CD, critique. DVORAK : Requiem, Chants Bibliques, Te Deum (Hrusa, Belohlavek, 1 cd DECCA 2017) – Le coffret édité par Decca, rassemble les œuvres sacrées du compositeur tchèque Dvorak, qui restent liées à son aventure inouïe auprès des audiences anglo saxonnes : Requiem (Londres), Te Deum (New York). Après le triomphe du Stabat Mater (1876), particulièrement applaudi par le public londonien à partir de 1883 (Royal Albert Hall), Dvorak répond à la demande de son éditeur anglais, Alfred Littleton, et compose une œuvre plus ambitieuse encore, un Requiem (très parsifalien en son ouverture chorale et symphonique)… mais avec une ampleur brucknérienne et une âpreté sincère qui relève de la culture folklorique et populaire de Dvorak. Ainsi avec force publicité, Dvorak présente au festival de Birmingham le 9 oct 1891 son Requiem : l’alliance des parties intimes (solistes) et graves (collectives et chorales) scelle la réussite de la partition et son excellente réception par le public. Y rayonne en particulier la voix de la soprano qui entonne avec ferveur et sobriété la prière « Requiem Aeternam »… L’ambition orchestrale du compositeur se dévoile dans le saisissant Dies Irae : riche en déflagrations mesurées, d’une puissance originale indiscutable, très dramatique et tout autant recueillis, tendus mais jamais secs. Toujours y perce la douleur directe, franche des fervents qui implorent le salut pour ceux qui sont partis…
Le Requiem est écrit alors que depuis juin 1891, Dvorak a reçu la proposition de diriger le Conservatoire de New York : ce qu’il accepte à partir d’oct 1892 et pendant deux années scolaires.
Le Te Deum est créé au Carnegie Hall de New York (21 oct 1891), un mois après son arrivée aux States : on y sent l’ambition de régénérer localement l’essor de la musique indigène, « américaine », entre autres parce que le concert devait célébrer le 400è anniversaire de la découverte de l’Amérique par Colomb. Une entente conjointe entre Dvorak et les Américains allait se concrétiser idéalement lors de la création triomphale elle aussi de sa Symphonie du Nouveau Monde (même lieu, déc 1893).
L’aventure américaine de Dvorak devait être fauchée par la crise économique et la ruine du Conservatoire désormais dans l’impossibilité d’honorer le moindre paiement dès déc 1893.
De Bohème, Dvorak apprend alors la mort de son père : il compose les fameux Chants bibliques pour basse et piano. A Prague, en 1896, Dvorak crée dans le premier concert de la Philharmonie Tchèque récemment constituée, les 5 premiers Chants orchestrés. Ici, le chef Jiri Belohlavek joue les 10 Chants, – aux 5 autographes de Dvorak, se joignent les 5 derniers dans l’orchestration tardive de Burghauser et Hanus (1960).
Mort récemment en 2017, Jiri Belohlavek nous laisse ici son dernier enregistrement : le cycle intégral orchestral des 10 Chants Bibliques gagnent une profondeur à la fois sombre voire lugubre, d’une justesse de ton et dans un équilibre voix / parure orchestrale, très séduisants. Jiri Belohlavek traite la texture symphonique telle une scintillante tapisserie orchestrale qui accordée à la tendresse de la basse Jan Martiník opère et réalise la douceur sousjacente à chacune des 10 séquences.
En « complément », l’opus 89 – le Requiem destiné au public britannique du festival de Birmingham est idéalement réalisé par le chef Jakub Hrusa, qui souligne la sincérité de la ferveur du Dvorak quinquagénaire, très inspiré par l’ombre de la mort, lui-même frappé en de multiples occurrences par le deuil.
Le Requiem a la force et la franchise en effet de celui de Verdi dont il se rapproche par son caractère direct, profondément humain ; la version qu’en donne Jakub Hrusa séduit immédiatement par son implication totale, la cohérence du plateau de soliste (dont les excellents Ailyn Pérez et Michael Spyres), le feu du chœur qui font jaillir la profonde et viscérale prière, voire exhortation au repos.
Même alliance résolue entre les vagues spectaculaires et l’intimité de prières très individualisées dans le Te Deum opus 103, toutes les œuvres étant jouées par le Czech Philharmonic, phalange des plus légitimes et dont l’histoire est intimement liée à celle de Dvorak. Le Te Deum est vraie célébration collective, telle une chevauchée chevaleresque gorgée de saine énergie qui ne manque pas non plus de noblesse fervente (Rex Tremendae porté par la vaillance du baryton Svatopluk Sem) ni de gaieté pastorale et rustique, grâce à l’engagement du chœur qui sonne idiomatique dans le répertoire. CLIC de CLASSIQUENEWS du printemps 2020.
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CD, critique. DVORAK : Chants Bibliques (opus 99, fév 2017 – Jiri Belohlavek) / Requiem opus 89 (sept 2017), Te Deum opus 103 (déc 2018) Jakub Hrusa / Czech Philharmonic / Prague Philharmonic Choir – 2 cd DECCA – CLIC de CLASSIQUENEWS de mars et avril 2020.
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CD, compte rendu critique. DVORAK : STABAT MATER (Belohlavek, Prague mars 2016, 1 cd Decca). Etrangement la Philharmonie Tchèque / Czech Philharmonic sonne démesurée dans une prise de son à la réverbération couvrante qui tant à diluer et à noyer le détail des timbres, comme le relief des parties : orchestre, solistes, choeur (Prague Philharmonic Choir). Heureusement, la direction tendre du chef Jiri Belohlavek (récemment décédé : il s’est éteint le 31 mai 2017) évite d’écraser et d’épaissir, malgré l’importance des effectifs et le traitement sonore plutôt rond et indistinct. C’est presque un contresens pour une partition qui plonge dans l’affliction la plus déchirante, celle d’un père (Dvorak) encore saisi par la perte de ses enfants Josefa en septembre 1875, puis ses ainées : Ruzenka et Ottokar. En LIRE plus