.  Au programme, les mĂŞmes sujets mythologiques que l’opĂ©ra met en scène: MĂ©dĂ©e et Jason (ballet tragique créé Ă  Stuttgart en 1763) et Renaud et Armide (hĂ©roĂŻ-pantomime créée Ă  Lyon en 1760) et repris Ă  l’OpĂ©ra royal de Versailles en 1775.

CD. M-A. Charpentier: Judith (Schneebeli, 2012)

CD. M.-A. Charpentier: Judith, le massacre des innocents (1 cd K617)

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Charpentier: Judith, Massacre des Innocents (Schneebeli, 2012). Pour qui a assistĂ© au concert originel dans la Chapelle royale de Versailles, dĂ©but octobre 2012, sait que cet enregistrement rend compte d’une partie du programme qui aux cĂ´tĂ©s de Judith et du Massacre des Innocents (le sommet Ă©motionnel de la soirĂ©e) comprenait aussi le remarquable Jugement dernier et son Ă©vocation spectaculaire de la violence divine contre sa crĂ©ation… Nonobstant voici les deux versants convaincants d’un inoubliable tĂ©moignage Ă  Versailles, portĂ© par les troupes conduites par Olivier Schneebeli : Chantres et Pages de la MaĂ®trise du Centre de musique baroque de Versailles dont le label K617 a rendu pas Ă  pas les avancĂ©es musicales et interprĂ©tatives sur la durĂ©e (lire notre critique du coffret Musiques sacrĂ©es Ă  Versailles, Ă©ditĂ© par K617 et qui en fĂ©vrier 2013 obtient le Prix de l’AcadĂ©mie Charles Cros).

Incandescence théâtrale de Charpentier

Il existe peu de chĹ“urs d’enfants aussi investis, chantant et jouant l’action théâtrale avec un goĂ»t aussi accompli. Tout le mĂ©rite en revient au chef, directeur musical de la phalange choral: qu’il s’agisse des gardes ivres de sang, excitĂ©s par la barbarie infanticide d’HĂ©rode (impeccable Arnaud Richard), du chĹ“ur bouleversant des mères endeuillĂ©es (d’abord chantĂ© par le trio fĂ©minin, puis repris par les deux sopranos masculins auquel se joint l’excellent chantre Paul Figuier), l’intense et brĂ»lant théâtre de Charpentier se dĂ©voile ici dans toute son urgence, sa concision, sa forme resserrĂ©e, Ă  laquelle les interprètes restituent non sans justesse la tendresse, la sincĂ©ritĂ©, l’âpretĂ© expressive. Le voici ce Charpentier qui nous passionne, plus ardent et efficace que toutes les tragĂ©dies lyriques de Lully. Aussi bouleversant que son maĂ®tre Ă  Rome, Carissimi soi-mĂŞme. Le Massacre des Innocents H411 souligne le travail de la MaĂ®trise, une phalange qui outre le souci de restitution des partitions historiques sait surtout exalter la lyre dramatique, la vitalitĂ© théâtrale des Ĺ“uvres, en servant l’arĂŞte vive du verbe incantatoire et suggestif: Ă  l’engagement des chanteurs, rĂ©pond aussi la cohĂ©rence de la sonoritĂ© globale dont on en soulignera jamais assez la richesse des couleurs grâce Ă  l’Ă©quilibre des timbres associĂ©s: voix de femmes, des enfants et des hommes. Issu de la formation du CMBV, l’Angelus d’Erwin Aros convainc en particulier par la fluiditĂ© de son chant et son scrupule linguistique.

