ENTRETIEN AVEC MARA DOBRESCO. Chez Paraty, la pianiste roumaine Mara Dobresco publie l’un de ses albums les plus personnels : « Soleils de nuit ». Eloge du clair-obscur, voyage des contrastes solaires et crépusculaires… dédié à l’enchantement enivré de la nuit, de Notturno en berceuse et Nocturnes, voire Clair de Lune, c’est un programme serti de Soleils de nuit qui ont pour noms : les deux Schumann, Lipati, Piotr Illiytch, Claude de France, Philippe Hersant… Vision poétique d’un interprète entre songe et subtilité. Classiquenews interroge la pianiste sur le pourquoi et le comment de ce nouvel album plutôt convaincant.
CLASSIQUENEWS : Comment et selon quels critères avez vous choisi chaque pièce et conçu les enchaînements du programme Soleils de Nuit ?
MARA DOBRESCO : Les oeuvres présentées dans cet enregistrement se sont assemblées petit à petit en moi comme peuvent s’agencer des souvenirs qui prennent progressivement sens au contact l’un de l’autre. J’aime profondément chacune des pièces …j’ai dû renoncer à certaine qui ne trouvaient pas leur place. Les enchaînements d’une oeuvre à l’autre sont très importants car ils créent l’unité de ce voyage … au bout de la nuit.
Je suis très heureuse de « mettre en lumière » dans cet enregistrement le Nocturne en fa dièse mineur de Dinu Lipatti (oeuvre qu’il a dédiée à Clara Haskil). Cette pièce se devait de figurer dans un programme qui est une recherche de lumière dans l’obscurité. Je garde toujours à l’esprit les mots qu’il avait l’habitude de rappeler à ses élèves : “Cherche la lumière toujours plus haut chez les autres et au plus profond de toi-même.”
Le disque se finit par l’incroyable Carillon nocturne de George Enesco dans lequel l’atmosphère est impalpable, solennelle, songeuse, emportée, et à la fin du morceau, j’imagine comme un geste d’adieu, esquissé de la main depuis le bord du monde.
CNC : De quelle façon ce disque reflète-t-il votre esthétique personnelle ?
MD : C’est un disque qui ne cherche pas à « impressionner » ou à « démontrer » quelque chose. Pour cette raison, c’est un disque « anti star » presque ….qui cherche à aller dans les recoins profonds de notre mémoire, de notre âme je dirais … C’est un propos intime, et une recherche très personnelle, celle de la lumière. Avec le temps, j’ai appris à « faire confiance à la musique » comme disait l’un de mes maîtres, Jean-Claude Pennetier.
CNC : Comment avez choisi et préparé le piano de cet enregistrement ?
MD : J’aime bien dire: « La vie fait bien les choses »… eh bien ce piano est venu vers moi! Il y a eu un souci avec le piano qui était censé être celui de l’enregistrement et donc j’ai du changer à la dernière minute.
Dinu Lipatti disait: « Il n’y a pas de mauvais piano, seulement des mauvais pianistes ! » Bon, c’est presque vrai…mais j’aime bien faire UN avec le piano, celui qui est là, l’apprivoiser. C’est un très beau Steinway sur lequel j’ai enregistré et je remercie la Régie Piano pour sa réactivité et son soutien. La collaboration avec Jean Michel Daudon (l’accordeur) a été également très importante.
Propos recueillis en janvier 2018.
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Cd événement, annonce. MARA DOBRESCO : Soleils de Nuit (1 cd PARATY 2017). 1001 nuances de la nuit… La pianiste roumaine Mara Dobresco signe en un parcours semé de scintillements nocturnes, l’un de ses programmes les plus personnels : « Notturno, Nocturne, In der Nacht, Nuit, Dans l’air du soir, Clair de lune, berceuse… »… Eloge de l’intime accordé au songe de la nuit, chaque pièce ici réunie et enchaînée, raconte toujours l’éloquence secrète d’un temps suspendu, appel au rêve, à l’enchantement, mais aussi à une écoute « chopinienne » qui invite l’auditeur à une véritable écoute murmurée et intérieure… EN LIRE +