Cd, critique. MOZART : ZAIDE. Classical Opera. Ian Page (1 cd Signum classics, 2016). L’orchestre CLASSICAL OPERA réunissant quelques uns des meilleurs instrumentistes britanniques actuels par le chef mordant, nerveux, d’une exceptionnelle direction détaillée et aérienne, Ian PAGE, – fondateur de la formation, réussissent un ZAIDE de première qualité : la tenue permanente de l’orchestre demeure vivace, palpitante, électrisée, et aussi d’une flexibilité expressive d’un galbe inouï c’est à dire d’une sonorité à la fois vivante, voire trépidante, et pourtant colorée, détaillée, poétiquement profonde.
Le sujet met en scène des européens (Gomatz, Zaide) réduits en esclavage par le sultan Soliman : une préfiguration de ce que dénoncera L’Enlèvement au Sérail : l’amour souverain contre toute forme d’arbitraire tyrannique.
Ian Page reconstitue la matière dramatique de cet opéra qui devait être en 2 actes, avec son ouverture emprunté à Thamos, roi d’Egypte.
La lecture force l’admiration par son fini, sa grande cohérence, un son mozartien d’une élégance jamais écoutée à ce jour, sur instruments d’époque.
De surcroît, le plateau réunit des solistes chevronnés, soucieux de la projection et de l’articulation de l’allemand, avec verve, imagination, nuance et intensité.
En Soliman, le ténor Stuart Jackson maîtrise idéalement cette nervosité élégante propre au Mozart de la fin des années 1770, sa profondeur et cette lumière noire spécifique à la période où le compositeur émancipé de Salzbourg, recherche un emploi digne de sa valeur, voyageant jusqu’à l ‘épuisement, vivant, éprouvant la douleur la plus intense, comme à Paris en 1778, la mort de sa mère… C’est peu dire que le génie de Mozart, entre tendresse et fulgurance funèbre, tient à cette profondeur grave, cette sincérité émotionnelle, qui est à la fois tendresse et préscience de la mort, ce gouffre vertigineux, noir, déjà romantique. La sensibilité de Wolfgang sait exprimer le désarroi de l’âme éprouvée jusqu’au vertige ultime qui marie douleur infinie et prémonition funèbre. Ainsi les airs ici de Zaide (touchante voire bouleversante à mesure de l’action, Sophie Bevan), qui de tendres versent progressivement dans un infini doloriste, mortifère (air plage 14 « Troslosschluchzet Philome ») qui dans le profil de l’héroïne, préfigure la profondeur tragique de Pamina de la Flûte enchantée. dans un précédent enregistrement, la soprano britannique a enregistré les airs de Sophie Dusseck (cf cd réalisé par Ian Page, « PERFIDO ! »).
Distinguons entre autresn parmi un cast irréprochbale – autre indice de l’intuition infaillible du chef-, l’excellent baryton Jacques Imbrailo (Allazim).
Ian Page comprend la violence du sentiment de solitaire impuissance, d’absolu dénuement qui traverse le personnage de l’héroïne. (plage 15 air « Tiger ! »).
On reste stupéfait par l’économie expressive du chef, sa science du naturel tragique : de fait, où a t on écouté telle sonorité ronde et chaude, flexible et expressive, d’une équilibre souverain ? Le finale, quatuor des protagonistes synthétise toute la charge des Napolitains, avec cette tension préclassique, Sturm und Drang, électrique, dont la tension, l’architecture tragique et héroïque annonce les œuvres ultimes (gravitas morale de Titus), et aussi le Fidelio de Beethoven par cette couleur fraternelle, compassionnelle, humaine, propre au Mozart attendri, supérieurement humaniste.
La compréhension du chef Page face à la géographie et à l’imaginaire fraternel mozartien est proprement superlatif. Mozartien, humaniste, le chef l’est totalement. Le maestro inspiré, raffiné, démontre ici tout ce que Zaide apporte d’éléments décisifs dans la maturation du génie mozartien, le menant directement vers son dernier singspiel lui aussi viscéralement traversé par l’esprit et l ‘idéal des Lumières, La Flûte enchantée de 1791. Lecture superlative.
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CD, critique. MOZART : ZAIDE. Classical Opera, Ian PAGE (1 cd Signum classics, 2016). Sophie Bevan, Zaide. Allan Clayton, Gomatz. Stuart Jackson, Soliman. Jacques Imbrailo, Allazim. Darren Jeffery, Osmin. Jonathan, McGovern. The Orchestra of Classical Opera. Ian Page, direction.