En cela il incarne le versant masculin de sa consĹ“ur Dagmar Saskova, elle aussi formĂ©e par les Ă©quipes du CMBV Ă  l’Ă©loquence et Ă  la rhĂ©torique baroque: sa Judith a la noblesse des martyrs mais aussi la tendre sincĂ©ritĂ© des ĂŞtres traversĂ©s par un pur mysticisme. Son Domine Deus reste irrĂ©sistible par ses brĂ»lures d’une puretĂ© incandescente. Entre rĂ©alisme individuelle et idĂ©alisme et grâce d’une fervente guerrière de Dieu, son verbe superbement articulĂ© fait honneur au Centre dont elle est la meilleure ambassadrice. Son art très abouti des nuances Ă©claire vocalement le peintre caravagesque français choisi pour illustrer le cd: Valentin de Boulogne dont on ne sait s’il faut admirer le plus pour sa Judith triomphante, la suavitĂ© de la palette chromatique ou la sĂ©duction ineffable du type humain…

L’aplomb des solistes, la richesse active et hautement dramatique du chĹ“ur, la direction toute en Ă©lĂ©gance et expressivitĂ© d’Olivier Schneebeli rĂ©alisent ici l’un des meilleurs accomplissements discographiques du CMBV. Un nouveau jalon qui tĂ©moigne avec de sĂ©rieux arguments du niveau atteint par la MaĂ®trise dirigĂ©e par Olivier Schneebeli. Magistral.

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704): Judith ou BĂ©thulie libĂ©rĂ©e – Le Massacre des innocents. Pages & Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles. Olivier Schneebeli, direction.

Judith sive Bethulia liberata H391
(Judith ou Béthulie libérée)

Dagmar Sasková, Judith


Erwin Aros, historicus
ex Israel I
et soliste in tres duces Assyrii, tres viri Israelitae, historici ex Assyriis, historici ex filiis Israel,
duo exploratores ex Assyriis, chorus ex Israel
Jean-François Novelli, Ozias,
historicus ex Israel II,
et soliste in tres duces Assyrii, tres viri Israelitae, historici ex Assyriis,
duo exploratores ex Assyriis, chorus ex Israel
Arnaud Richard, Holofernes,
historicus ex Assyriis, historicus ex filiis Israël,
et soliste in tres duces Assyrii, tres viri Israelitae, historici ex Assyriis,
historici ex filiis Israel, chorus ex Israel
Marie Favier, (Chantre), ancilla
Jozsef Gal, (Chantre), soliste in historici ex filiis Israel

Hugo Vincent, (Page), soliste in chorus ex Israel

Caedes Sanctorum Innocentium H411
(Le Massacre des Innocents)
Solistes
Erwin Aros, Angelus

soliste in tres ex choro fidelium

Jean-François Novelli, Historicus

soliste in tres ex choro fidelium
Arnaud Richard, Herodes
soliste in tres ex choro fidelium
Dagmar Sasková, Mylène Bourbeau (Chantre), Marie Favier (Chantre), chorus matrum A

Paul Figuier (Chantre), Alix de la Motte de Broöns et Hugo Vincent (Pages), chorus matrum B
Les Pages, les Chantres & les Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles
Les Pages
Henri Baguenier Desormeaux, Lucie Camps, Calixte Desjobert, Martin Dosseur,
Adèle Huber, Antoine Khairallah, Mathilde Lonjon, Romain Mairesse, Samuel Menant,
Alix de la Motte de Broöns, Guilhem Perrier, Claire Renard, Chimène Smith,
Gauthier de Touzalin, Jean Vercherin, Hugo Vincent
Les Chantres
Mylène Bourbeau, Marie Favier, Marine Lafdal-Franc, Caroline Villain, dessus
Paul-Antoine Bénos, Paul Figuier,
Atsushi Murakami, Florian Ranc, contre-ténors et hautes-contre
Martin Candela, József Gál, Benoît-Joseph Meier, tailles
Fabien Aubé, Pierre Beller, Renaud Bres, Vlad Crosman,
François Renou, Roland Ten Weges, basses tailles et basses
Les Symphonistes
Benjamin Chénier, violon 1
Léonor de Recondo, violon 2
Pierre Boragno, flûte 1
Jean-Pierre Nicolas, flûte 2
Krzysztof Lewandowski, basson
Sylvia Abramowicz, viole de gambe
Eric Bellocq, théorbe
Fabien Armengaud, orgue positif et clavecin
Olivier Schneebeli, direction

