CD, critique. Evénement : MOZART : Seong Jin Cho, piano. MOZART (1 cd DG Deutsche Grammophon) Evidemment l’accompagnement (et davantage du maestro québécois Yannick Nézet-Séguin, mozartien de premier plan, depuis son intégrale lyrique en cours depuis Baden Baden chaque été avec Rolando Villazon) est un « plus » décisif, pour un jeune pianiste. Mais le tempérament de ce dernier évite bien des erreurs que d’autres, parmi ses confrères surtout asiatiques, cultivent malgré leur célébrité : Jin Cho collectionne, lui, avec une attention peut-être encore trop précautionneuse, à l’inverse de ses confrères (et consoeurs), une pudeur, et une retenue qui sait aussi s’exprimer dans le clavier. Son refus de la pure virtuosité, soeur d’une ineffable et bien présente intériorité fait miracle ici, car ce Mozart de 1785 (Concerto), d’une maturité experte et si intensément poétique, expose à nu ; révèle les limites d’un jeu sans âme. Rien de tel chez le jeune coréen, déjà remarqué pour ses audaces et introspections chopiniennes et qui gagne dans ce nouveau programme d’indiscutables palmes mozartiennes. Créé à Vienne par Wolfgang lui-même, le Concerto n°20 est un sommet d’élégance et de profondeur, un mariage inouï entre séduction et vérité. A 29 ans, Mozart démontre un génie inclassable, traversé comme personne par la grâce la plus pure. En mode mineur comme le K 491 (ré mineur), il ouvre la voie des pièce maîtresse de l’histoire de la musique, comme est essentielle aussi, par sa couleur et sa progression architecturée, le Symphonie unique de Franck.
Par son innocence éperdue qui affleure dans le mouvement central, le Concerto fait de son essence tragique, un miroitement pudique constellé de nuances tendres. Une telle palette d’émotions et d’accents millimétrés s’entend rarement chez les interprètes. Or cela est palpable dans le jeu du coréen, dans ses audaces (variations libres du premier mouvement) et dans son respect scrupuleux des dynamiques. Le Concerto n°20 est parmi les plus bouleversants de Wolfgang, touchant et au delà par sa profondeur tragique, une sincérité qui désarme et saisit par sa justesse. La finesse d’intonation du jeu pianistique suscite l’admiration par son équilibre, sa mesure, et aussi une simplicité du style qui s’écarte comme on a dit de l’arène plus commune et pourtant largement médiatisée défendue par ses confrères et consoeur asiatiques, surtout chinois. A chacun de deviner (les pianistes de Chine ne sont pas si nombreux actuellement). Le coréen sait demeurer pudique, presque secret, apportant la tendresse et l’humanité, la gravitas et cette innocence qui est insouciance, tant vénérée et sublimée par l’écriture du divin Wolfgang.
Après la complicité et l’écoute résolument chambriste qui unit soliste et chef dans le Concerto n°20, voici deux Sonates parmi les plus redoutables, ne serait-ce que par l’étendue là encore des couleurs contrastées. Dans la Première sonate (K281), le pianiste saisit le caractère fantasque du dernier mouvement ; ses élans tenant du caprice (Rondo – Allegro, plage 6).
L’ultime sonate du programme K332 a cette légèreté tragique et chantante et grave qui révèle l’interprète capable de vrais éclairages intérieurs, d’une éloquence tendre et toujours à l’écoute du cœur.
Pourtant parfois on aimerait une ciselure plus nuancée encore de l’écriture allegro. Une articulation plus proche de la parole et de l’intonation émotionnelle. Mais d’une manière générale, la sensibilité inspire une approche ténue proche de l’intime, cultivant l’extrême délicatesse pudique qui renvoie au Schubert le plus rêveur et le plus introspectif.
Pourtant jeune et nouveau sur la planète Mozart, le jeune coréen surprend par son attention à la clarté pudique, à l’intonation rentrée, parfois secrète, débarrassée de toute affectation, une bouleversante sincérité qui se révèle véritablement dans le mouvement central de la K332, d’une tendresse enivrante, idéalement inscrite dans les replis d’un songe intime.
Voilà donc une remarquable lecture mozartienne. Celui qui s’est jusque la affirmé non sans arguments chez Chopin, dévoile ici des affinités évidentes chez Wolfgang entre candeur et vérité. Bouleversant d’intelligence et de nuance sans l’artifice de la pure démonstration technicienne. CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2018.
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CD, événement, critique. Seong-Jin Cho, piano. Mozart: Piano Concerto No. 20, K. 466; Piano Sonatas, K. 281 & 332. Chamber Orchestra of Europe. Yannick Nézet-Séguin, direction. 1 cd DG Deutsche Grammophon.