samedi 20 avril 2024

CD, compte rendu, critique. Oh Boy ! Marianne Crebassa, mezzo (1 cd Erato, 2016)

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crebassa erato cd-crebassa-oh-boy-220x216CD, compte rendu, critique. Oh Boy ! Marianne Crebassa, mezzo (1 cd Erato, 2016). Elle est en une tessiture androgyne, plutôt cuivrée, et virile : ample, agile, intense, vraie furie troublante (qui brave le trépas : Orphée de Gluck version Berlioz) : Marianne Crebassa affirme un vrai tempérament entier et passionné dès son air d’ouverture. Ce premier récital est une mise en bouche des plus appétissantes et au final de l’écoute, totalement convaincante. Il y a chez elle un mixte entre ses prédécesseuses, parmi les plus glorieuses, au timbre très identifié, tel Veronica Van Stade (pour la couleur naturellement blessée de la voix) et aussi Suzann Graham (pour le métal cuivré au medium à la fois corsé mais clair). Idéale pour les emplois de jeune adolescent en déroute émotionnel (Cecilio de Lucio Silla, préparant évidemment au Chérubino, délicieusement suave…) : une seule réserve pour ce timbre généreux, à l’assise sûre, et aux aigus nets et perçants, et terriblement enivrés (l’indice des plus grandes), … une articulation, c’est à dire en français, une intelligibilité encore perfectible (il faut davantage éclaircir les voyelles).

 

 

 

Mezzo mozartien et bel cantiste
Marianne Crebassa convainc totalement en Cherubino et Sesto…

 

Quoique son Ramiro (La Finta giardiniera de Mozart, 1775) exulte, s’enivre, s’abandonne aux fureurs de la passion amoureuse : la voix saisit tous les tiraillements qui écartèle un cœur en panique : très belle ligne vocale et très juste intonation.
Son Urbain (Les Huguenots, 1836) impose la belcantiste affûtée : mêlant autorité, détermination et agilité. Le grave de Niklausse des Contes d’Hoffmann (1881) impose là aussi la chaleur du timbre riche et musical, mais aussi les limites d’une articulation parfois imprécise. Quel dommage car avec un dosage plus ciselé dans le respect du texte, la chanteuse pourra devenir, demain, suprême diseuse (chez Berlioz ? d’ailleurs dommage que le récital ici ne comporte pas de mélodies ; qu’on aimerait l’écouter dans la mort d’Ophélie par exemple, dan sle sillon tracé par une autre mezzo légendaire à ses débuts, Cecilia Bartoli).
La juvénilité du timbre, sa palpitation extrême expriment idéalement l’ivresse et le trouble : belle incertitude et vertiges du sentiment d’Eros de Psyché de Gounod (1857 : vraie révélation et prise de rôle discographique passionnante dans cet apothéose du sommeil enchanteur et rassurant).
Le Stephano du Roméo et Juliette de Gounod (1867) est porté par un charme candide (Que fais-tu, blanche tourterelle?) ; son Prince charmant dans Cendrillon de Massenet (1899) au carrefour des siècles, déploie la plénitude d’un coeur lacrymal et solitaire, qui s’exprime avec beaucoup de pudeur, tout en s’inscrivant dans la tristesse. La fraîcheur innocente du timbre éclaire de fait les airs de Fantasio d’Offenbach (1872) : « Voyez dans la nuit brune », entre berceuse et candeur, mais aussi blessure et nostalgie. Son Siebel (Faust de Gounod, 1859) captive davantage (« Versez vos chagrins dans mon âme ») par la couleur nouvelle d’une volupté caressante.
Notre préférence va à son Lazuli (L’Étoile de Chabrier, 1977) :  « Ô petite étoile » : la simplicité timbrée et idéalement ronde du métal vocal dessine avec justesse le profil du personnage : jeune coeur tendre prêt à s’émerveiller.

Si la jeune mezzo apporte des couleurs enivrantes aux airs de l’opéra romantique français ici sélectionnés, c’est son Mozart qui éblouit par son style, et son élégance naturelle : oui définitif pour Cherubin : belle palpitation jamais appuyée de son « Non so più », le trouble adolescent est saisissant… et nous rappelle directement (décidément) une Von Stade avant elle.
Et son Mozart (dans l’opéra de Reynaldo Hahn, 1925), par ses teintes sombres, justes, laisse annoncer une future Charlotte de braise et de style là aussi dans Werther de Massenet (bientôt ?). Le récital s’achève sur un Mozart, apparemment simple mais en réalité terriblement sincère et vrai : le Sesto de la Clémence de Titus (1791), autre cœur jeune et en panique, – ici manipulé par la diablesse Vitellia : la noblesse et l’éclat romantique de son « Parto », accordé à la finesse de l’orchestre du Mozarteum de Salzbourg, fait mouche : la vérité le dispute ici à l’humaine tendresse. Le charme et la technique, le style et le timbre subtil de la jeune mezzo s’imposent sans fards, sans calcul. Le naturel de son chant, dessiné pour Mozart et le bel canto, s’avèrent totalement convaincant. Garçon manqué, mais vrai tempérament touchant, « la Crebassa » nous enchante. Magnifique récital. A quand le prochain ? Des mélodies françaises ?…

 

 

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu, critique. Oh Boy ! Marianne Crebassa, ezzo soprano. Orphée et Eurydice, Lucio Silla, Les Huguenots, Les Contes d’Hoffmann, Le nozze di Figaro, Psyché, Roméo et Juliette, Cendrillon, Fantasio, Faust, La finta giardiniera, L’Étoile, Mozart, La clemenza di Tito / Mozarteumorchester. Marc Minkowski, direction –
1 CD Erato 0190295927622 – Enregistré en janvier 2016.

 

 

 

 

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