Centre de musique baroque de Versailles

Histoires sacrées de Marc-Antoine Charpentier I à la Chapelle royale

temps fort de la saison musicale 2012

Maîtrise (Pages & Chantres), Olivier Schneebeli


Premier volet sur trois d’un cycle Marc Antoine Charpentier Ă  La Chapelle royale de Versailles : Olivier Schneebeli dirige les forces vives du CMBV (les Pages, les Chantres, les Symphonistes) dans 3 oratorios ou histoires sacrĂ©es du grand rival de Lully Ă  l’Ă©poque de Louis XIV : Le Jugement dernier, Judith et Le Massacre des Innocents. PrĂ©sentation du chĹ“ur historique souhaitĂ© par Louis XIV, travail de la maĂ®trise créée par le Centre de musique baroque de Versailles…. Entretiens avec Olivier Schneebeli et les deux solistes anciens Ă©lèves de la MaĂ®trise: Erwin Aros et Dagmar Saskova (Judith)… Voir le clip vidĂ©o

Télé, Arte. Cecilia Bartoli chante Steffani. Mercredi 26 décembre 2012, 18h40

concerts filmés

Cecilia Bartoli chante Steffani

Arte, mercredi 26 décembre 2012 à 18h40

Steffani le sensuel. Bartoli_steffani_mission_decca_dvd_arte_versaillesTournĂ©e au château de Versailles (salon d’Hercule, salle basse, chapelle royale…), cette sĂ©rie d’airs d’opĂ©ras rĂ©vèle le gĂ©nie lyrique du compositeur oubliĂ© Agostino Steffani (1654-1728). La diva romaine Cecilia Bartoli chante Steffani dans le palais baroque des rois de France, en particulier dans la galerie des glaces ou dans le bosquet de la colonnade (Ĺ“uvre maĂ®tresse signĂ©e LenĂ´tre en 1679)… sur le plan musical, la cantatrice retrouve les musiciens du disque Mission paru en septembre 2012: Diego Fasolis et I Barocchisti; les enchaĂ®nements sont soignĂ©s (air de fureur d’Ermolea puis prière plus tendre d’Alcide (La Cerasta) justement sous les lustres et face aux miroirs historiques (l’une des rares prises directes rĂ©alisĂ©es in situ); la mezzo s’implique pour nous dĂ©voiler la flamme amoureuse d’un prĂ©curseur de Haendel, indiscutablement douĂ©. Avouons notre rĂ©serve quant aux airs martiaux (oĂą la voix redouble d’acrobaties coloratoures comme une trompette), l’Ă©criture n’y est guère innovante, tout au plus conforme au premier XVIIIè; mais quand Cecilia Ă©voque la torpeur voire l’extase amoureuse, ressuscitant Niobe, Anfione (le fameux air des Sphères amies, oĂą sur un tapis de cliquetis discrets, la voix Ă©voque l’harmonie cĂ©leste…), surtout Sabina (Sphères palpitantes, vĂ©ritable appel au sommeil attendri par les deux flĂ»tes), l’ivresse et la justesse expressive enchantent.

Cecilia Bartoli chante Steffani

Extase Ă  Versailles


Steffani Ă  Versailles, l’idĂ©e est plus que pertinente: elle se justifie mĂŞme car le diplomate compositeur joua du clavecin devant Louis XIV… A voce sola (mais accompagnĂ©e par un thĂ©orbe quand le luth vĂ©ritable aurait Ă©tĂ© plus adaptĂ© et historiquement plus juste), la prière introspective comme une berceuse d’Amami (Niobe) prend tout son sens dans l’Ă©crin des boiseries Ă  la capucine de la salle des chantres attenant Ă  l’orgue de la chapelle royale… MĂŞme accomplissement total, dans la magie du cadre, pour cette ” Nuit amie” d’Alcibiade, oĂą l’endormissement le dispute au rĂŞve et Ă  l’enchantement. On rĂŞve demain d’Ă©couter enfin un opĂ©ra de Steffani (Niobe, Sabina, Alcibiade?)… Ă  l’OpĂ©ra royal.

1 heure de pure délectation musicale dont deux duos avec Philippe Jaroussky. DVD événement de décembre 2012.

