Les rencontres des musiques anciennes en Midi-Pyrénées 2010 ont débuté avec un concert très émouvant.
L’Ensemble Scandicus a pour lui la force de la jeunesse et la rigueur du travail d’artisan. Les 8 chanteurs, Marc Pontus, Frédéric Bétous, Jean Louis Comoretto, Jérémie Couleau, Olivier Boulicot, Dominique Rols, Francois Velter, Guillaume Olry et Christine Gent à l’organo di legno ont concocté un programme rare d’une extrême intelligence. Dominique Phinot est un compositeur français de grande valeur. L’ignorance dans laquelle sa musique est tombée est assez incompréhensible. Nous ne pouvons que remercier la sagacité de Jérémie Couleau qui a su convaincre ses collègues de rendre vie à de superbes partitions d’une grande difficulté. Le jeune musicologue a associé plusieurs compositeurs autours d’une superbe mélodie de Claudin de Sermisy sur le motet « si bona suscepimusde manu Domini ». Ce très beau thème a parcouru tout le programme car il est cité comme contrainte musicale par Phinot tout au long de sa Messe et des paraphrases et diminutions virtuoses à l’orgue ont été intercalées avec efficience.
Cette musique médiévale, dans le style franco-flamand, toute faite de lignes enrubannées ne repose pas sur une écoute verticale. Cette somptuosité des enchevêtrements de lignes vocales de quatre voix à six voix crée une ambiance faite de recueillement rempli de sensualité. La qualité musicale de ces pages, leur refus de l’effet facile, annonce William Byrd.
Une agréable prononciation du latin francisé rappelle l’origine française des compositeurs. La manière franche et directe dont les huit chanteurs abordent ces pièces leur donne une saveur fraîche et vivifiante. La précision des attaques, la justesse constamment trouvée, les dynamiques bien marquées et la beauté des timbres sont les qualités enviables des Scandicus. Un extraordinaire travail sur l’homogénéité des voix, basé sur une écoute de tous les instants, leur permet lorsqu’ils sont à quatre voix de donner une grande sensibilité à leurs phrasés. Un savant équilibrage des chanteurs deux par deux leur permet de rendre hommage à des tessitures parfois très larges. Écrites avec des chiavette, les partitions doivent être transposées. Elles le sont ce soir à la quinte et le résultat permet aux harmoniques graves des voix d’homme de se développer.
Las, l’acoustique sèche du lieu ne donne aucune satisfaction ni aux chanteurs ni au public. Privée de réverbération et de profondeur cette musique est comme aplatie en deux dimensions. On ne peut que louer la qualité instrumentale des voix et la rigueur de la préparation musicale car aucun détail n’est caché dans une telle acoustique. La performance est remarquable et nous fait espérer d’atteindre au sublime dans une église qui permettra aux musiciens de pouvoir d’avantage interpréter et d’être plus à l’aise. Leur épuisement et leur joie d’avoir dépassé cet handicap était visible, deux bis ont généreusement été offerts à un public conquis autant par la qualité des œuvres que de l’interprétation.
Nous ne pouvons dire que beaucoup de bien du courage de Christine Genet qui n’a pas cédé au désespoir lors de son premier morceau solo tant on a perçu les effets dévastateurs de la sécheresse et de la chaleur sur son superbe instrument. Elle a su progresser dans les pièces solistes suivantes pour faire apprécier le son boisé et flûté des jeux d’orgue et a rendu perceptible sa fine musicalité. Mais quel gâchis !
S’il n’y avait eu cette acoustique totalement inadaptée ce concert aurait été magique. Mais Scandicus a démontré que son nouveau programme, après de somptueuses Lamentations de Jérémie de Costanzo Festa en 2008, mérite de tourner dans les plus belles églises. Ils ont tous les atouts pour rendre la vie à ces superbes partitions.
Blagnac. Petit Théâtre Saint-Exupère. 13 mars 2010. Dominique Phinot (1510-1555 ) ; Claudin de Sermisy (1490-1562) ; Pierre Attaigant (1494-1551) ; Giovanni Maria Da Créma (1520-1570) ; Albert de Rippe (1500-1551) ; Motets, messe et fantaisies ; Ensemble Scandicus : Marc Pontus, Frédéric Bétous, Jean Louis Comoretto, Jérémie Couleau, Olivier Boulicot, Dominique Rols, Francois Velter, Guillaume Olry ; Christine Genet, orgue positif ; Direction : Jérémie Couleau.
