samedi 20 avril 2024

CD, critique. GOUNOD : FAUST (1859). Foster-Williams, Bernheim, Gens / Talens Lyriques (3 cd Palazzetto Bru Zane, juin 2018)

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gounod charles portrait jeune par classiquenews gounod centenaire 2018 par classiquenews portr19Contrairement à la version actuellement jouée à l’Opéra de Paris, soit celle de 1869, celle de 1859 privilégie des dialogues inédits, proches du théâtre, qui éclairent le relief de rôles depuis minorés ou écartés (Wagner, Dame Marthe). Ces derniers restituent à l’ouvrage que l’on pesait très sérieux, une légèreté proche du genre opéra-comique de demicaractère dont le Gounod pas encore réellement célébré, avait la clé. Avec la présence des dialogues, le drame gagne en clarté et précision. Quand la version actuelle de 1869 fait se succéder des tableaux et des situations pas toujours très progressifs. On y perd certes l’air du Veau d’or de Mephisto pour celui plus ancien et presque rafraîchissant de « Maître Scarabée ».

Le Choeur de la radio flamande convainc quelle que soit la figure concernée : jeunes filles candides ou soldats juvéniles.
L’orchestre (Les Talens Lyriques) s’applique, détaille, reste efficace, mais parfois sonne étrangement pompier dans les tutti, couvre la voix (Thulé), … sans jamais donner le vertige fantastique et romantique que l’on attend. La direction est sèche, tendue, nerveuse certes mais sans chair. Strictement narrative. Ombres, vertiges romantiques d’un Gounod wagnérien, sont évacués… Ici importent la clarté, le souci du détail, la perfection de la mis en place : une « objectivité » parfois droite et désincarnée. Germanisme subtil, entre Wagner et Mendelssohn, brillant et élégant (où les valses soulignent les temps forts de l’action dramatique et psychologique), Gounod mérite plus de nuances, d’élans roboratifs, de fluidité incarnée.
L’impression générale reste celle d’une lecture appliquée, parfois maniérée, scrupuleuse, qui manque de souffle, de réels vertiges, de sincérité. Trop d’artifice, de gestes méticuleux au détriment de la vérité plus immédiate du drame.

Côté plateau vocal, détachons le timbre métallique et nasillard, pincé et sans tendresse du Faust de Benjamin Bernheim, mais avec une intelligibilité intéressante. Qu’il est plaisant de comprendre le texte, c’est à dire de ne rien perdre des nuances poétiques du livret, donc des accents spécifiques du chant orchestral qui l’enveloppe.
Truculent, léger, savoureux et comme amusé entre facétie et séduction, l’excellent baryton Andrew Foster-Williams s’impose : son jeu naturel contraste avec le timbre tendu, dévoré du Faust de B Berheim. De ce point de vue la caractérisation des caractères est parfaite.
Valentin dépourvu de son superbe air (« Avant de quitter ces lieux » dont le superbe motif s’entend dès l’ouverture), Jean-Sébastien Bou s’impose par sa présence dramatique.
Juliette Mars en Siebel maîtrise moins l’intelligibillité de son texte, avec des aigus tirés, tendus, vibrés (air « Faîtes lui mes aveux », début acte II). La Marguerite de Véronique Gens défend un souci du texte plus maîtrisé (Air du roi de Thulé), entre noblesse et naturel, un sens des nuances évident que contredit en arrière plan, un orchestre surexposé et hypernerveux aux accents appuyés… dommage. Mais que de distinction efface la pure jeune fille pour une conception plus mûre du personnage, très « princesse incognito » dans une pièce de théâtre.

Justement, dialogues et récits sont restitués dans un style théâtral, mais avec une réverbération étrange voire hors sujet pour la scène lyrique. Tous les caractères et leurs situations semblent se dérouler dans le même lieu : église ou vaste caverne, au volume résonnant, écartant l’intimisme des scènes pourtant plus psychologiques.

Notre réserve concerne le choix artistique des séquences présentées : s’il s’agit non pas d’un « premier Faust » mais d’un « autre Faust », il eut été moins frustrant d’écouter aux côtés des « premiers airs » conçus par le Gounod de 1859, ceux plus tardifs de 1869 mais si beaux et si populaires ; pertinente sur le plan documentaire (pour les spécialistes), une telle production pour le disque, présentant et les airs originels, et ceux plus tardifs, eut été « idéale ». Car ne pas entendre les airs du Veau d’or ou de Valentin crée un manque absolu. D’où l’impression globale de cette « autre » version : originelle certes, juvénile, théâtralement plus riche… mais moins aboutie.