Mission. Cecilia Bartoli chante les musiques d’Agostino Steffani. Diego Fasolis, I Barocchisti. 1 dvd Decca 074 3604. Airs d’opĂ©ras, Stabat Mater (extrait)…

Prochain dĂ©fi artistique pour Cecilia Bartoli: Norma de Bellini (version pour Maria Malibran, mezzo). Avec Rebeca Olvera, John Osborn, Michele Pertusi… Orchestra La Scintilla. Giovanni Antonini, direction. Festival d’Ă©tĂ© de Salzbourg, les 17, 20, 24, 27 et 30 aoĂ»t, Haus fĂĽr Mozart.

 

Exposition: “Louis XIV: l’homme & le roi”. Château de Versailles. Portrait d’un roi musicien…. Jusqu’au 7 fĂ©vrier 2010

Portrait du Roi mélomane

louis_XIV_portraitUne exposition magistrale dresse le portrait d’un Louis XIV
connaisseur et protecteur des arts. Sous le masque monarchique, les
qualitĂ©s de l’esthète, le goĂ»t de l’homme, ainsi rĂ©vĂ©lĂ©s, continuent de
nous fasciner. A Versailles, jusqu’au 7 fĂ©vrier 2010.

Le château de Versailles
présente pour la première fois, une exposition dédié à celui qui en fut
l’acteur principal, le maĂ®tre-d’oeuvre, l’âme et le grand concepteur: Louis XIV (1638-1715).
Versailles est un opéra célébrant la grandeur de la monarchie
française: de son parc Ă  son orangerie, de l’alignement de ses
parterres jusqu’Ă  l’infini du Grand Canal, se prĂ©cise une vision, Ă  la
fois abstraire et très concrète du Roi, “le plus grand souverain de
l’Univers”. HĂ©ros militaire et conquĂ©rant insatiable…

Versailles plutôt que le Louvre (malgré le voeu de Colbert): dans
l’Ă©crin de la cour de marbre qui a conservĂ© l’ordonnance de l’ancien
château de Louis XIII, le palais Ă©difiĂ© pour Louis-le-Grand s’Ă©rige
comme un manifeste personnel.

L’oeuvre renseigne sur la personnalitĂ© du Roi, sa propre reprĂ©sentation
du pouvoir, surtout ses préférences culturelles, son rapport aux
disciplines artistiques, ses goûts.

Voici en une somptueuse galerie de portraits, les images d’un Roi
narcissique certes mais d’une exigence artistique constante comme le
choix des portraitistes en tĂ©moigne: “Apollon servi par les nymphes”,
groupe sculpté réalisé entre 1667 et 1675 par François Girardon et
Thomas Regnaudin; buste rĂ©alisĂ© en 1665 par l’architecte et
scénographe Bernin (magistralement restauré); effigie désormais célèbre
codifiée et fixée par le peintre Hyacinthe Rigaud en 1702. Plus
incroyable encore, le profil du roi en cire coloriée par Antoine
Benoist, Ă  partir d’empreintes effectuĂ©es directement sur le visage du
roi, alors sexagĂ©naire…
Danseur et guitariste, amateur de théâtre et d’opĂ©ras…

L’attrait de l’exposition et sa pertinence se concentrent sur cet
aspect mĂ©connu de la personne royale: l’ĂŞtre plutĂ´t que le politique
(si tant est que l’on puisse identifier chez le Roi, un aspect de sa
vie qui ne soit pas “officiel”).

Ainsi le mĂ©lomane comprendra au cours de la visite comment le Roi avait une approche rĂ©solument “concrète”
de l’art. Comme il fut danseur, Louis XIV entend connaĂ®tre
techniquement la conception des oeuvres: c’est un souverain qui cherche
à suivre les étapes de la création auprès des peintres, comme des
compositeurs. Original et déterminé, le souverain sut imposer a
contrario de son père qui jouait le luth (instrument plus noble), la
guitare. Exigeant que Robert de Visée le meilleur guitariste du
royaume, ait une chambre proche car il souhaitait Ă©couter l’instrument
pendant ses nuits d’insomnies…

