CD, critique. CHOPIN / Benjamin GROSVENOR : Concertos pour piano n°1 et n°2 (1 cd Decca – 2019) – Benjamin Grosvenor, étoile du piano britannique, soit le plus jeune lauréat du Concours BBC Young Musician of the Year, catégorie piano 2004, confirme une sensibilité majeure que l’on trouve osons l’avouer, quelque peu « gâchée » par la tenue de l’orchestre écossais, pas vraiment à la hauteur : direction confuse et peu nuancée d’Elim Chan dont la conception reste schématique sans réelle subtilité onirique. Dommage. Dommage car le pianiste adolescent avait déjà ressenti une fusion totale avec les 2 concertos de Chopin : il y déploie une superbe éloquence intérieure en partie dans les deux mouvements lents, centraux, les plus intimes, en cela révélateurs de la pensée combattive et tendre à la fois du Chopin nostalgique. Le jeune apatride polonais (à 21 ans) en route pour Vienne début nov 1830, emporte avec lui la partition des deux Concertos, amorcées, avancées, l’opus 21 (n°2) dès 1829 ; l’opus 11 (n°1) quelques mois avant… On rêve avec Grosvenor de la beauté de la soprano Konstance Gladkowska qui l’a ensorcelé et dont l’image inspire tout le Larghetto, ample, suspendu du n°2, écrit comme un nocturne avec un épisode médian révolté qui montre aussi, comme chaque premier mouvement, la puissance prébrahmsienne de Chopin amoureux.
Des deux Concertos, c’est surtout le n°1 qui nous époustoufle à chaque audition : son premier mouvement Allegro maestoso ne manque ni de passion fièvreuse, de secousses telluriques qui ébranle jusqu’au fond de l’âme, et aussi une ivresse lyrique éperdue, toujours admirablement articulée. Le Concerto en fa mineur s’impose par le songe lui aussi enivré du Larghetto que Chopin appelle Romance : une véritable déclaration d’amour (en mi majeur) qui ressuscite des sentiments voire une expérience personnelle proche de la sidération sereine : « une rêverie au clair de lune. » ; propre au fantasme de Chopin, il y est question de souvenir, de nuit, d’amour… Benjamin Grosvenor inspiré exprime toutes les perspectives de cette immersion intime, sommet de l’inspiration chopinienne qui annonce l’ultime accomplissement concertant de l’auteur : l’Andante spianato et Grande Polonaise brillante opus 22 (1836). L’œuvre est bien ancrée dans sa terre polonaise, créée au Théâtre de Varsovie le 11 oct 1830. Au mérite de Benjamin Grosvenor revient cette explicitation de l’épanchement nostalgique, déjà présent dans son mouvement central : la remémoration est au cœur de la nostalgie de Chopin et le pianiste nous la rend palpable. Le Mi mineur atteste d’une maturité romantique inouïe où se joue déjà la singularité du maître polonais : une passion qui s’épanche mais subtilement grâce au filtre du souvenir. Rien de direct. Tout y est allusif. Comme le jeu du pianiste britannique.
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CD, critique. CHOPIN / Benjamin GROSVENOR : Concertos pour piano n°1 et n°2 (opus 11 en mi mineur et opus 21 en fa mineur). Royal Scottish Nat Orch. Elim Chan (1 cd Decca – enregistré à Glasgow, août 2019)
Précédentes critiques de cd de Benjamin Grosvenor
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CD événement, compte rendu critique. HOMAGES : Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca). Les Liszt et Franck sublimés du pianiste Benjamin Grosvenor. D’emblée, nous savions qu’à la seule lecture du programme et la très subtile articulation des enchaînements comme des compositeurs ainsi sélectionnés, nous tenions là mieux qu’une confirmation artistique … : un accomplissement majeur s’agissant du pianiste britannique le plus exceptionnel qui soit actuellement et qui en est déjà à son 4è récital discographique pour Decca. Benjamin Grosvenor, parmi la jeune colonie de pianistes élus par Deutsche Grammophon et Decca (Daniil Trifonov, Alice Sara Ott, Yuja Wang… sans omettre les plus fugaces ou plus récents: Elizabeth Joy-Roe, ambassadrice de rêve pour Field chez Decca, ou surtout Seong Jin Cho, dernier lauréat du Concours Chopin de Varsovie…), fait figure à part d’une somptueuse maturité interprétative qui illumine de l’intérieur en particulier ses Liszt et ses Franck.
CD. Dances. Benjamin Grosvenor, piano (1 cd Decca, juillet 2013). En évoquant cette lettre adressée par Scriabine à son élève Egon Petri en 1909 qui lui proposait de construire son prochain récital à partir de transcriptions et de compositions originales de danses, le jeune pianiste britannique désormais champion de l’écurie Decca, Benjamin Grosvenor (né en 1992 : 22 ans en 2014, a conçu le programme de ce nouveau disque – le 3 ème déjà chez Universal (son 2ème récital soliste). Vitalité, humeurs finement caractérisées et même ductilité introspective qui soigne toujours la clarté polyphonique autant que l’élégance de la ligne mélodique (volutes idéalement tracées de l’ultime Gigue), Benjamin Grosvenor affirme après ses précédentes gravures, une très solide personnalité qui se glisse dans chacune des séquences d’esprit résolument chorégraphique. Son Bach affirme ainsi un tempérament à la fois racé et subtil. Les Partitas d’ouverture sont d’un galbe assuré, d’une versatilité aimable, parfois facétieuse révélant sous les exercices brillantissimes toute la grâce aérienne des danses françaises du premier baroque (17ème siècle). L’aimable doit y épouser le nerf et la vélocité avec le muscle et le rebond propre aux danses baroques telles que filtrées par Jean-Sébastien Bach au XVIIIème. Sans omettre, le climat de suspension d’une rêverie ou d’une profondeur nostalgique résolument distantes de toute démonstration.