samedi 20 avril 2024

Cassel, Aire-sur-la-Lys. Les 4 et 11 octobre 2008. Festival international Albert Roussel. L’Australie à Cassel, Enchantements aquatiques à l’Area, Aire-sur-la-Lys

A lire aussi
Festival International Albert Roussel 2008

I.


L’Australie à Cassel


avec les solistes de l’ONL

Cassel. Médiathèque. Le 4 octobre 2008. Dans le sillage d’Albert Roussel, qui embrassa la carrière d’officier de marine avant de se consacrer à la composition, le Festival International Albert-Roussel invitait à larguer les amarres et nous a entraîné à sa suite vers le grand large. Ce samedi 4 octobre, l’aventure musicale fut placée sous le signe des îles lointaines du Pacifique et de l’Australie. Le programme surprenant, comme souvent le sont ceux de ce festival, faisait alterner chefs-d’œuvre et pièces méconnues autour du thème de la mer.


Installée dans une chapelle désaffectée
, la nouvelle médiathèque de Cassel récemment distinguée par un « ruban du patrimoine », surplombe la plaine flamande en direction de la Belgique. En cet écrin convivial, idoine à la concentration et à l’élévation, le 12e Festival avaient convié les solistes de l’Orchestre National de Lille. Ils en apprécièrent l’acoustique ainsi que la chaleur du décor, tout comme l’auditoire. Ces artistes se connaissent depuis longtemps et leur complicité joue évidemment en faveur de l’absolue cohérence des interprétations proposées. Chrystel Delaval magnifia les quatre volets des « Joueurs de flûte » de Roussel, Claude Faucomprez déploya des sonorités envoûtantes dans la « Rapsodie » de Debussy. En parfaite connivence avec son pianiste, Damien Top, renouant avec sa formation de comédien, révéla deux œuvres avec récitant. Les « Nocturnes maritimes », sous titrés : poésie avec adaptation musicale, de Pierre Coindreau, élève de Vincent d’Indy, habile illustration se
conformant aux évocations habituelles de l’élément liquide. Plus consistant et plus étonnant apparut le « Cœur de docker » d’Alphonse Stallaert sur un texte de Prévert, qui renouvelle le genre du mélodrame. La partition de Stallaert saisit exactement l’humour surréaliste d’une tragi-comédie populaire.

Soulignons l’ardeur et l’abattage sans faille d’Alain Raës au piano qui fit merveille d’un bout à l’autre du concert. Schmitt, Langlais et Roussel représentent pour lui un univers familier, sa discographie en témoigne. Il s’investit pareillement avec une enthousiaste versatilité dans les morceaux de La Tombelle et d’Alkan.

Le périple sur les mers du globe s’acheva au bout de l’océan. Abordant aux îles lointaines du Pacifique et l’Australie, le programme comportait deux créations signées Peter Tahourdin, octogénaire déjà honoré à plusieurs reprises par le festival et le jeune Houston Dunleavy, spécialement venu pour l’occasion de Wollongong où il enseigne. Du premier, les « Five short pieces » pour piano se déclinent comme une sonatine concise et percutante, d’écriture librement postsérielle, synthèse du style de maturité de leur auteur. « To the ends of the ocean » du second, pour flûte, clarinette et piano, commande du festival, s’affirme comme un vibrant hommage d’un compositeur australien à la musique française avec ses allusions ouvertement perceptibles à Debussy et à l’impressionnisme aquatique.

Cassel. Médiathèque. Le 4 octobre 2008. Les îles au-delà de la mer. Fernand de La Tombelle: Chanson de Mer. Albert Roussel : Aria. Florent Schmitt: Barcarolle. Albert Roussel : Joueurs de flûte. Jean Langlais : Suite armoricaine. Pierre Coindreau : Nocturnes maritimes. Peter Tahourdin : Five short pieces création mondiale. Claude Debussy : Rapsodie. Charles Valentin Alkan:La chanson de la folle au bord de la mer. Alphonse Stallaert : Cœur de docker. Houston Dunleavy : To the Ends of the Ocean (création mondiale). Chrystel Delaval, flûte. Claude Faucomprez, clarinette. Damien Top, récitant. Alain Raës, piano

Illustration: Florent Schmitt (DR)

II.