Mais l’exposition Ă©claire aussi toute la genèse et l’Ă©volution du
divertissement Ă  Versailles qui inscrit la musique au coeur du
fonctionnement du Palais et de son parc: fêtes privatives réservées à
la Cour et aux invités du monarque, ballets donc, puis comédies-ballets
pour lesquels oeuvrent de concert, Molière et Lully. Enfin tragédies en
musique, avec une oeuvre encore trop mĂ©connue qui a valeur d’Ă©tape
dĂ©cisive pour le nouveau genre: PsychĂ© de 1671, ouvrage fondateur conçu par Lully, Molière, Corneille et Quinault… (ne manque plus que Racine).

Peintures, sculptures, nombreux dessins et pièces de mobilier… soit
300 oeuvres rĂ©unies, ressuscitent le profil esthĂ©tique et l’Ă©volution
du goĂ»t d’un Roi-Artiste, monarque danseur puis amateur de théâtre…
qui aima se faire représenter en Apollon, dieu des arts, aux côtés de
l’image incontournable du “Roi-Soleil”. Voici enfin le portrait
culturel et musical de Louis XIV que nous attendions. L’apport est
capital.

Versailles, salles d’Afrique et de CrimĂ©e. Exposition “Louis XIV, l’homme et le roi”. Du 20 octobre 2009 au 7 fĂ©vrier 2010.

A lire

Le catalogue de l’exposition
édité par Skira Flammarion: près de 500 pages (496 pages précisément)
dédiées aux thématiques (et questionnements passionnants) que
l’exposition suscite. Sous la direction des deux commissaires, -Nicolas
Milovanovic et Alexandre Maral, respectivement en charge Ă  Versailles,
des peintures et des sculptures-, le contenu synthétise les enjeux et
les apports scientifiques de la rétrospective à Versailles. Un
remarquable travail éditorial replace au coeur des textes édités, la
qualité et la beauté des oeuvres exposées (abondance et qualité des
illustrations choisies). Voyez déjà, en couverture, ce plan rapproché
du buste de Louis XIV par Bernin (1665): l’angle jamais dĂ©voilĂ©
avant, nous fait (re)dĂ©couvrir le Roi -alors âgĂ© de 27 ans- d’une toute
nouvelle façon: sous l’Ă©piderme du marbre, semble frĂ©mir la vraie
personnalitĂ© de l’homme qui est le sujet central de l’exposition
événement.

Pour dĂ©voiler l’ĂŞtre sous artifices et costumes du pouvoir, les textes
réunis analysent les caractères distinctifs de Louis XIV dans
l’exercice du pouvoir (esprit Ă  la fois brutal et surprenant), les
mĂ©tamorphoses de l’image royale, le mythe vivant Ă  travers ses images
sculptĂ©es, … Tout oeuvre Ă  prĂ©ciser le portrait du roi et surtout son goĂ»t.
A ce tire, le lecteur sera comblĂ© car en matière d’art, Louis XIV plus
qu’aucun autre souverain, sauf Leopold Ier son contemporain Ă  Vienne,
ne fut aussi mélomane. Amateur de danses, de fêtes, de théâtre,
d’opĂ©ras, Louis XIV a façonnĂ© ce goĂ»t classique français, Ă  la fois
sobre, monumental, mesuré et naturel qui le distingue désormais de
l’Italie, et l’impose Ă  l’Ă©chelle europĂ©enne comme l’exemple Ă  suivre.
Lecture incontournable. Catalogue de l’exposition: “Louis XIV: L’homme et le roi”. Editions Skira Flammarion, 496 pages. Prix indicatif: 49 euros.

Illustration: Louis XIV par Claude Lefèvre, vers 1669. Portrait méconnu
du jeune monarque, âgĂ© de 31 ans: roi conquĂ©rant (en armure) mais d’une
élégance indiscutable. Celui qui impose une gloire inédite, vient de
cesser sa carrière de danseur et s’intĂ©resse sans faiblir aux arts.
Portrait peu connu… c’est l’une des rĂ©vĂ©lations de l’exposition
versaillaise (New Orleans, Museum of art, huile sur toile).