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gounod faust rousset gens palazzetto critique cd classiquenews review critique opera classiquenews bernheim gens bou rousset talens lyriques critique classiquenewsCD, critique. GOUNOD : FAUST (1859). Foster-Williams, Bernheim, Gens / Talens Lyriques (3 cd Palazzetto Bru Zane, juin 2018). Opéra-comique en 4 actes – livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après Goethe – Version première ou « originelle » créé au Théâtre-Lyrique le 19 mars 1859.

Faust : Benjamin Bernheim
Marguerite : Véronique Gens
Méphistophélès : Andrew Foster-Williams
Valentin : Jean-Sébastien Bou
Siébel : Juliette Mars
Dame Marthe : Ingrid Perruche
Wagner : Jean-Sébastien Bou

Choeur de la Radio flamande
Direction : Martin Robidoux
Les Talens Lyriques / dir : Ch Rousset

Enregistrement réalisé en juin 2018.

 

 

 

 

 

 

 

 

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gounod cinq mars cd opera critique review account of classiquenews ulf schirmer mathias videl veronique gens cd 1507-1Livre cd, compte rendu critique. GOUNOD : Cinq-Mars, 1877. Vidal, Gens, Christoyannis, … (2 cd 2015). Dès l’ouverture, les couleurs vénéneuses, viscéralement tragiques, introduites par la couleur ténue de la clarinette dans le premier motif, avant l’implosion très wébérienne du second motif, s’imposent à l’écoute et attestent d’une lecture orchestralement très aboutie. Du reste l’orchestre munichois, affirme un bel énoncé du mystère évoqué, éclairé par une clarté transparente continue, qui quand il ne sature pas dans les tutti trop appuyés, se montre d’une onctuosité délectable. Tant de joyaux dans l’écriture éclairent la place aujourd’hui oubliée de Charles Gounod dans l’éclosion et l’évolution du romantisme français. Et en 1877, à l’époque du wagnérisme envahissant, (le dernier) Gounod, dans Cinq-Mars d’après Vigny, impose inéluctablement un classicisme à la française qui s’expose dans le style et l’élégance de l’orchestre (première scène : Cinq-Mars et le chœur masculin). D’emblée c’est le style très racé de la direction (nuancé et souple Ulf Schirmer), des choristes (excellentissimes dans l’articulation d’un français à la fois délicat et parfaitement intelligible) qui éclaire constamment l’écriture lumineuse d’un compositeur jamais épais, orchestrateur raffiné (flûte, harpe, clarinette, hautbois toujours sollicités quand le compositeur développe l’ivresse enivrée de ses protagonistes).

 

 

tribut de zamora gounod cd critique par classiquenews concert munich compte rendu de classiquenewsCD, critique. GOUNOD : Le Tribut de Zamora 1881. Livre, 2 cd, BRU ZANE, collection « Opéra français » / French opera / H. Niquet. 2018, année musicale riche. De Debussy à Gounod, le génie français romantique et moderne sort du bois et est plus ou moins honorablement servi par les institutions et initiatives privées. Ainsi cet enregistrement de l’opéra de Gounod, oublié, écarté depuis sa création, Le tribut de Zamora qui renaît par le disque après avoir occupé l’affiche munichoise (janvier 2018). Idem pour un Cinq Mars lui aussi méconnu, oublié, ressuscité à Munich…en 2015.
A Paris, on se souvient des récents Faust (Bastille), Nonne Sanglante (Opéra-Comique)… alors que Roméo et Juliette tarde à revenir à Paris, – quand l’Opéra de Tours en avait offert une sublime production, voici donc ce Zamora, espagnolade et peinture d’histoire, à l’efficacité dramatique indéniable, et aux joyaux mélodiques et orchestraux, irrésistibles. Dans cette Espagne du Xè, marqué par la présence arabe, le compositeur joue avec finesse de l’orientalisme coloré, sensuel dont use et abuse avec un génie de l’harmonie, son contemporain et peintre (d’Histoire), Gérôme.

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