mardi 19 mars 2024

CD, compte rendu critique. LA REVEUSE : MARIN MARAIS, Pièces de viole (1 cd Mirare, 2016 et 2017).

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MARAIS MARIN pieces de viole cd la reveuse critique cd review cd par classiquenews 927bce66-9c57-41c3-ad24-f59205758d34CD, compte rendu critique. LA REVEUSE : MARIN MARAIS, Pièces de viole (enregistré en 2016 et 2017). La Rêveuse choisit une collection de pièces de violes parmi les deux derniers Livres de Marin Marais, publiés en 1717 et 1725. A l’heure où l’histoire semble se précipiter (mort de Louis XIV en 1715, régence de Philippe d’Orléans, puis avènement du jeune Louis XV en 1723 à 14 ans), Marin Marais impose une virtuosité pour la viole inégalable : il a pour seul rival Forqueray. On aime souvent opposer la rondeur mondaine et opportuniste de Marais, au feu passionné, sauvage de Forqueray.

Sur les traces de ces deux étoiles de la viole baroque française, (l’Ange et le Démon), La Rêveuse trouve l’élégance du geste juste, la vérité des accents les plus nuancés pour exprimer tout ce que fait le charme et la séduction de l’écriture de Marais.
Un laisser agir, une grâce faite d’abandon et de tension, qui se rapproche de fait de cette « sprezzatura » ou naturel, grâce auquel, la difficulté s’efface sous l’illusion de la facilité.
Tout en ciselant cette grâce du geste qui distingue Marais en son temps, à la fois, compositeur et interprète, La Rêveuse éclaire aussi sa sensibilité pour la couleur et les tonalités (comme le précise avec raison Florence Bolton dans le texte très bien argumenté de la notice accompagnant le cd).

L’ELOQUENTE POESIE DE MARIN MARAIS

Les instrumentistes montrent ici combien dans ses 2 derniers Livres, Marais aime caresser et modeler avec un sens nouveau de la transition et des nuances. En cela, les interprètes soulignent l’apport de la facture française propre aux recherches de Marais : manche renversé, surtout 7è corde, grave, propre à faire vibrer l’humeur mélancolique.
Flattant et cultivant la pénombre et les zones instables, Marais favorise un imaginaire nouveau, plus allusif et poétique que démonstratif et virtuose : tel est l’enjeu et le caractère du Badinage par exemple (au fa dièse fragile et presque inquiet) où la voix basse doit murmurer littéralement (dans l’esprit des amants du peintre Watteau – en couverture du cd-, nostalgiques, saturniens, presque dépressifs).

Eloquents et flexibles, les instrumentistes de la Rêveuse savent faire chanter et même parler violes, clavecin et théorbe au diapason de cette palette de l’introspection. Une esthétique qui s’appuie aussi sur la précision presque maniaque avec laquelle Marais (comme François Couperin au même moment) note les « agréments » (nuances et accents requis pour respecter l’esprit et le caractère de chaque pièce). Même « batterie de signes » chez Marais, à l’esprit pointilleux car il sait l’enchantement et l’ivresse même que peuvent produire ses pièces si l’on respecte ses indications à la lettre (et jusqu’à la ponctuation chez Couperin) : la collection que nous proposent les musiciens de la Rêveuse le démontre à l’envi.

Exigeant et défricheur voire expérimental, Marais nous stupéfie totalement dans le livre V par exemple où règne Le Tact, qui révèle un nouveau pizzicato de la main gauche…
Comme Couperin, Marais réinvente la notion de Suite, qu’il écarte à la faveur d’une suite de Caractères, autant d’épisodes investis dramatiquement comme autant de miniatures spécifiquement caractérisées. Couperin est aussi présent à travers deux pièces transposées pour le théorbe (pratique attestée par Robert de Visée et qui témoignent du succès des oeuvres pour clavecin de Couperin). Portrait émotionnel, séquence dramatique liée à une expérience particulière (vraies scènes de genre, comme en écho à la vie sociale du compositeur…, à la Cour, à la ville…) ; ainsi Le jeu du volant (ancêtre du Badminton… mais pratiqué au sein des classes les plus aisées); de même, sont brossés avec une nouvelle intensité poétique (et grand naturel technicien) : la vivante Biscayenne, le Doucereux, La Provençale, et dernier opus de la collection, La Rêveuse, divin miroir de la Mélancolie. Mais parmi les paysages climatiques et sociétaux, distinguons l’inénarrable Fête Champêtre, évocation quasi picturale, avec ses seconds plans sonores où résonnent selon le goût d’alors, la musette et le tambourin, qui font fureur à la ville. Subtile, doués d’une sonorité enchanteresse, les instrumentistes de La Rêveuse composent ici l’un de leurs meilleurs programmes dédiés aux poètes coloristes baroques : Couperin et Marais évidemment. Magistral sélection, geste convaincant. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2018.

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CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. LA REVEUSE : MARIN MARAIS, Pièces de viole — 1 cd Mirare, enregistré en 2016 et 2017. CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2018.

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