CD, coffret, événement, critique. MENDELSSOHN : Symphonies et ouvertures (LSO Gardiner, 4 SACD, 1 Pure Audio Blu ray LSO0826 / Londres 2014 – 2016). Lecture vivifiante. C’est peu dire que l’approche du « baroqueux » Gardiner apporte l’exaltation et le sens du relief et du caractère à l’écriture d’un Mendelssohn, plus dramatique et âpre qu’on imagine ordinairement. Enregistrées au Barbican de Londres, en 2014 et 2016 principalement, les ouvertures et symphonies constituant une intégrale très séduisante, de Mendelssohn bénéficient sous la direction de Gardiner d’une évidente et saine motricité, avec de réelles trouvailles stimulantes dans le relief de certains pupitres : bois, cuivres (n°5 Réformation, 1832), cordes et bois (Lobgesang n°2, 1840).
La musique de scène de A Midsummer night’s dream (1842) quant à elle gagne un surcroît de théâtralité mesurée, affûtée, avec en plus des instruments très individualisés, et mis en avant par la prise de son, le concours des comédiens et des chanteurs et choristes, eux aussi, parfaitement intégrés à l’écrin orchestral.
Ce qui frappe immédiatement l’écoute (n°2 et n°5) c’est la vitalité de l’approche, une tendresse juvénile et ardente qui emporte les cordes principalement et font par exemple toute la vive exaltation du premier volet maestoso con moto de la Sinfonia d’ouverture de la n°2 Lobgesang ; l’élan des sections chorales, frappées et portées par un pur esprit de conquête. Ou encore l’onctueuse mélopée cantabile de l’Andante pour deux voix (et cor)… Gardiner dévoile l’ample tendresse qui soustend tout l’édifice de cette symphonie cantate, ou chant de louange. S’y écoule la facilité du compositeur, auteur de somptueux oratorios, habile magicien et conteur, jouant des effectifs, des formes diverses pour solistes et choeur.
Accomplissement du LSO London Symphony Orchestra
Mendelssohn, articulé, dramatique, fervent sous la conduite
de John Eliot GARDINER
Le souffle de la majesté la plus grandiose mais sans emphase, puis l’appel de cuivres (au relief vif argent) auquel répond le mystère des cordes dans l’énoncé de « l’Amen de Dresde » (que reprendra Wagner ensuite dans Parsifal) assure l’ancrage tellurique, l’expression d’un drame viscéral et terrien dans la réalisation la somptueuse n°5 « Réformation » commencé dès décembre 1829, quand Mendelssohn fait créer la Saint-Matthieu de JS Bach : c’est un massif inouï par son ampleur sans vanité ni boursouflure démonstrative (grâce à la direction mesurée, équilibrée, ardente de Gardiner), marqué ici par le poids du fatum. Mendelssohn, juif baptisé dans la foi catholique, célébrant ici la Réforme (le tricentenaire de la confession d’Augsbourg pour 1830), signe sa symphonie la plus ambitieuse par son ton spectaculaire qui associe mystère fervent et grandeur colossale. La Réformation est assurément la pièce maîtresse de cette intégrale symphonique du LSO piloté par Gardiner.
A ranger au crédit des révélations, les ouvertures véritablement opératiques, condensés d’idées dramatiques à la hauteur du sujet ; ainsi Ruy Blas (ouverture composée en 1839), d’après la pièce si « détestable » de Hugo. Le feu tragique, le souffle amoureux manipulé, l’ambition dévoyée et elle aussi instrumentalisée par le redoutable Salluste (lequel se venge de la reine qu’il humilie grâce à la naiveté du jeune Blas dont il a fait un faux « grand d’Espagne »… le souffle de Mendelssohn, sa verve héroïque sont magnifiquement exprimés grâce à la fluide nervosité des instrumentistes galvanisés par le chef.
La Symphonie la plus exaltante demeure la coupe frénétique, exaltée et printanière – schumanienne, de l’Italienne n°4 (1833) : d’une irrépressible énergie primitive, primesautière, au souffle originel, méditerranéen, à 100 lieues des brumes de l’Ecossaise. Et de fait, un peu enlisée, fumeuse. Ici le brio solaire s’impose et s’affirme d’un bout à l’autre, avec cette vivacité plastique que Gardiner sait insuffler à tous les mouvements. C’est comme si le cycle retrouvait une sorte d’évidence londonienne, n’a t elle pas été créé ans la cité de Shakespeare en 1833 ? Et avec un remarquable succès, célébrant le génie d’un jeune homme de 21 ans, heureux voyageur après son tour italien (Venise, Florence, Rome). En Italie, où Berlioz est aussi présent (malheureux pensionnaire de la Villa Medicis), Mendelssohn ne ovit pas tant l’essor des arts.. que la beauté exaltante de la nature en ses paysages enchanteurs : l’Italienne exprime cet enthousiasme né dans la contemplation enivrée des motifs naturels.
La Saltarelle (danse napolitain sautée, découverte en 1831) porte tout l’élan du dernier mouvement, lui aussi d’une irrépressible exaltation. Les musiciens du LSO London Symphony Orchestra relèvent chaque défi de chaque mouvement, dans son déroulement formel et ses évocations, pastorales ou rythmiques dont ils font une transe superbement articulée.
Autre superbe réalisation l’ouverture, vraie opéra miniature sur son sujet bien identifié, « Calm sea and Prospero’s voyage » (1828) : l’opus 27 regorge d’idées et de somptueuses parures instrumentales où règne surtout l’éloquence enjouée, motrice des flûtes qui dit cette jubilation de l’instant dont est prolixe l’écriture d’un Mendelssohn toujours exalté mais noble et racé. Gardiner manie la baguette avec une étonnante vivacité, caressant les arêtes de l’architecture, tout en détaillant toutes les trouvailles en terme de timbres… cela coule et s’électrise avec un panache et une certaine grandeur primitive absolument irrésistible. Belle restitution là encore. On peut en dire de même pour les autres ouvertures parmi les mieux connues, souvent jouées comme épisodes dans les programmes symphoniques ici et là en concert, comme la Grotte de Fingal des célèbres Hébrides (1832), emmenée avec une même souple exaltation.
La prise live ajoute à la vivacité et à l’éloquence des sessions ainsi enregistrées. Le coffret compose une intégrale très séduisante. D’une tenue irréprochable, passionnante qui sait caractériser sans emphase l’intense théâtralité des symphonies et des ouvertures. Le coffret publié par le LSO réunit donc en une seule boîte, les 5 cd enregistrements séparés publiés jusque là. La totalité par son unité et sa cohérence dramatique comme poétique rend légitime cette compilation formant intégrale. Très recommandable, donc CLIC de CLASSIQUENEWS de l’automne 2018
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CD coffret événement, critique. MENDELSSOHN : Symphonies et ouvertures. LSO London Symphony Orchestra / John ELiot Gardiner (2014 – 2016, 4 sacd, 1 audio Pure Blu ray – LSO LIVE collection)
+ D’infos sur le site du LSO live : https://lsolive.lso.co.uk/collections/sir-john-eliot-gardiners-mendelssohn-cycle