Enchantements aquatiques à l’AREA

Aire-sur-la-Lys. Area, le 11 octobre 2008. Au cœur de la cité historique d’Aire-sur-la-Lys s’élève le Centre Culturel AREA. Une salle accueillante et confortable, à dimensions humaines, de bois clair et de velours bleu, offrant une excellente acoustique et appréciée des musiciens. Elle a vibré aux sonorités envoutantes des légendes aquatiques ce 11 octobre. Proposé dans le cadre du Festival International Albert-Roussel, dont les programmes inventifs ne sont plus à présenter aux mélomanes, le concert de musique française réunissait une palette d’œuvres à découvrir, défendus par des artistes de tout premier plan. Damien Top ouvrit le feu avec un bouquet de mélodies « maritimes », reflet du thème choisi par le festival 2008. Son interprétation distinguée à la diction modèle s’accordait parfaitement aux styles raffinés de Fernand de La Tombelle (excellent « Sur la grève »), Roussel (« Le Départ » sur un texte d’Henri de Régnier) et René de Castéra (« Je ne sais pourquoi », sur un poème de Verlaine, à l’écriture fluide et robuste). « Musique sur l’eau » de Florent Schmitt bouleversa l’auditoire par la puissante virtuosité sonore du piano enchâssant le texte de Samain sans jamais couvrir la voix. Claude Guillon-Verne, neveu de l’écrivain et compositeur élégant, était représenté pour clore la série avec « L’Océan ». Après cette échappée vers le grand large, le canadien Marc Boucher prit le relais avec un cycle plus intimiste de six mélodies de Théodore Dubois également intitulé « Musiques sur l’eau » (Albert Samain), qu’il vient d’enregistrer pour le label XXI (disque lauréat du Prix Opus 2007). Superbe résurrection d’un auteur à tort décrié, que les artistes québecquois remettent opportunément au goût du jour. Le sens de la poésie et des couleurs vocales du baryton se révéla en adéquation avec la subtilité inventive du piano d’Olivier Godin et leur duo réserva des moments d’intense émotion.


Mémorable création

La deuxième partie mettait à l’honneur le compositeur lillois Maxime Dumoulin avec une scène lyrique inédite à trois personnages d’après la légende slave de « Roussalka ». L’argument, tiré de Pouchkine, en est simple et efficace : l’ondine parviendra-t-elle à entraîner Yégor dans les contrées irréelles et splendides où la nuit n’existe pas ? Au bord du grand lac, elle use de ses charmes tandis que le pope tente de raisonner le jeune pêcheur et de sauver son âme. Un beau décor nocturne et romantique à souhait occupait le fond du plateau. La musique du jeune Dumoulin, composée vers 1925 est héritière du chromatisme wagnérien, employé à bon escient. Elle fait preuve tour à tour de généreux élans lyriques
(trio « tu m’as juré d’être fidèle »), de retenue et de concision efficientes (lever du jour en conclusion de la scène finale). Un incontestable sens du drame s’y déploie, faisant regretter qu’il n’ait pas écrit d’opéra ! La distribution franco-américano-canadienne de haute tenue défendit avec bonheur cette révélation : le rôle titre était tenu par l’américaine Brenda Witmer, ondine charmante et tentatrice (très beau duo « Dans le doux mystère »), dont les aigus de cristal compensaient une articulation du français trop peu convaincante. Avec sa voix de ténor tour à tour héroïque et séductrice, Damien Top conféra une dimension tragique au personnage de Yégor tiraillé entre l’amour et le devoir.

Face à lui, Marc Boucher incarnait de son baryton d’airain un pope autoritaire et compréhensif. A lui seul, Olivier Godin parvint à colorer son clavier de tous les timbres de l’orchestre et sa maestria mérite une mention spéciale. La création de « Roussalka » à l’AREA a soulevé l’enthousiasme du public.Souhaitons une belle carrière à cette œuvre qui sommeillait depuis 1925. Puisse-t-elle préluder à la redécouverte d’un compositeur négligé. Les mélomanes désireux d’en connaitre plus sur Maxime Dumoulin (1893-1972) peuvent lire la biographie parue chez L’Harmattan que lui consacre un de ses élèves, Robert Guilloux.

Aire sur la Lys. Area, le 11 octobre 2008. Fernand de La Tombelle: Sur la grève (Paul Bourget), Albert Roussel : Le Départ (Henri de Régnier), René de Castéra: Je ne sais pourquoi (Paul Verlaine), Florent Schmitt: Musique sur l’eau (Albert Samain), Claude Guillon-Verne: L’Océan (Claude Guillon). Théodore Dubois: Musiques sur l’eau (Albert Samain), 1. Ecoute la symphonie, 2. La lune s’effeuille sur l’eau, 3. Sous la profondeur des feuilles, 4. Promenade à l’étang, 5. Soir de silence, 6. Blancheurs d’ailes. Maxime Dumoulin: Roussalka (création mondiale). Brenda K. Witmer, soprano. Damien Top, ténor. Marc Boucher, baryton. Olivier Godin, piano.

Illustration: Ondine par John William Waterhouse (DR)

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